Ce n'est pas vraiment une fic en soi, plutôt une sorte d'annexe. Elle est liée à une fanfiction qui n'a pas encore eu la chance d'être écrite, bien qu'en préparation depuis des années.
L'une des scènes de cette fanfic est vue entièrement du point de vue de l'un des personnages. Et puis, Methos s'est interposé, et a réclamé le droit d'avoir son mot à dire. Il l'aura peut-être à son tour, un jour. Caspian a fini par se manifester, lui aussi, et voici donc ce qu'il en pense.
Enfin… Il également insisté pour y ajouter un petit prologue de son crû qu'il trouve fort sympathique. Tous les goûts sont dans la nature, je suppose. Et puis, il était très convaincant, alors j'ai préféré le laisser faire.

 

Elle Ne Viendra Pas A Toi
Jaouen
jaouen20Ayahoo.com
21 Mai & 29 Décembre 2004

 

 

    Caspian aimait les Immortels, il s'était pris d'une passion pour eux qui n'avait jamais faiblie.

    Il aimait les mortels également. Il les aimait, mais avec moins d'intensité cependant.
    Les entrailles déchirées, le sang qui s'écoulait lentement, emportant peu à peu leur vie, les réduisant à l'impuissance, les mettant à sa merci. Les hurlements d'agonie, leur désespoir absolu face à leur mort annoncée, ou espérée plutôt qu'une vie prolongée entre ses mains, leur esprit brisé face aux corps démembrés de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs maris, tout cela lui apportait une félicité dont il savourait chaque instant. Mais ils étaient mortels. Et de ce fait, ils finissaient par mourir, toujours. Ils lui échappaient. Ils fuyaient son emprise, se réfugiaient dans la mort. Il leur en voulait, mais il n'avait plus que leurs corps désarticulés sur lesquels se venger.

    Il préférait les Immortels. Les Immortels et leur folle envie de vivre. Leur espoir insensé de pouvoir un jour échapper à son monde, cette espérance ténue qui les faisait vivre, qui les laissaient à sa merci. Eux ne mourraient pas, ou si brièvement. Il pouvait travailler des heures, jusqu'à trouver l'instrument le plus adapté, la zone la plus sensible. Et ils guérissaient, leur peau recouvrait à nouveau les chairs à nue, le laissant libre de recommencer, indéfiniment. Il pouvait disposer d'eux des jours durant, des semaines entières. Parfois même des mois. Il en avait gardé certains des années, jouissant de leurs cris sans cesse renouvelés.
    Et ils ne pouvaient lui échapper, ils n'avaient nul lieu où se réfugier, nul répit, aucun endroit susceptible d'offrir la moindre hospitalité, le moindre repos à leur âme à l'agonie. Il était leur seul maître, maître de leur vie, maître de leur mort. Lui seul décidait de leur accorder sa grâce, de les laisser mourir enfin.
    Et même alors, dans ces derniers instants, il était encore souverain, il revivait à travers leur Quickening la somme des atrocités qu'ils leur avait infligé, les horreurs qu'il leur avait imposé, leurs familles et amis massacrés sous leurs yeux, leurs corps martyrisés. Il se délectait une dernière fois de son oeuvre, heureux du travail accompli, examinant chaque détail pour perfectionner plus encore son art.

    Trois Immortels échappaient à cet amour carnassier, trois hommes qu'il aimait d'un amour fraternel et confus, qu'il n'avait jamais ressenti jusqu'alors. Trois guerriers qui partageaient son amour des massacres et des pillages. Trois hommes qui étaient devenus ses frères.


***


    Un nuage de poussière flotte au dessus du campement, rendant l'air irrespirable, écrasant l'endroit d'un silence pesant et tout relatif, parfois troublé par un râle d'agonie. Quelque part, une femme hurle à intervalles réguliers, et ce cri qui déchire l'air bat la mesure du temps.
    Caspian essuie d'un geste inconscient la sueur et le sable qui coulent sur son front. Il inspire à coups rapides l'air âcre qui se teinte par moment d'un goût métallique. Le sol qu'il foule se fait parfois boueux, et il sait mieux que quiconque qu'il ne s'agit pas d'eau. Il a lui même versé le liquide qui détrempe à présent le sable.
Ils ont surgi brusquement de derrière les dunes, s'abattant sur le campement de nomades avec une furie sans égale dans ce monde. Cette dernière heure a été fort satisfaisante pour Caspian, et la garde de son épée qui lui colle aux doigts, la raideur nouvelle et sombre de sa tunique à nouveau sèche sont là pour en témoigner.
    Il s'est livré tout entier, apaisant sans retenue sa rage et sa frustration dans les chairs meurtries et les entrailles palpitantes. Puis il s'est calmé, et a rassemblé les quelques survivants, désormais liés à une longue corde, comme autant d'offrandes à son plaisir futur.
    En attendant ses frères, il cherche encore quelque vie agonisante, un coeur battant toujours dans lequel essuyer sa lame rougie.

    Soudain, un long frisson le parcourt, un chant nouveau résonne à ses oreilles. Il distingue ses frères, mais ils ne sont plus seuls. Il hâte le pas, espérant le trouver avant les autres.
    Il est trop tard. Ils sont déjà là, devant une petite tente qui ne ressemble pas aux autres. Il arrive à temps pour entendre Methos réclamer son dû. Silas l'a trouvé le premier, mais ce n'était pas son tour, et il s'incline avec grâce devant la requête de leur frère. Silas s'écarte un peu tandis que Methos pénètre dans la tente, laissant à Caspian le champ libre pour voir leur frère lever lentement le bras, l'abaisser enfin.
    Il n'y a pas d'éclairs. Pas de déferlement soudain d'énergie à travers leurs corps. La lame s'est arrêtée à mi-chemin.
    Si Methos n'en veut pas, Caspian entend bien réclamer cette vie. Il s'approche, ignore Silas et entre à son tour.
    A leurs pieds gisent deux formes allongées, une grande et à ses côtés une autre beaucoup plus petite, enveloppées dans de grandes étoffes sombres que serrent des cordelettes de cuir. La mort flotte autour d'eux et pénètre leurs poumons à chaque inspiration. Au dessus des deux corps déjà en décomposition se penche la frêle silhouette d'un adolescent.
    Caspian est sur le point de demander ce nouveau jouet à son frère lorsque l'enfant lève la tête et les fixe de ses yeux pâles. Caspian perçoit alors ce que son frère a vu avant lui. Il n'y a rien dans ce regard, rien qu'un vide infini qui semble aspirer ce qui l'entoure. Il lutte pour conserver son âme irrésistiblement attirée, pour ne pas plonger lui aussi dans les yeux trop clairs.
    Il a vécu longuement, ne se préoccupant que de son plaisir, sans soucis aucun. Et pour la première fois, il se trouve face à la mort. Pas celle qu'il impose aux autres, mais la sienne. Celle des leurs, mais surtout la sienne. Un jour viendra peut-être où la vie s'éteindra en lui comme en l'enfant qui leur fait face, où la lassitude sera trop grande et ne laissera de lui qu'une coque vide. Et même si ce jour n'arrive jamais, il n'est immortel qu'en apparence. Il ne sera pas le dernier, il le sait, et la vie lui sera un jour arrachée.
    Caspian contemple sa mort, et cette nouvelle conscience de soi ne lui plait guère. Il recule de deux pas, et laisse Methos seul face à l'adolescent. Il ignore quelles sont les raisons de son frère pour l'épargner, mais lui n'en veut plus. Il n'éprouvera aucun plaisir à martyriser ce corps vide. Et il refuse absolument de laisser cette absence d'être le pénétrer, il ne veut pas de mort rôdant dans son esprit.
    Methos s'anime soudain, lève à nouveau le bras et l'abat avec force sur le visage tourné vers eux. L'enfant s'écroule sur les corps, inconscient.

    Caspian ignore depuis combien de jours l'adolescent se tenait là, attendant patiemment la mort qui se dérobe. Mais aujourd'hui encore, la Mort n'a pas voulu de lui.