Robert Martin
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Demain n’arrive vraiment pas à mourir






        Cela avait été une mission d’une grande simplicité. Il avait quitté Londres et pris l’avion pour Jersey. Le printemps était doux dans les Anglo-Normandes. De l’aéroport, un taxi le conduisit à la gare maritime où il laissa son bagage en consigne. Puis il traversa rapidement les vieux quartiers de Saint-Hélier, la capitale de l’île, et entra dans une grande banque où l’attendait un de ces comptes numérotés qui inspirent le respect. On le dirigea vers le bureau d’un fondé de pouvoir qui était l’une des rares personnes à savoir que ce compte bancaire appartenait à une administration de Sa Gracieuse Majesté. Il était déjà prévenu et remit personnellement à son visiteur une forte somme dans une serviette Hermès, et lui souhaita le bonjour. En sortant, le voyageur constata qu’il lui restait trois heures avant le départ du bateau. Il en profita pour flâner un peu dans les rues commerçantes. La serviette était discrètement reliée à son poignet par un fil translucide. Si elle lui était arrachée brutalement, une décharge électrique paralyserait le voleur dans les trois secondes. Cela lui permit, tout en étant sur ses gardes, de profiter un peu de la promenade. Puis il se dirigea vers la gare maritime et récupéra sa valise.

        La traversée fut assez rapide. La plupart des ferries allait vers Saint-Malo, mais une compagnie de Granville assurait également la liaison, et cela l’arrangeait, puisque c’était justement sa destination. Alors que certains des passagers s’abritaient des embruns dans la grande cabine vitrée, il préféra flâner sur le pont. Assises sur un banc, deux jeunes anglaises en short et débardeur, des étudiantes en vacances probablement, se prélassaient les yeux fermés et les bras relevés. L’air marin faisait danser le duvet doré de leurs aisselles. Il sourit de sa tentation. Malgré son expérience, qui n’était pas négligeable, il avait encore des pulsions animales, et il leur aurait bien frictionné le dos et mordillé les oreilles, à ces deux oiseaux... Mais la priorité, c’était sa mission...

        Du port de Granville, il marcha jusqu’à l’Hôtel des Bains. Le centre ville n’était pas grand et la distance ne valait pas la peine que l’on prît un taxi.
        La réceptionniste de l’hôtel fut un peu troublée en le voyant s’approcher d’elle. Brun, la quarantaine, une silhouette féline, il n’avait pas besoin de regarder une femme de haut en bas pour qu’elle se sente déshabillée. Il la fixait dans les yeux, et les petits plis charmants de chaque côté de son léger sourire faisaient le reste. Lorsqu’elle vérifia le registre des réservations, elle hésitait tellement qu’il dut répéter son nom : « Bond. James Bond. » Et en plus, il avait un léger accent qui ajoutait une touche de classe à sa voix grave ! Elle le regarda se diriger vers l’ascenseur. Pour un peu, elle aurait porté ses valises. Pourquoi pas ? Après tout, on était en l’an 2000...
        Une fois installé dans sa chambre, et après avoir caché l’argent dans la taie d’oreiller de secours, dans l’armoire, il se prélassa dans un bain chaud puis prit une douche froide. Il enfila un peignoir, vérifia le fonctionnement de son Walther et replaça un chargeur dans la crosse. Puis il se rhabilla et attendit sur son lit l’heure prévue.
        Quarante-cinq minutes plus tard, il se rendit à son rendez-vous, dans une chambre de l’étage au-dessus. Le Libanais l’attendait. Il était assis sur le bord de son lit, et Bond s’installa dans un fauteuil de cuir. Il négocia longuement avec lui. L’homme avait les informations attendues, et même d’autres en prime. Tout avait été rassemblé sur deux cédéroms. Le Levantin alluma un Compaq portable et lui fit parcourir les deux disques. Ce n’était pas de la mauvaise camelote. Bond réussit à le satisfaire avec les deux tiers de la somme retirée à Saint-Hélier, et l’assurance d’une protection sur le sol britannique.
        Il regagna sa chambre le temps de préparer la somme convenue puis remonta par l’escalier vers la chambre du Libanais. L’échange eut lieu et Bond, en glissant les cédéroms dans la poche de sa veste, lui tendit un billet d’avion Paris-Londres pour le surlendemain. Après un bref salut, ils se séparèrent.
        Sa tâche était terminée, sans complication, sans coup fourré, sans intervention impromptue de tiers cachés dans des placards. Comme c’était souvent le cas. En redescendant l’escalier, il pensait à tous les changements auxquels il avait assisté et à l’évolution de son travail. Il avait combattu le nazisme, puis l’URSS de Staline, de Khrouchtchev, Brejnev et quelques autres, mais depuis... pas mal d’années déjà, la plaie s’était refermée entre le pays du whisky et celui de la vodka. Poutine était un chef d’état comme tant d’autres. Depuis la fin des conflits idéologiques, les dangers venaient d’ailleurs. Ça permettait de varier le travail...
        Son téléphone portable se mit à vibrer. Il s’arrêta sur le demi-palier, extirpa de son étui le Nokia qui faisait un léger contrepoids au Walther et appuya sur le bouton vert. Le son arriva immédiatement ; il fallut une bonne seconde pour que l’image apparaisse et se stabilise. « Salut, James !
        - Tu arrives au bon moment, je viens juste de terminer un... petit travail tranquille.
        - Toujours en activité, hein ? Et toujours rayonnant ! Mais bon sang comment fais-tu ? La chirurgie plastique n’explique pas tout. Hormones ou pacte avec le diable ?
        - Les deux, mon capitaine » répondit Bond, souriant d’un air gêné en détaillant sur le petit écran le visage ridé, qu’accompagnait une voix un peu chevrotante, de Felix Leiter, agent de la CIA à la retraite, depuis longtemps. Il est vrai que l’écart s’était creusé entre les deux amis. Par la grâce des puces, des microcams et des satellites, l’agent britannique toujours fringant et le vieillard américain se regardaient, comme les philatélistes scrutent le visage d’un président africain sur un timbre-poste. Felix plaisantait, mais il pensait, en son for intérieur, que Bond ne se contentait pas de liftings, de teintures, de thalassothérapies et de vitamines. Il avait dû tester un traitement de pointe — peut-être hérité de la recherche génétique russe, depuis la chute du Mur, qui sait ? — qui avait prolongé sa jeunesse d’au moins quarante ans. Lui, Leiter, n’en bénéficiait pas, c’est certain. En échange, il vieillissait avec les siens. Alors que Bond était toujours seul, Felix le savait bien, même s’ils ne se téléphonaient que deux fois par an. Tout en parlant, James descendit les escaliers et regagna sa chambre. Il termina allongé sur son lit sa conversation avec Leiter.
        Quand il se retrouva seul, le petit écran éteint, une sévère nostalgie lui étreignait le cœur. Les larmes lui montaient aux commissures des yeux. Il réalisa soudain qu’à vingt mètres de l’hôtel, en direction de la mer, se tenait un casino, un casino sur la Manche, assez semblable à celui de Royal-les-Eaux, non loin du Touquet, où, en 1953, il avait joué contre le Chiffre cette mémorable partie de baccara. Alors qu’il était en fâcheuse posture, lessivé par l’agent français à la solde de Moscou, Felix Leiter, qu’il venait de rencontrer quelques heures plus tôt, lui avait prêté deux millions de francs pour reprendre le jeu et le gagner. Il décida, en l’honneur de son ami, d’aller faire un petit tour devant une table de jeu. Assez respectueux des usages, il sortit de sa valise un impeccable smoking qu’il étendit sur le lit. Reprit une douche et s’habilla, tout en jetant un coup d’œil par la fenêtre. Les toitures du casino avaient été récemment restaurées. On entendait la mer qui remontait en recouvrant progressivement les grandes plages.

        Sur le seuil de l’hôtel, il inspira une grande bouffée d’air frais. Là encore, nul besoin d’un véhicule pour traverser la petite place qui le séparait de l’établissement de jeu. Il ne put s’empêcher néanmoins d’admirer quelques voitures garées sur le parking. Une toute récente Rover, notamment, qu’il aurait volontiers essayée. Il se rappela celle qu’il avait le plus aimée, sa première, une Bentley 4L500 avec compresseur Amherst Villiers qu’il avait acheté en 1933.
        Le hall de l’établissement était provincial mais plein de charme. À droite, une salle de restaurant. Il n’avait pas encore faim mais d’ici une heure, il apprécierait sans doute d’en lire la carte. À gauche, une salle de jeux avec roulette, boule. Il se procura quelques plaques et alla s’asseoir à la grande table de roulette. Il tenta quelques stratégies dans ce jeu de hasard et se mit à gagner plus qu’il ne perdait.

        Le 7 sortit alors qu’il avait placé la moitié de ses gains sur la première quinzaine. Le croupier poussa vers lui le butin, et Bond commença à empiler ses plaques. Il était temps d’aller dîner, l’émotion lui avait ouvert l’appétit. Il fit glisser une plaque généreuse vers le croupier qui le remercia pour le personnel. Il leva les yeux vers les fenêtres. Le jour déclinait vers la mer grise. Un rayon orangé frappait l’escarpement de la promenade. C’est alors qu’il commença à percevoir ce bruit sourd, cette vibration métallique qui prenait naissance en lui. L’alarme intracrânienne avait été déclenchée par quelqu’un qui venait d’entrer dans la salle et qu’il ne voyait pas. Il fit deux paquets de ses plaques et les glissa dans les poches de sa veste de smoking, puis se leva et se retourna calmement. Une femme en costume gris perle le regardait, un léger sourire de surprise sur les lèvres couleur de mûres. Ses cheveux très courts ne le firent hésiter qu’une seconde : Amanda Darrieux.
        Elle avait reculé. Il la rejoignit dans le hall. Les premiers mots émus pour se saluer, évacuer le silence. Pour demander des nouvelles. Mais résume-t-on sa vie facilement quand on ne s’est pas vus depuis trente ans ?
        Il lui proposa d’aller dîner. C’est ce qu’il allait faire avant qu’elle n’arrive et elle était venue aussi pour ça. Ils prirent une petite table près des fenêtres qui donnaient sur la mer. Quand le serveur leur apporta la carte, la première phase des retrouvailles était terminée. Il savait qu’elle vivait toujours de petites affaires illégales et de grands coups de maître, elle savait qu’il travaillait toujours pour le gouvernement britannique et qu’il venait de terminer une mission sans anicroche, dont elle ne saurait rien de plus, et sur laquelle elle n’essaierait pas de le cuisiner. Ils se plongèrent dans la lecture du programme gastronomique imprimé sur papier de luxe. Au moment où ses yeux parcouraient « gambas flambées au madère », Bond fut assailli par les souvenirs.

        Avant la guerre, il avait participé à quelques mémorables coups fourrés. Notamment ce séjour de deux mois à Monte-Carlo, passé à tenter de coincer deux Bulgares qui truquaient le jeu à l’encre sympathique. Il s’en était brillamment tiré et en avait même retiré un profit personnel. À partir de 1939, on concentra les efforts sur le Reich, bien que les Russes fussent toujours sous étroite surveillance. En février 43, à Londres, il surveillait un employé du téléphone soupçonné d’être un agent de l’Allemagne. Il accumulait de plus en plus d’éléments compromettants contre lui. Un soir, sachant que l’homme en question devait rencontrer son contact, il le suivit discrètement. Ils passèrent un moment dans un pub enfumé. Personne ne s’approcha de l’agent nazi. Personne ne lui adressa un mot. Son verre fini, il se leva et sortit. Bond lui embraya le pas à une distance raisonnable. La nuit était noire et il n’y avait pas encore eu d’alerte ce soir. Lorsque l’autre entra dans un îlot en ruine, Bond commença à se méfier et crispa sa main sur la crosse de son automatique, au fond de la poche de sa canadienne. L’employé du téléphone s’arrêta à dix mètres devant lui, lui tournant toujours le dos. Soudain un craquement se fit entendre sur la gauche : quelqu’un se cachait dans le couloir d’entrée d’un immeuble bombardé. Quelqu’un qui allait en jaillir... Bond, qui s’apprêtait à riposter à une attaque, comprit trop tard que c’était une simple diversion. Le danger ne venait pas de l’inconnu du couloir, fausse embuscade vers laquelle il avait rapidement braqué son arme. C’est l’autre, sa cible initiale, qui profita de l’hésitation et se retourna tout en s’accroupissant, un pistolet au bout du bras tendu. Il tira trois coups très rapprochés. Et, ma foi, c’était un excellent tireur. Une balle se perdit, mais les deux autres touchèrent Bond au poumon et au cœur.

                                                        *

        Ce qui le surprit d’abord, c’était ce malaise, cette douleur terrible. Non la douleur d’une blessure, mais la sensation brutale de rentrer dans une combinaison de plongée trop petite. La deuxième surprise, ce fut que le jour se levait timidement. Que s’était-il passé pendant tout ce temps ? Son esprit reconstituait les événements de la nuit. Le troisième étonnement : on lui avait laissé son arme, juste à côté de lui. Puis vint le quatrième. Il aurait dû être mort. Il se souvenait parfaitement de ce qui l’avait envoyé au tapis. Ses vêtements troués et tachés d’un rouge brunissant en témoignaient. La tête en feu, il rentra chez lui en rasant les murs.
        Il avait beau se tâter, il n’avait pas de blessures. Le seul détail attestant qu’il n’avait pas rêvé, c’était que la peau, aux endroits où il se rappelait les impacts, resta un peu plus claire pendant quelques heures.
        La chose fut retournée dans tous les sens. Il ne trouvait pas de solution. N’étant pas d’un tempérament crédule, il récusait l’hypothèse du miracle divin. Et il n’y avait rien d’autre.

        La vie reprit son cours. L’employé du téléphone, quelques jours plus tard, fit une mauvaise fin lors d’un bombardement, n’ayant pu rejoindre l’abri anti-aérien le plus proche. Il n’y eut pas, on s’en doute, d’autopsie.
        Même s’il n’y pensait plus tous les jours, l’expérience qu’il avait vécue l’avait profondément marqué. Il se sentait plus sûr de lui. D’un autre côté, il n’était pas certain que l’inexplicable se reproduirait une prochaine fois.

        L’année suivante, peu de temps avant le débarquement, « M » avait chargé Bond de rencontrer une aventurière, peut-être française, qui prétendait avoir extorqué aux Allemands quelques projets de mouvements sur le front de l’Est. Sans être capital — ils avaient d’autres informateurs, et de confiance — cela pouvait être intéressant et offrir des éléments de comparaison. Le rendez-vous était fixé dans une église. Il arriva le premier et s’assit dans le fond. Quelques livres de prière étaient rangés à portée de main sur une étagère. « La lecture n’est pas très variée », ironisait-il intérieurement. Il maudissait le manque de ponctualité lorsqu’un bourdonnement monta dans sa tête. Une sorte de vibration électrique, qui tournait, s’approchait, et devint plus forte lorsque la porte s’ouvrit, laissant passer un bref instant la clarté du jour. Ébloui, plissant les yeux et le front, il regarda la silhouette sombre s’approcher.
        - « Je ne... Je ne m’attendais pas à tomber sur quelqu’un comme vous... et comme moi... Comme nous en fait... Enfin vous voyez ce que je veux dire. Mais pourquoi pas après tout ? Nous sommes sur un sol sacré, ça tombe bien. Et puis nous sommes du même bord, pas vrai ? »
        Bond ne comprenait rien à tout ce charabia. Elle le vit à son expression.
        - « Oh mon Dieu, on ne vous a rien dit ? C’est récent ?
        - Mais quoi, bon sang ?!
        - Je crois qu’on va tout prendre depuis le début...Mais d’abord voyons l’affaire qui nous amène, il y en a pour dix minutes. Ensuite, j’aurais quelques révélations à vous faire en privé, qui ne concernent que vous et moi... et d’autres personnes comme nous, qui sont sans rapport avec cette guerre et le rôle que nous y jouons. Cela expliquera une expérience étrange que vous avez dû subir. »
        Face à sa détermination, pour une fois, il se laissa faire. Elle lui expliqua tout. Cela prit toute l’après-midi.
        - « Bon atterrissez, mon vieux. Je sais que c’est dur à digérer. Rentrez chez vous, réfléchissez et revoyons nous dans deux jours. Des questions vous viendront d’ici là peut-être. En attendant, soyez prudent. Je vous trouverai une épée.
        - Je n’ai pas l’intention de me servir d’une épée, rétorqua-t-il en tapotant le côté gauche de sa veste, sous l’aisselle.
        - Il vaudrait mieux, pourtant. Votre arme ne pourra jamais être qu’un moyen provisoire de vous tirer d’affaire avec des gens comme nous. Avec un adversaire déterminé, quelques heures de répit au maximum. Et toujours devoir fuir. »
        Cela ne lui ressemblait pas non plus. Elle avait raison. Il faudrait donc se mettre à l’escrime.

        Amanda mangeait de bon appétit. Depuis quelques secondes ils ne parlaient plus. Le visage légèrement tourné vers les fenêtres qui donnaient sur le large, ils regardaient l’horizon encore rougeoyant. Elle lui sourit, exprimant clairement son émotion de le voir toujours de ce monde. Il ne s’était pourtant pas épargné les dangers durant toutes ces décennies. Elle se remémorait leur deuxième entrevue, dans Hyde Park.
        - « Bonjour, James, comment allez-vous ?
        - Je m’habitue. C’est difficile à croire, bien sûr. Pourtant j’ai déjà éprouvé une petite partie de vos révélations. À commencer par cette... première mort. Il est vrai aussi tous les bobos, coupures, hématomes, que je me suis faits depuis ont disparu très vite et sans nécessiter de soins. Je n’avais pas osé en parler à un médecin. Je crois que j’ai bien fait.
        - Vous avez besoin d’une épée ?
        - Non, je crois que j’ai ce qu’il faut. Un de mes grands-oncles officier de cavalerie m’a laissé son sabre. Mais je n’accepterai que des duels sur rendez-vous. Je ne peux pas porter ça sous un veston de ville ou de smoking. Je porte rarement des manteaux longs comme vous.
        - Et si l’ennemi se fait pressant ?
        - Une balle dans le cœur pourra le rendre plus conciliant, et l’amener à se servir de son agenda. Il y a des règles, d’accord, mais que chacun fasse un effort, dans ce cas. »

        Amanda s’en souvenait clairement : elle avait beaucoup apprécié chez lui cette adaptation rapide à sa nouvelle condition, ce mélange bien dosé de fatalisme et d’affirmation de soi. Par la suite, elle n’avait pu lui donner qu’une formation rapide, pendant un mois, car elle devait partir aux États-Unis. Un peu plus tard, il avait trouvé un autre mentor, dont elle ne savait rien. James était un ami mais aussi un agent... secret.

        Le repas était terminé. Bond régla avec sa carte bancaire pendant qu’Amanda laissait un pourboire substantiel.
        Dehors, l’air était doux. Elle voulut marcher le long des cabines, sur la promenade qui surplombait la plage, et qui menait en contrebas de la maison de jeunesse de Christian Dior. En souvenir d’un baisemain qui l’avait beaucoup émue, venant du créateur de la robe qu’elle portait, un soir de 1935, à Paris...
        Bond l’écoutait avec attention. Avec elle, il se sentait différent. Il la trouvait séduisante, l’admirait, mais n’avait jamais éprouvé la tentation de la séduire pour aller plus loin. Et elle, de son côté, le trouvait très mignon. Mais respectait sa réserve. Elle savait qu’étant à l’origine de son initiation et représentant un mystère beaucoup plus vaste que le sien, elle resterait une grande sœur. Oui, c’était peut-être cela qui avait retenu ce dragueur invétéré : l’interdit de l’inceste.
        Quand elle eut fini le résumé de ses aventures, elle lança la question qui la démangeait depuis longtemps : « Tu as rencontré des immortels depuis tes débuts ?
        - J’en ai croisé six ou sept. J’en ai affronté et vaincu deux, sans l’avoir cherché, d’ailleurs. Une fois, dans une forêt canadienne où je me trouvais en vacances. Une autre fois au cours d’une mission, contre un officier du contre-espionnage roumain. Dans le cadre du service, donc.
        - Et le quickening, ça t’a fait de l’effet ?
        - Hmm... Évidemment ; c’est une expérience qu’il vaut mieux connaître pour des gens comme nous. On ne vit que... combien de fois, au fait ? Nous sommes un peu comme les diamants, quasiment éternels. Solides, mais, en fait, un coup bien ajusté et c’est la poussière. Le quickening, je n’y tiens pas plus que ça. Je préfère l’électricité dans la technologie de pointe. L’accélération, c’est bon pour une voiture de sport. J’apprécie mon métier, travailler avec mes collègues mortels, pour mon pays. Au service de sa Majesté.
        - Tu aimes le danger, mais tu profites de ta constitution physique particulière.
        - Je ne le nie pas. Finalement, je ne prends pas autant de risque qu’on pourrait le croire. Je peux sauter dans un précipice à la poursuite verticale d’un avion qui tombe en piqué, mais ce n’est pas pour épater une quelconque galerie. Je vise l’efficacité. C’est tout. »
        Amanda souriait en songeant qu’elle ressentait sans doute une excitation assez proche lors de ses cambriolages audacieux.
        - « Tu vois, reprit-il, j’ai beaucoup appris de toi et de celui qui fut mon guide, mais j’ai une dette énorme envers des mortels, comme mes supérieurs successifs, leur secrétaire, le chef de l’équipement, qui ont été mes meilleurs supporters, ou Rollin, que j’ai connu grâce à toi. Sans lui, comment aurais-je pu vivre sans être obligé de disparaître ? »
        C’était vrai, Amanda en convenait. Dans les années 60, Bond commençait à s’inquiéter du temps qui passe. Dans très peu d’années, on s’étonnerait de sa jeunesse, les administrateurs le pousseraient vers la sortie. Car une carrière, ça commence, ça se poursuit, puis ça se termine. Avec cadeaux des collègues, pot d’adieu, retraite sportive dans le Surrey. Heureusement, un soir, à l’opéra, il revit Amanda. Ils bavardèrent autour d’un cognac après la représentation. Informée de ses craintes, elle lui proposa de rencontrer un de ses amis américains. Un agent, lui aussi.
        - « FBI ? CIA ? NSA ?
        - Non. Un autre service, qui réunit un très petit nombre d’agents auxquels le Département d’État confie des missions désespérées ou très délicates. Ils sont à peine connus du reste de l’administration américaine. Tout doit rester entre nous, tu comprends ? N’en parle même pas à tes amis de l’Intelligence.
        - Nous sommes en privé, et un secret qui vient de toi a un statut... tout particulier.
        - Bon. C’est l’IMF. J’ai été recrutée deux fois, pour mes talents de monte-en-l’air, par leur coordinateur. Il s’appelle James, comme toi. Enfin, Jim c’est l’Amérique... Mais c’est un de ses collaborateurs que tu devrais rencontrer. Un illusionniste. C’est sa couverture, en tout cas. Mais il fait mieux que de tirer des foulards de sa main ou de scier des femmes. Il peut changer ton visage. »

        Six semaines plus tard, à New York, Bond rencontrait Rollin Hand, un brun aussi ténébreux que lui, un émotif contrôlé au regard de Scorpion. Celui-ci commença par lui montrer tout ce qu’on pouvait faire avec les masques en polymère synthétique et les postiches, ce qui pourrait s’avérer très utile dans certaines opérations. Puis il aborda le sujet principal d’un ton plus confidentiel : « Amanda m’a dit que vous étiez doté d’une anomalie très intéressante. Votre peau détient un pouvoir suraigu de cicatrisation. Vous pouvez donc, en suivant certaines règles, remodeler votre visage à volonté. La chirurgie plastique appliquée aux services secrets, en quelque sorte. » Rollin lui fournit un mode d’emploi, des instruments, des produits, et le mit en contact avec un chirurgien. Bond était en confiance.
        Quelques jours après, il remit sa tête entre les mains de Rollin, pour la partie artistique, et du praticien, pour la partie technique. L’opération dura trois heures et le lendemain, grâce aux propriétés miraculeuses de son épiderme, il put quitter sa chambre sans pansements. C’était toujours un grand brun. Il avait le visage plus doux — plus mou, diraient certains —, son regard était moins celui d’un prédateur. Ce n’était pas plus mal, pour ce qu’il avait à faire : tromper son monde. Ne pas être remarqué. Quoi qu’il en soit, avec cette tête-là, au cours d’une affaire très importante, il rencontra une femme. Ils se plurent. Cela commença comme toutes les autres histoires. La séduction, le charme, qui opère toujours. Mais était-ce le fait d’avoir un nouveau visage et l’impression de commencer une nouvelle vie ? Il ne ressentait pas ce désespoir qui gâchait tout, ce cynisme qui finissait par engluer, à chaque fois, ses relations intimes. Il l’aimait. Elle était sincère. Il eut le sentiment qu’une deuxième chance lui serait peut-être accordée. Il remporta la partie contre l’ennemi. Il épousa la belle. Le bonheur fut court. Ils partaient en voyage de noces. Beau temps. Voiture décapotable. Sur la route de Kufstein, en Bavière, des tueurs anonymes crachèrent en les dépassant leur vengeance de plomb. Une balle dans le pare-brise et une jeune vie effacée. Bond profita de son congé nuptial pour cuver son chagrin. Lorsqu’il émergeait des vapeurs du scotch, il n’aimait pas croiser son reflet dans une glace. Ce visage nouveau, celui du bonheur raté, il ne le supportait plus. Un matin où il se tenait devant le miroir, tremblant entre l’ivresse et la lucidité, il trancha au rasoir les récentes attaches de ses muscles faciaux. Le sang pissait dans le lavabo, et sa gueule s’effondrait, redevenait ce qu’il était un an plus tôt, en plus défait, en plus vieux, profondément vieux. Il but un coup et retourna au lit comme un enfant sage. Au bout de quelques jours, il se leva, prit une douche, fit sauter ses croûtes et retrouva une tête présentable. Le travail était la seule issue.
        Ses supérieurs avaient été prévenus de son premier changement de visage. Ils ne furent pas trop surpris de le voir revenir avec sa tête initiale. Cela lui donna des idées pour l’avenir. Le temps passa encore, et il arriva en fin de carrière, même s’il était « encore vert ». Bond proposa à sa hiérarchie l’idée d’un remplaçant qu’il recruterait avec soin et qui reprendrait son identité. Ainsi, il y aurait toujours un James Bond portant le matricule 007, et cela brouillerait les pistes. Comme le Fantôme du Bengale, qui succède discrètement à lui-même. Comme le Dalaï Lama. M fut séduit par l’idée. On ne change pas une équipe qui gagne. Bond Ier prit donc sa retraite et envoya quelques semaines plus tard son remplaçant avec une lettre de recommandation. Il était grand, blond, avec un air aristocratique mais accessible. Un brin léger. Il ressemblait à un acteur qui avait incarné Ivanhoé à la télévision. M, Q, Moneypenny le testèrent à différents niveaux. Si différent qu’il fût de son prédécesseur, il devait se sortir des mauvais pas avec le même brio. Sur la Côte d’Azur, sous l’eau, dans l’espace, tout lui réussissait. On finit par le considérer comme la suite logique du Bond brun de la précédente génération.
        Un jour il eut tout de même un problème très inquiétant, surtout pour un immortel dont rien n’est censé altérer la santé. Était-ce une allergie ? Avait-il mangé trop de fruits de mer ? Il ressentit de terribles démangeaisons faciales, son lifting craqua juste au moment où il venait de partir en mission. Il dut la mener à bien avec son ancienne et première tête, qui devait figurer maintenant dans tous les fichiers de contre-espionnage ennemis. Jamais, plus jamais il ne mangerait de calamars sans être sûr de leur provenance et de leur fraîcheur !
        Il put par la suite réparer le désastre et reconstituer le visage du grand blond flegmatique.
        - « Mais je crois t’avoir rencontré avec cette tête-là à Monte-Carlo !, s’exclama Amanda. Je ne t’avais pas reconnu. Je me disais : “Quel est cet immortel ? Séduisant !... Un joueur ? Un financier ? Une éminence grise ?” Je n’étais pas très loin... »
        Bond rit et reprit son récit à voix basse.
        - « Là encore, je suis arrivé en fin de carrière. Et puis la “célébrité” était revenue plus vite que la première fois, avec son cortège d’inconvénients. Mon visage était trop connu. Je me suis absenté quelque temps, puis j’ai repris du service avec une nouvelle tête.
        - Tu étais redevenu brun, je crois ? C’était la photo que tu m’avais envoyée en 88 ?
        - Oui, avec des yeux clairs.
        - Tu avais un regard de loup ! Pourquoi tu n’es pas resté comme ça ? Tu avais quelques années devant toi. Cela dit je te trouve très mignon comme tu es. Très classe.
        - Ben, j’ai été un peu excessif. Mon ami américain Felix Leiter avait été victime d’une terrible agression, et sa femme assassinée. J’ai utilisé mon permis de tuer à des fins très personnelles.
        - Tu flinguais en dehors des heures de service ?
        - Oui. Et on m’a saqué. Ce James Bond a été congédié, et son prédécesseur, retraité depuis quelques années, a suggéré aux successeurs de ses anciens supérieurs un nouvel élément talentueux. Et me voilà. Ça se passe assez bien avec ma chef, le nouvel « M ». Le vieux « Q » a aussi quitté le service. Je t’avais parlé de Miss Moneypenny ? C’est sa nièce qui a repris le poste. Ça me fait drôle de l’appeler par le même nom que sa tante. Je m’y perds. Nos noms sont toujours les mêmes, nos visages ont changé, mais ça n’est pas pareil pour nous deux : elle est une autre, je suis le même.
        - Tu t’étonnes ? lui répondit Amanda en éclatant d’un rire clair. Même par rapport à nous, les Immortels, tu vas à contre-courant : nous gardons le même visage et devons parfois changer de nom, toi tu gardes ton nom et changes de visage.
        - Parfois, en mission, j’ai aussi un faux nom, une couverture. Donc changer de tête était plus important, avec toutes ces photos, tous ces films, ces vidéos, ces témoins partout dans le monde. Et il fallait bien que je garde quelque chose ; quelque chose de permanent. Le nom... c’est peut-être un repère, pour ne pas se perdre, ne pas devenir fou. »
        Ils étaient parvenus au bout de la promenade, éclairée par des réverbères. Au-dessus, la nuit enveloppait la colline. Contre le parapet surplombant la plage obscure, ils contemplèrent en silence les miroitements de la lune sur la mer qui grondait. La marée montait encore.
        Au sommet de la colline, la maison de Christian Dior abritait aujourd’hui un musée de la mode. Le jardin qui en dépendait, un ravissement de couleurs, de fleurs, qui pouvait rivaliser avec la Côte d’Azur, était depuis des années un jardin public. Les lieux étaient donc, à cette heure, complètement déserts. Mais autrefois, la famille du grand couturier, qui possédait le flanc de la colline descendant vers la promenade et la plage, avait fait construire à mi-hauteur un abri de rocailles, une sorte de petite pièce isolée qui avait dû être confortable, bien aménagée, un petit nid idéal pour prendre le thé et le soleil à l’abri du vent. On y entrait par une petite porte sur le côté gauche en regardant la mer, sur laquelle donnaient trois portes-fenêtres garnies de rideaux. À présent tout était vide, les quatre ouvertures étaient béantes, sans huisseries, la peinture des murs était presque totalement effacée, l’air marin avait oxydé les ferrures qui supportaient autrefois les tringles des rideaux. C’était un abri idéal pour observer, en contrebas, la promenade presque déserte. Et, en effet, un homme observait les deux silhouettes. Il aurait pu, à la faveur de l’obscurité dans laquelle il se trouvait, se tenir au beau milieu de l’embrasure d’une des fenêtres. Mais, au contraire, il plaquait son corps prudemment contre le mur, à gauche, près de l’entrée, et ne hasardait à l’ouverture que la partie de sa tête où résidait son œil droit. Ainsi, compte tenu de la distance, de sa situation élevée, de l’armature métallique des murs en ciment armé qui devait perturber les signaux, les deux immortels ne percevraient peut-être pas sa présence avant qu’il choisisse lui-même de la révéler. Il attendait qu’ils rebroussent chemin vers la ville et les surprendrait au moment de leur passage sous l’escalier qu’il allait emprunter pour les rejoindre.

        Amanda frissonna. Cela faisait un bon quart d’heure qu’ils étaient immobiles et l’air du large commençait à pénétrer ses articulations. Ils se mirent donc lentement sur le chemin du retour.
        L’homme dans l’ombre jaillit de l’abri abandonné, parcourut en deux secondes les quelques mètres du sentier qui menait à l’escalier qu’il dévala avec l’agilité d’un chat en maraude.
        Amanda et James ressentirent en même temps la vibration caractéristique de la présence d’un des leurs. Sur leur gauche. En hauteur. Mouvante et rapide. L’homme descendait très vite les marches de terre et de ciment qui sculptaient le flanc de la colline. Il entra dans la lueur des lampadaires et s’arrêta sur le palier supérieur du dernier escalier, construit au-dessus du vide, qui quittait l’assise rocheuse pour rejoindre la promenade cinq mètres plus bas.
        - « Bonsoir », lança-t-il en sortant une épée de son manteau. Amanda fit de même et rétorqua d’une voix dure :
        - « Qui êtes-vous et pour qui êtes-vous là ?
        - Je m’appelle Henry Bowles, et je suis venu pour lui. Mais, chère petite Madame, si nous disions... dans deux heures ? (Il fallait en effet compter sur le temps de récupération nécessaire après une couicade ). Amanda serra les dents. Elle voyait bien le type : de très haute stature, une mâchoire inférieure et un front immenses, un regard de gros dégueulasse et des oreilles décollées. Bond, en revanche, ne le voyait pas, car un lampadaire s’interposait entre eux et produisait un contre-jour en pleine nuit. Il s’adressa en plissant les yeux à l’ombre chinoise qui le menaçait :
        - « Écoutez, mon vieux, voyons ça un autre jour. Je viens de retrouver une amie et nous avons encore tant de choses à nous raconter.
        - Et vous croyez que je m’en soucie ?
        - Bon. Coupons la poire en deux. Je voulais vous demander quelques jours de répit ; vous voulez tout de suite. Disons demain matin ?
        - C’est ici. Et maintenant.
        - Vous êtes sûr que c’est à moi que vous en voulez ? Vous ne confondez pas avec un autre Immortel ?
        - Vous, Bond, et personne d’autre. » Henri Bowles, par jeu, pointa son épée sur Bond en la tenant comme un fusil, le pommeau contre l’épaule. Il dut juger sa trouvaille amusante, resta ainsi, concentré, et visa soigneusement son adversaire. Bond, aveuglé, était toujours immobile sur les pavés de la promenade, dans la ligne de mire que faisait la gorge de la lame.
        - « Bon, d’accord, concéda-t-il, mais j’aimerais vous voir un peu avant de commencer. »
        Il se mit à marcher vers la ville, vers la gauche, pour que la lumière du lampadaire ne s’interpose plus entre lui et Bowles. Ce dernier, fort de sa position surélevée, continua le jeu consistant à viser sa cible avec une arme blanche. La pointe de l’épée suivait la silhouette de profil qui marchait, de droite à gauche. Soudain, la cible fléchit légèrement les genoux et pivota vers lui. Le bras droit s’était levé, tenant un pistolet qu’il n’avait pas eu le temps de voir sortir. Il entendit la détonation, mais ne comprit qu’une seconde plus tard qu’il avait déjà une balle entre les deux yeux. Il resta debout et conscient quelques instants, vit son propre sang couler le long de sa lame, puis s’effondra comme un sac de noix, basculant par-dessus la balustrade.
        Amanda venait d’assister à la mise en pratique de la conception de James sur les duels : « on ne peut pas imposer un combat de manière absolue. Chacun doit faire un effort, des concessions. Si on vous dit “Tout de suite !”, pourquoi ne pourrait-on pas imposer “Minute !” ? Quelle règle dit qu’on doit obéir au doigt et à l’œil à la volonté agressive d’autrui ? Si quelqu’un me fonce dessus sans se soucier de mon avis, c’est la loi du plus fort. Aucun dieu arbitre ne fond des cieux pour le sanctionner, non ? Alors moi je tire. Et d’ailleurs je ne profiterai pas de la situation. » Il ramassa l’épée de Bowles et ouvrit le manteau du cadavre, dont les yeux grands ouverts le fixaient sans le voir. Il la fixa solidement à l’attache que son ennemi s’était confectionnée, et reboutonna soigneusement le vêtement.
        - « Il va être furieux contre toi lorsqu’il reviendra à la vie.
        - Il en a pour deux ou trois heures. Le cerveau est toujours plus long à se refaire. C’est un organe plus complexe. Et, au programme, un sacré mal de tête avant d’éliminer le plomb. »
        Il tira le corps le plus discrètement possible, le hissa sur le parapet et le fit basculer quelques mètres plus bas, sur les rochers et le sable de la plage qui d’ici quelques minutes seraient recouverts par la furie des eaux montantes. Le corps allait être ballotté par les flots, serait peut-être déporté vers le large par les courants.
        - « Comme ça nous ne serons pas dérangés en plein milieu de la nuit. »
        Ils se remirent en chemin et terminèrent leur promenade aussi tranquillement qu’ils l’avaient commencée, avant d’aller prendre un cognac au salon de l’Hôtel des Bains, où Amanda avait elle aussi une chambre.

        Le lendemain, ils purent prendre sans stress un petit-déjeuner copieux et quittèrent la ville avec la voiture d’Amanda. Bowles, qui venait d’échouer sur une des cinquante-deux îles et îlots des Chausey, ne les retrouverait pas de sitôt.
        Bond avait averti Londres du succès de sa mission. Il n’y avait aucune urgence. À Paris, ils passèrent trois jours à flâner et à bavarder. De vraies vacances.

        Puis il regagna Londres. Par le hublot de l’avion, il observait les falaises de son île et les nuages qui s’effilochaient sur les escarpements. Ces retrouvailles lui avaient fait du bien. Il se sentait « relancé », raffermi dans sa volonté de poursuivre son métier. Il y aurait encore beaucoup de tâches à accomplir dans ce monde troublé.




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