Auteur : Lyrys-In-Love ( Lyrys_in_loveAyahoo.fr )
Genre
: Crossover Highlander / Le Caméléon
Notes
de l’auteur :
Disclaimer :
Résumé :
* Personnages présents : -
Immortels : Matthew McCormick, Ceirdwyn, Craig Ansten -
Guetteurs : Donna Scolder, Samuel Rivereaux, Martha Dahl, Klaus
Anderton, Sean Hannighan, Philip, Peter, Robert Sanders -
Journaliste : Davee Utson -
Le Centre : Miss Parker, Sydney, Broots,
Raines -
FBI : Grégory -
+ : Jarod * Structure de l’histoire : CHAPITRE I –
Des questions, aucune réponse CHAPITRE II
– Nuit agitée CHAPITRE III
– « Coopération » CHAPITRE IV
– Alliés, concurrents, ennemis EPILOQUE **** Des
questions, aucune réponse - Vous êtes ? demanda l’homme aux lunettes de soleil
en se redressant. C’était un jeune homme, la
trentaine, les cheveux sombres légèrement bouclés, et un visage gardant une
expression dure et concentrée. - Agent Spécial Jarod Hunter. Je suis… - Ah oui. Le profiler de la côte Ouest, cadeau de
Washington, le coupa l’homme en le dévisageant d’un air suspicieux. Un instant, Jarod se demanda si
sa couverture avait été percée à jour par un bug informatique ou quelque chose
d’autre. L’homme le fixa pendant quelques secondes d’un air inquisiteur. Il
sembla sur le point d’ouvrir la bouche pour dire quelque chose, mais il se
détourna finalement de lui, se replongeant dans la contemplation des lieux où
s’était déroulé le crime. - Matthew McCormick, se présenta finalement l’homme sans lui
adresser un regard, l’air perdu dans ses propres réflexions. C’est moi qui suis
en charge de cette affaire. - C’est ce que m’ont dit les policiers là-bas, dit Jarod
en désignant les personnes en uniforme chargées d’éloigner les curieux et
journalistes éventuels. Comme McCormick ne semblait pas
décidé à engager plus la conversation, Jarod ajouta : - Nouvelle victime du tueur ? - Une femme cette fois. Rachel Timothy. 32 ans. Mariée.
Gérante d’une galerie d’Art à Boston. Mêmes circonstances que les autres. Ca
s’est passé vers six heures du matin. Jarod observa le drap bleu sous
lequel il devinait le cadavre de la jeune femme. La terre était souillée de
sang. - Comment est-elle arrivée dans un lieu si reculé ?
On l’a enlevée ? - Il semblerait que non, soupira McCormick. Elle ne porte
aucune trace de violence, hormis la décapitation et les blessures par balles.
Et sa voiture se trouve garée en contre-bas. - C’est donc la septième victime… murmura Jarod. Matthew McCormick observa à
nouveau le profiler alors qu’il enlevait ses gants de latex. Il ne savait pas pourquoi une
petite alarme s’était allumée au fond de son esprit quand l’homme s’était
présenté. Il ne percevait aucune menace immédiate, ni rien de particulier
émanant de Jarod Hunter. Pourtant, au cours des siècles, il avait appris à se
fier à sa première intuition, la vie d’immortel avait cet avantage certain
d’apprendre à percevoir le danger avant qu’il ne se montre. - Eh ! Agent McCormick, je crois que vous devriez
venir voir ça ! s’exclama un des inspecteurs de la police locale en
surgissant des dessous des bois. Matthew n’aima pas son
expression. Jarod le suivit alors qu’il descendait le sentier pour s’engouffrer
dans les sous-bois, à la suite du policier. Une jeune femme se tenait à côté
du corps d’un homme d’une quarantaine d’années. Un fil de fer enserrait le cou
du cadavre, et à la manière dont sa tête était posée, Matthew devina que sa
nuque avait été brisée. - Génial, murmura-t-il en contemplant la probable huitième
victime du tueur des sous-bois comme la presse l’avait surnommé. Jarod s’était déjà approché du
cadavre. En enquêteur averti, son regard enregistrait chaque information. Il
souleva le bras droit du mort, et sa main passa dans sa veste à la recherche
d’une identification. Il en retira un portefeuille. - James Ganderson. Anglais, déclara-t-il en exhibant un
passeport. Mais Matthew ne fit pas
attention à ce qu’il lui tendait. Ses yeux s’étaient arrêtés sur le poignet de
l’homme. Un tatouage. Et pas n’importe quel tatouage. Qu’est-ce que Ceirdwyn
avait dit ? Un symbole bleu, un cercle avec trois barres. Se pouvait-il
que… ? Depuis les révélations de Ceirdwyn, il s’était fait à
l’idée de l’existence des guetteurs, mais il n’en avait jamais rencontré. En
faisant attention, il aurait probablement pu repérer une filature, mais l’idée
même de rencontrer des personnes qui en savaient sur son compte autant - si ce
n’est plus - que lui, le rebutait plus que tout. - Cet homme n’a pas été décapité. C’était peut-être un
passant qui a surpris le meurtre… murmura Jarod alors qu’il fouillait le corps
à la recherche de plus amples informations. - Probablement. Je veux que l’équipe scientifique passe
ces mètres carrés au peigne fin, ordonna Matthew. Si le tueur s’est fait
surprendre, peut-être qu’il a pris moins de précautions que d’habitude. Il s’éloigna, Jarod à sa suite. - Vous avez une piste pour le moment, Agent
McCormick ? - Pas la moindre. C’est d’ailleurs pour ça que Washington
vous envoie, non ? Jarod s’efforça de ne pas
grimacer. Il n’avait pas besoin que l’hostilité d’un agent qui le considérait
comme un rival vienne compliquer un peu plus cette affaire. Il connaissait
Riley Vanhoven, la troisième victime. Ou plutôt, il avait effectué une
simulation très étonnante mettant en scène cet homme quand il était au Centre.
Les informations qu’il avait dû intégrer pour cette expérience n’avaient cessé
de le hanter depuis, lui laissant tellement de questions sans réponse
auxquelles Sydney avait été bien incapable d’apporter un début d’explication,
lui affirmant seulement qu’il s’agissait d’un projet de Raines. Riley Vanhoven
s’était fait tirer dessus lors d’un hold-up qui avait mal tourné. Les deux
balles l’avaient tué sur le coup. Mais quelques minutes plus tard, il
s’enfuyait de la banque lors de l’assaut de la police. C’était comme si cet
homme avait ressuscité. Il n’en fallait pas plus pour attiser la curiosité du
Centre. D’après ce que Jarod savait, Raines n’avait pas réussi à remettre la
main sur l’homme – Riley Vanhoven devait avoir suffisamment d’expérience pour
savoir se faire oublier. Il y a dix jours, quand il avait vu son visage sur les
chaînes d’informations, il avait tout d’abord cru à une erreur ou à un jumeau
caché. Pourtant, il était sûr maintenant qu’il s’agissait bien du même homme
tué lors du hold-up et qui avait réussi à s’enfuir. - Vous n’avez trouvé aucun lien qui pourrait unir toutes
ces personnes ? Une très longue ligne de vie. - Non. Elles proviennent toutes de milieux différents, de
lieux différents. Elles n’exerçaient pas d’activités professionnelles que l’on
puisse rapprocher. Le tueur ne semble pas agir de manière logique. - Peut-être fréquentaient-elles les mêmes endroits, un ami
commun à toutes ? - On a lancé des appels à témoin, interroger les proches…
Aucun résultat. Et le tueur ne laisse rien derrière lui, mis à part l’épée qui
a servi à la décapitation. Les analyses sur les épées ont montré que le sang de
la victime n’était pas le seul présent sur les lames. - J’ai lu ça. La plupart étaient de véritables antiquités
qui valaient une petite fortune. Or, on a pu établir que l'épée qui a servi à
la décapitation de quatre des victimes appartenait à ces même victimes. Cela
peut constituer un dénominateur commun. - Quoi ? Amateur d’antiquités ? railla Matthew
en ouvrant la portière de sa voiture. Je vais interroger le mari de Rachel
Timothy, vous voulez venir étayer vos hypothèses ? Jarod acquiesça, jugeant prudent
de ne pas relever le ton agressif et la façon dont McCormick avait balayé son
hypothèse d’un revers de main. Jarod n’était pas dupe. L’agent du FBI avait
fait ce lien avant lui. Il était même quasiment certain qu’il en savait plus
qu’il ne le disait sur ces meurtres. Il prit mentalement note de se renseigner
à son sujet. Le siège de la branche du FBI de
Boston se trouvait à une petite heure de route du lieu du crime. McCormick était peu loquace, et
il passa une grande partie du trajet au téléphone. Jarod en profita pour relire le dernier rapport officiel
du FBI sur les meurtres du tueur des sous-bois. Mis à part l’attrait des victimes
pour les antiquités, et plus précisément pour les épées, il n’y avait rien que
l’on puisse recouper entre elles. Pourtant, Jarod remarqua que toute mention
relative aux épées semblait avoir été volontairement bannie du rapport. Elles
apparaissaient en tant qu’arme du crime, mais de manière très marginale. Jarod
repensa à la réaction sur la défensive de McCormick quand il avait parlé des
épées comme dénominateur commun. Il avait l’étrange impression que l’agent du
FBI s’efforçait volontairement d’étouffer certains aspects de l’affaire. Alors qu’ils entraient dans le
parking souterrain des bureaux du FBI, McCormick sembla se souvenir de
l’existence de Jarod. - Alors, vous avez trouvé quelque chose qui aurait échappé
à tout le monde dans ces rapports ? s’enquit-il en garant sa voiture. - J’en reviens toujours aux épées, répondit, de la voix la
plus innocente dont il était capable, Jarod. C’est la seule chose en commun que
paraissent avoir toutes les victimes. McCormick sembla agacé que Jarod
remette le sujet sur le tapis. - Seules quatre possédaient effectivement une épée. Pour
les autres, nous n’en savons rien. Et puis même, posséder une épée ne peut pas
constituer un dénominateur commun au sens propre dans la mesure où il faudrait
des interactions entre chaque propriétaire. Or, seules deux épées ont été
achetées à deux antiquaires différents. Les autres identifiées proviennent
d’héritages. Jarod paraissait être parti sur
la piste des épées. Matthew sentait sa nervosité croître. Il était maintenant
tout à fait persuadé que l’agent Hunter était quelqu’un de très capable, qui
allait mettre son nez dans son enquête avec la volonté de la résoudre. Et
Matthew n’appréciait pas l’idée qu’une personne comme lui s’approche trop prés
d’histoires concernant des immortels. Dieu sait ce qu’il pouvait découvrir… - Matthew ! appela derrière eux une voix alors qu’ils
s’engouffraient dans l’ascenseur. Un agent d’une quarantaine
d’années se précipita et réussit à rentrer avant que les portes ne se
referment. - Le rapport préliminaire sur la vie de Rachel Timothy,
lança-t-il en brandissant un dossier jaune comme un trophée, le souffle court,
cherchant à retrouver son souffle après le sprint qu’il avait piqué. - Rien d’intéressant, je parie ? soupira Matthew en
le prenant. - Pas tout à fait. Il y a trois ans, les flics l’ont
arrêtée alors qu’elle paraissait se battre en duel avec une épée, avec un autre
gars, dans un square. Matthew jura intérieurement. Il
n’en fallait pas plus pour étayer la thèse de l’agent Hunter. Comment un
immortel pouvait-il être assez stupide pour se faire surprendre par la police,
et, qui plus est, se faire arrêter ? - Dénominateur commun, murmura à côté de lui Jarod, l’air
de passer en revue toutes les hypothèses qu’une telle déclaration pouvait
engendrer. Matthew classa définitivement
l’agent Hunter comme un problème supplémentaire dans une enquête qui n’en
manquait déjà pas. - Ah, au fait, le mari est dans la pièce B26, lâcha
Grégory alors que l’ascenseur atteignait le bon étage. - OK, répondit Matthew sans prêter attention à son
auxiliaire. Il était parfaitement conscient
de la réputation de personnage antipathique qu’il nourrissait au sein du
service, mais aujourd’hui, il n’était vraiment pas d’humeur à tenter de la rectifier. - Merci, entendit-il Jarod dire derrière lui alors qu’il
jetait un coup d’œil sur les messages qu’on lui avait laissé depuis le début de
la matinée. Ils n’allaient vraiment pas
s’entendre. Le mari de Rachel Timothy, Andy
Timothy, était un homme d’une quarantaine d’années, en pleine forme physique
s’il fallait en croire sa masse musculaire impressionnante, mais qui avait
l’air totalement perdu. Ce contraste saisissant entre l’apparence physique
qu’il entretenait et l’expression de son visage atteint Jarod en plein cœur. Il
aurait voulu montrer de la compassion envers ce pauvre homme dont l’univers
venait de s’effondrer. Mais compassion ne devait pas faire partie du
vocabulaire de McCormick, car l’agent du FBI, bien qu’ayant perdu une partie de
l’agressivité avec laquelle il s’adressait à Jarod, attaqua l’interrogatoire
sans prendre de gant. - Monsieur Timothy. Je suis l’agent McCormick, et voici
l’agent Hunter. Nous sommes chargés de l’enquête sur l’assassinat de votre
femme. Nous aurions quelques questions à vous poser, si vous êtes, bien sûr, en
état de répondre. C’était une formule de pure
rhétorique. Andy Timothy fut seulement
capable d’acquiescer, la gorge nouée par un sanglot mal refoulé. Matthew s’en voulut de se
montrer aussi insensible à l’encontre de ce pauvre homme qui ne méritait pas un
tel traitement. Mais il ne changea pour autant pas son angle d’attaque. - Quand avez-vous vu votre femme vivante pour la dernière
fois ? - Hier soir… Je travaille de nuit, trois fois par semaine.
Je suis parti aux alentours de huit heures. Elle m’a dit qu’elle devait partir
tôt le lendemain et qu’il y avait un repas prêt dans le micro-onde … Ce souvenir sembla trop dur pour
Andy qui éclata en sanglot. Il s’efforça sans grand résultat de retrouver une
contenance. - Monsieur Timothy, nous comprenons parfaitement que c’est
un moment très difficile à surmonter pour vous, mais il est nécessaire que nous
en apprenions le plus possible si nous voulons retrouver l’assassin de votre
épouse, déclara Matthew en essayant de prendre une voix rassurante tandis
qu’une question le taraudait. Savait-il pour l’immortalité de
sa femme ? Si oui, il pouvait omettre volontairement des détails pour
éviter que le secret ne soit percé. Des détails nécessaires à l’enquête. - C’est le tueur des sous-bois qui l’a tuée ? - C’est la piste que suit l’enquête actuellement. - Il a déjà tué six autres personnes… - C’est exact. Votre femme ne vous a donné aucune
indication sur l’endroit où elle avait l’intention de se rendre ? Avec qui
elle avait rendez-vous ? - Non. Mais elle était libre de faire ce qu’elle voulait.
Je suis pas… - Monsieur Timothy, c’était une simple question, le coupa
Matthew, voulant éviter qu’il ne s’épanche à nouveau dans ses souvenirs et ne
se remette à pleurer. Est-ce qu’au cours de ces derniers jours, il se serait
passé un événement inhabituel ? Un détail qui aurait attiré l’attention de
votre épouse ? - Non… Non… Je… Rien de spécial. Ca a été un début de
semaine normal. Matthew comprit qu’il n’en
tirerait rien de plus pour aujourd’hui. Le regard que lui lança Jarod le
conforta dans cette opinion. - Très bien. Ecoutez, une voiture va vous reconduire chez
vous. Si jamais vous vous souvenez de quoique ce soit, du moindre détail,
appelez-moi à ce numéro, à toute heure. Il lui tendit sa carte de
visite. L’homme la mit dans sa poche sans même y jeter un coup d’œil. - Agent Hunter, vous pouvez commencer à éplucher le
rapport préliminaire, je vais trouver une voiture pour raccompagner Monsieur
Timothy. Jarod hocha la tête avec la
désagréable impression que McCormick l’écartait volontairement pour se
retrouver seul, sans micro, avec Andy Timothy. Il aurait voulu demander au mari
si sa femme possédait bel et bien une épée, mais il était vraiment trop secoué
et Jarod n’avait pas le cœur de lui imposer une autre épreuve. - Vous venez, Monsieur Timothy ? lança McCormick
toujours aussi insensible à la douleur de l’homme. En passant devant Grégory,
Matthew lui demanda s’il pouvait raccompagner Timothy. L’agent acquiesça, mais
comme il allait les suivre dans l’ascenseur, Matthew l’arrêta. - Récupère-le devant le siège, je vais essayer de voir si,
en dehors de tout formalisme, il peut se souvenir de quelques détails. Laissant un Grégory perplexe
planté là, Matthew appuya sur le bouton de fermeture des portes de l’ascenseur.
Il était décidé à bluffer pour parvenir à savoir si oui ou non, Timothy était
au courant de la véritable nature de sa femme. - Monsieur Timothy, murmura-t-il alors que l’ascenseur
descendait. Je connaissais votre épouse. - Ah oui ? s’étonna Andy en fronçant légèrement les
sourcils. - Nous étions de vieilles connaissances, affirma Matthew
en espérant qu’Andy tiquerait sur l’adjectif employé. Ce qui ne manqua pas. - « Vieilles » ? Vous êtes comme
elle ? - Notre dernière rencontre remontait à plus de temps que
l’on ne pourrait l’imaginer aux premiers abords, confirma prudemment Matthew. Andy devint soudain beaucoup
plus loquace. - Je savais que ça pouvait se produire à tout moment. Je
sais qu’il ne peut en rester qu’un, mais, elle avait déjà tant vécu, je ne pensais
pas que je lui survivrais ! Il était sur le point de
recommencer à pleurer. - Nous sommes comme n’importe quel mortel, la mort peut
nous faucher à tout moment. - C’est injuste ! - Personne n’a jamais dit que la vie était juste. Ecoutez,
est-ce que vous avez omis quelque chose durant votre interrogatoire ? - Non. Enfin… Elle m’a dit qu’elle avait un combat ce
matin. Un immortel qu’elle n’avait encore jamais rencontré. Ils s’étaient
croisés dans la rue alors qu’elle rentrait à la maison, et il lui avait donné
un rendez-vous, tôt, le matin suivant. Prés des bois. Là où son corps a été
retrouvé probablement. - Elle ne vous a dit aucun nom ? - Aucun. Je ne crois pas qu’elle le connaissait
d’ailleurs… On m’a dit qu’elle avait été tuée par balles… Ce n’est pas… - Elle a été tuée par balles. Puis ensuite décapitée. - Mais c’est contre vos règles ! - Ce n’est pas un des nôtres qui a fait ça. - Com…? - Le corps n’a pas été déplacé, et il n’y avait aucune
trace de quickening. - Mais alors, comment ? Je ne comprends rien. - Moi non plus… murmura Matthew. Il avait la confirmation qu’un
immortel était bien derrière tout ça. Mais les motivations de ce dernier
demeuraient un mystère. Tout comme le - ou les - mortel avec qui il devait
faire équipe. L’ascenseur s’ouvrit sur le
rez-de-chaussée. Matthew invita Andy à le suivre en dehors du bâtiment. Grégory
allait bientôt arriver. - Vous allez arrêter ceux qui sont derrière tout ça ? - Oui. - Les victimes du tueur des sous-bois sont toutes des
immortels ? demanda encore Andy. Matthew hésita à répondre. Le
fait qu’il ait révélé son immortalité avait semblé vaincre toutes les défenses
d’Andy, et toutes ces questions finissaient par le rendre nerveux. Rachel
n’avait-elle pas mis en garde son mari en lui recommandant la prudence face à
ces congénères ? - Pas toutes. Mais une partie, oui, répondit vaguement
Matthew ne voulant pas se lancer dans des explications plus précises. La voiture de Grégory tourna au
coin de la rue et vint se garer devant le bâtiment, en double file. - Voilà votre chauffeur, lâcha Matthew. Bonne chance pour
la suite. Si vous vous souvenez de quoique ce soit… - Je vous appelle. Au revoir. Et merci… En le regardant s’éloigner,
Matthew songea que cet homme n’était décidément vraiment pas assez méfiant. Tenu à l’écart par McCormick,
Jarod s’était résolu à se plonger dans le rapport préliminaire sur la mort de
Rachel Timothy. Une question ne cessait de trotter dans sa tête : est-ce
que les autres victimes étaient comme Riley Vanhoven ? Il avait vu au Centre
une vidéo de ce même homme dans les années soixante. Pas une ride en plus, pas
un cheveu en moins : c’était le même homme. Peut-être qu’en effectuant des
recherches sur les antécédents des autres victimes, il trouverait la même
chose. Il prit son téléphone et enclencha
l’appel automatique. On décrocha à la deuxième sonnerie. - Allô ? - Sydney, vous vous souvenez du projet L-67 ? - Jarod, je suis heureux de t’entendre. Je m’inquiétais
depuis la dernière fois. - L-67, Sydney, pressa
Jarod. - L’homme qui avait ressuscité ? - Exact. - C’est bizarre que tu m’en parles parce que circulent des
rumeurs au Centre en ce moment. - Quel genre de rumeurs ? - Sur L-67. L’homme a été retrouvé mort décapité dans le
New-Jersey. Mais je suppose que tu es déjà au courant, sinon tu ne m’en
parlerais pas. - Quoi d’autre ? - D’après Broots… - Pourquoi est-ce que Broots s’intéresse à cette
affaire ? - Miss Parker s’intéresse à tout ce qui peut préoccuper
Raines et que l’on s’efforce de lui cacher. - Ok, murmura Jarod, acceptant la réponse de Sydney.
Qu’est-ce que Broots a découvert ? - Que les autres victimes du tueur des sous-bois semblent
avoir eu, elles-aussi, une très longue vie. Raines fait enquêter sur leur
passé. Et il semblerait qu’elles se succèdent à elles-même depuis quelques
générations. On a retrouvé des photos datant de plusieurs décennies avec elles
sur le papier… Raines a mis ses plus fins limiers sur l’enquête. - Et que fait Miss Parker ? - Au départ, elle ne croyait pas en la théorie échafaudée
par Raines. Mais depuis qu’elle a vu la bande vidéo du hold-up et la
résurrection, je dirais qu’en dépit de ses dénégations, cela la fascine. - Miss Parker aurait donc des sentiments humains… - Tu t’intéresses à cette affaire, Jarod ? - Au revoir, Sydney, fut la seule réponse de Jarod alors
qu’il raccrochait. McCormick venait d’entrer dans
le bureau. - Vous avez trouvé quelque chose d’intéressant ?
demanda-t-il. - Rien de nouveau, répondit Jarod en s’efforçant de caser
les informations que Sydney venait de lui donner, à part dans sa tête. Pour l’instant, il ne voulait
pas partager ces renseignements pour le moins étonnants avec son confrère du
moment. McCormick cachait des choses, et s’efforçait d’orienter l’affaire loin
des épées et de tout ce qui pourrait en découler. Tant qu’il n’aurait pas
résolu le pourquoi de cette réticence, Jarod ne se sentait pas suffisamment en
confiance pour oser évoquer la véritable nature des victimes. Enfin, celles qui
avaient été décapitées, parce que l’homme étranglé avec un fil de fer ne devait
pas être comme elles. Il en était certain. **** CHAPITRE
II Nuit
agitée - Donna ! hurla une voix. Une femme rêche, à la jeunesse
déjà passée, se retourna pour voir qui pouvait bien hurler son nom de cette
manière. Elle avait eu une journée très éprouvante et ses nerfs étaient à vif. - Je viens d’apprendre. C’est vrai pour James ?
s’enquit un jeune homme, la trentaine, en la rattrapant sur le pas de son
bureau. - Son corps a été retrouvé prés de celui de son
immortelle, confirma avec douleur Donna. Elle connaissait James depuis
plus de dix ans maintenant, et la proche domiciliation de leurs immortels
respectifs leur avait permis de nouer de solides liens d’amitié. - C’est pas vrai… On n’a toujours aucune des nouvelles des
guetteurs des six autres immortels. - Je sais. Ils ont probablement subi le même sort que
James. - Mais on n’a pas retrouvé leur corps. Ca n’a pas de sens. - Peut-être que cette fois-ci, il n’a pas pu se
débarrasser du cadavre comme il le voulait. Quand le corps de Rachel Timothy a
été découvert, elle n’était pas morte depuis plus d’une demi-heure… - Où en est l’enquête ? - Sam ! s’énerva Donna, brusquement récalcitrante à
donner des indications sur le rapport qu’elle allait envoyer au QG européen des
guetteurs. - On est tous concernés ici. Donna était pleinement
consciente que cette affaire les touchait de prés, et que cela méritait une
légère entorse à la procédure qui voulait que, dans ce type d’affaire, elle en
réfère d’abord à Paris. Sam se disait probablement la
même chose, et c’était pour ça qu’il insistait tout en connaissant parfaitement
sa volonté d’appliquer toujours à la lettre les règlements. - Un nouvel enquêteur dépêché par Washington est arrivé ce
matin. - C’est bon ou mauvais, ça ? - Mauvais si j’en crois la réaction de McCormick. Cet
enquêteur est peut-être un petit peu trop clairvoyant pour notre bien-être à
tous. Il a tout de suite accroché sur les épées. Et McCormick a passé une
grande partie de la journée à tenter de le détourner de cette fixation. Sans
grand résultat. Rachel Timothy avait été arrêtée par la police au cours d’un
duel, il y a trois ans. - Aïe. Cette histoire ne sent vraiment pas bon. Si le FBI
commence à creuser un peu trop, même la meilleure des couvertures risque de
sauter. - Le problème actuel, ce sont les journalistes. - Ils inquiètent beaucoup Paris ? - Beaucoup est un euphémisme. Ils cherchent, de leur côté,
dans le passé des victimes. La couverture de deux des immortels ne tiendra pas.
Leur changement de nom ne tient pas la route. Et ils n’ont même pas pris la
peine de s’inventer un passé cohérent et solide. - Il y a un risque réel qu’ils découvrent des choses
qu’ils ne devraient pas ? - Oui. Sam crispa ses lèvres.
L’inquiétude chez les guetteurs augmentait au fil des jours. En plus de
craindre pour leur vie, ils devaient craindre aussi quelque chose qui, par
certains côtés, était pire pour les survivants : la découverte des
immortels, et par ricochet des guetteurs. Des millénaires d’un patient travail
qui risquaient d’être réduits à néant en quelques jours. - Est-ce que McCormick sait pour les guetteurs ?
demanda-t-il. - Sam, contrairement à ce que certains évènements récents
pourraient te faire croire, les immortels au courant à notre sujet constituent
une très très faible minorité… - Oui, mais certaines rumeurs disent que Macleod en aurait
parlé à Ceirdwyn. Et donc… Il n’osa pas aller au bout de
son raisonnement en observant le regard que son aînée lui lançait. Il se
rappela trop tard que Donna avait fait partie des guetteurs qui s’étaient
prononcés contre la ré-intégration de Joe Dawson dans l’organisation, après
l’épisode Galati. - Ce que je voulais dire, c’est que le corps de James a
été retrouvé. Peut-être avec des chroniques sur lui… murmura-t-il en baissant
les yeux. - Ce n’était pas un nouveau. Il était loin d’être
imprudent. Fin de la discussion, Sam. Le jeune guetteur s’en voulut
d’avoir fait une gaffe pareille. La porte du bureau de Donna se referma devant
lui, indiquant qu’il n’était plus le bienvenu. Davee Utson poussa un cri de
joie en découvrant les fruits de ses recherches. Elle le tenait enfin son
scoop. Et pas n’importe quel scoop ! Non seulement l’identité de deux des
victimes était fausse, mais, en plus, on retrouvait la trace de ces deux
victimes tout au long du siècle qu’elles semblaient avoir passé sans prendre
une ride. Encore incrédule devant une
telle découverte, elle se replongea à nouveau dans les divers rapports
graphologiques, émanant de plusieurs instituts réputés de la côte Est, qui
confirmaient ce que lui indiquaient trois photos prises au début des années 50.
Richard Lee et Riley Vanhoven étaient bien plus vieux qu’ils ne le laissaient
paraître ! Un instant, elle se plongea dans les implications qu’un
tel scoop pouvait avoir. Des gens qui ne paraissaient pas vieillir circulaient
tranquillement, comme n’importe qui, à la surface du monde. Ils avaient
peut-être été là lors de la guerre de Sécession ou encore la guerre
d’indépendance… Et peut-être même avant, puisqu’ils ne semblaient pas
vieillir ! Elle avait lancé des recherches pour les autres victimes,
mais pour l’instant, elle avait abouti à une impasse de ce côté-là. Il n’y
avait rien pour corroborer le passé de ces personnes – un incendie, un bug
informatique ou autre événement similaire avaient fait disparaître toutes
preuves – mais rien non plus pour l’infirmer. Pourtant, elle était persuadée
que si elle parvenait à trouver quelque chose, cela ressemblerait à ses
précédentes découvertes sur les deux autres victimes. Quel scoop !
jubila-t-elle à nouveau. Pas étonnant que le FBI ne
trouve aucun rapport entre les victimes. Qui pourrait imaginer une chose
pareille ? Cela dépassait tout ce qu’un esprit rationnel, et a fortiori un
esprit façonné du FBI, pouvait imaginer. Plus que son rédacteur en chef ne
pouvait imaginer aussi probablement. Mais elle avait monté un dossier en béton,
détruisant minutieusement l’identité des deux victimes, et rassemblant toutes
les preuves qui s’accumulaient pour venir étayer sa théorie : des lettres
plus ou moins anciennes, avec les rapports graphologiques, les fameuses trois
photos – une de Richard Lee et deux de Riley Vanhoven. Son patron allait devoir
la croire. Quel scoop ! s’écria-t-elle
à nouveau intérieurement. Sa carrière allait faire un
bond fulgurant. Avec un tel article, elle allait décrocher un Pulitzer ! Un signal d’alarme se déclencha
dans un bureau de Manhattan ( NYC ), QG des guetteurs de la côte Est
américaine. Les deux informaticiens, absorbés par le match de basket, ne
réagirent pas immédiatement. Enfin, l’un d’eux prit sur lui de se lever, et
alla vérifier ses machines. - Merde, lâcha-t-il en s’installant précipitamment à son
bureau. - Qu’est-ce qui se passe ? demanda son compagnon en
se levant à son tour. - On a un problème. Il lui montra l’origine du
signal. L’autre grimaça en comprenant. - J’appelle Sanders. - OK. Je vais tâcher d’en savoir plus. Une personne avait suivi une
des combinaisons d’url placées sous surveillance par les guetteurs. Une
personne qui devait être à la recherche du passé de Richard Lee… Et, jura intérieurement
Philip en découvrant l’étendu des dégâts, pas seulement Richard Lee. Quelqu’un
se renseignait sur le passé des immortels tués au cours des quinze derniers
jours par celui que la presse appelait « le tueur des sous-bois ». Et
ce quelqu’un, vu son mode d’investigation, ne pouvait être qu’un journaliste.
De gros ennuis en perspective. Philip se concentra sur son
ordinateur pour tâcher de découvrir l’adresse IP de ce curieux. Au même moment, dans un hôtel
de Boston, une autre personne était, elle aussi, penchée sur son ordinateur.
Jarod avait pénétré dans les dossiers du Centre. Ce que lui avait dit Sydney
indiquait que le Centre s’intéressait très fortement à l’affaire. Dans ce cas,
pour trouver des informations, la meilleure source serait probablement les
fichiers du Centre. Et il semblait bien qu’il ait
eu raison. Les hommes de Raines avaient
monté un impressionnant dossier sur chacune des victimes. Ils avaient réussi à
trouver, à chaque fois, des références à une vie antérieure, sous un autre nom,
mais toujours la même personne. Logiquement, Jarod avait
toujours plus ou moins su que Riley Vanhoven n’était pas le seul dans son
genre. Il n’était pas unique. Mais en découvrir la preuve était malgré tout un
choc. Combien de gens de ce genre existaient-ils sur la Terre ? Cette
pensée avait quelque chose d’étourdissant. Qui sait quel âge pouvaient-ils
avoir ? Tout ce qu’ils avaient pu voir au cours de leur existence… Les
évènements auxquels ils avaient été présents. Jarod souhaita brusquement avoir
la chance de rencontrer une de ces personnes. Pouvoir parler à quelqu’un qui
avait connu le XIXème siècle, et même peut-être le XVIIIème siècle et toutes
les idées des Lumières, l’indépendance des Etats-Unis. Imaginez la somme
d’expériences que pouvaient acquérir ces gens… Jarod se força à revenir à
l’instant présent et à des tâches plus urgentes. Il ne devait pas se disperser.
Il lança une nouvelle recherche, mais cette fois-ci, sur Matthew McCormick.
Tout au long de la journée, l’agent du FBI s’était ingénié à lui faire quitter
les épées comme fil directeur. Il avait un moment fini par penser qu’il
s’agissait d’une simple rivalité entre deux enquêteurs placés en compétition
par leur hiérarchie, mais Jarod avait acquis la certitude qu’il y avait plus
que ça. McCormick menait une enquête assidue, mais il omettait ou minimiser
sciemment certains faits. Et tout ce qui tournait autour des épées en faisait
partie. Malheureusement ce qu’il trouva
sur l’agent du FBI ne lui apprit rien de particulier. Noté de manière
excellente, solitaire, il n’y avait pas trace de la moindre collusion. Ni de la
moindre explication quant à son comportement. Il avait demandé à un des agents
qui les assistaient, Grégory, si McCormick était toujours comme ça ou s’il lui
réservait un traitement particulier. Grégory lui avait répondu qu’il ne devait
pas prendre cette attitude pour lui. Frustré, Jarod se déconnecta,
sans en savoir beaucoup plus au sujet de McCormick. Une question le
taraudait : pouvait-il avoir confiance ? Pouvait-il lui confier ses
découvertes ? Au vu de son travail et de ses antécédents, Jarod serait
plutôt enclin à lui faire confiance. Mais McCormick dissimulait quelque chose.
Et tant qu’il ne saurait pas quoi, Jarod sentait qu’il ne pourrait lui confier
quel était le véritable dénominateur commun entre toutes les victimes – hormis
la dernière, qui semblait bien avoir été un témoin imprudent. Si seulement il en savait plus
au sujet de ces êtres… ces immortels ? La décapitation les tuait. Ce
qui apparaissait normal étant donné que détacher la tête du corps devait
empêcher tout processus de régénération cellulaire. Mais ses informations
étaient trop parcellaires pour aller plus loin. Le tueur savait qui étaient ces
personnes. Peut-être était-ce l’un d’eux ? Il avait pu les rencontrer
auparavant. Et puis cela expliquerait comment il pouvait être au courant à leur
sujet… A quelques kilomètres de là,
cette dernière question faisait aussi l’objet de spéculations et d’hypothèses
diverses. En faisant son rapport, Donna
Scolder avait la première émise l’hypothèse qui retenait l’attention de tous.
L’absence de quickening hantait les esprits. Et les possibilités que cela
ouvrait étaient plutôt restreintes. - Nous avons fait les purges nécessaires au sein de nos
rangs après Horton, Donna, lui assura un des membres du Tribunal, Klaus
Anderton. Nous sommes beaucoup plus prudents maintenant. - Il suffirait d’un seul. Avec un contentieux personnel,
sans idéologie… - L’absence de quickening doit avoir une autre
explication, renchérit Martha Dahl à des milliers de kilomètres de là. - Ces immortels ont été décapités par un mortel. Combien
de mortels sont au courant au sujet des immortels ? - Probablement plus que nous l’imaginons. - Et combien ont la possibilité d’identifier formellement
les personnes qu’ils peuvent croiser comme étant des immortels ? demanda
d’un ton égal Donna. Il y eut un instant de silence
au bout du fil, traduisant l’embarras de ses interlocuteurs. - Mais des guetteurs aussi ont été tués, Donna. - Justement. Le tueur doit connaître l’existence, et des
immortels, et des guetteurs. Ca réduit encore notre champ des possibilités,
n’est-ce pas ? - Oui, mais vous oubliez que si ces immortels se sont
rendus dans des lieux déserts, c’est probablement pour un duel. Un mortel ne
peut pas se faire passer pour un immortel. - Peut-être le tueur a-t-il une ruse… Je l’ignore. Mais
l’hypothèse d’un renégat dans nos rangs devrait constituer l’hypothèse la plus
probable. - Je dois avouer que je partage le point de vue de Donna,
déclara Sean Hannighan. - Nous avons un autre souci dans l’immédiat, affirma
Martha en prenant connaissance, en même temps que les autres du courrier
électronique émanant du QG de New York. - On ne peut pas dire que ce soit vraiment une surprise,
soupira Klaus Anderton. - Cette journaliste travaille pour le New York Post ?
demanda Donna à qui le nom ne disait rien. Jamais entendu parler. - Ce qui ne nous avance pas beaucoup. C’était bien la
dernière chose dont on avait besoin. Le QG de New York semble persuadé qu’elle
a mis le doigt sur l’immortalité des victimes, soupira Martha. - On pourrait tenter de la retourner ? suggéra Sean. - Je n’ai aucune confiance envers les journalistes en
général, ceux du New York Post en particulier, affirma Donna très réticente à
ce sujet. Les journalistes et une
organisation qui se devait de rester secrète comme les guetteurs n’avaient
jamais fait bon ménage. - Donna, êtes-vous en train de conseiller son
élimination ? demanda une voix pas vraiment étonnée de l’autre côté de
l’océan. - Je dresse un simple constat, Klaus. C’est une
journaliste. Ce n’est pas comme si elle exerçait n’importe quelle profession.
Et ce n’est pas comme si elle était tombée sur les immortels par hasard. - Très bien, Donna. Nous allons étudier la situation. Nous
vous ferons parvenir votre feuille de route dans la nuit. - A plus tard. Donna raccrocha, furieuse
malgré elle. Si jamais Klaus se mettait en tête de négocier avec cette
journaliste. Cela pourrait être pire que le mal. Il fallait à tout prix
empêcher la moindre fuite. Elle avait consacré sa vie aux guetteurs, et elle
comptait bien ne pas assister à la destruction d’une œuvre millénaire. Elle jeta un coup d’œil au
réveil. Il indiquait 2:00 am. Elle regagna son ordinateur pour faire un rapide
compte-rendu de la journée de McCormick dans sa chronique. Elle
l’approfondirait plus tard. Cela faisait 24 ans maintenant
qu’on lui avait assigné Matthew McCormick comme immortel. A l’époque, elle
était encore jeune, pleine d’idéalisme, et sa fascination envers les immortels
était intacte. Elle sortait juste de l’Académie et se voir assigner à McCormick
avait paru une bonne chose. Ce n’était pas un chasseur. Il n’avait pas pour
autant pour habitude de mener une vie très calme. Quand il était devenu son
immortel, il travaillait pour une agence de détectives privés à Dallas, et elle
avait frôlé la crise cardiaque à plusieurs reprises à le suivre dans des
endroits impossibles. Il avait fait différents boulots dans le même genre pour
finalement arriver au FBI il y a neuf ans. McCormick avait aujourd’hui perdu
une grande partie de l’attrait originel qu’avait pu éprouver une jeune novice
sur le terrain. Et Donna était persuadée que ces 24 dernières années
équivalaient à des études complètes en criminologie et en droit pénal, et ce, avec
mention spéciale. Elle pouvait se recycler. Quand il avait pris l’enquête
sur les trois assassinats – à l’époque – d’immortels, elle avait prié pour
qu’il laisse rapidement tomber l’affaire. Elle avait déjà à ce moment-là de
grosses craintes quant à l’implication des guetteurs dans ces meurtres, et elle
n’avait pas envie que McCormick découvre ce genre de choses. Elle ignorait s’il
savait ou non à leur sujet – quoiqu’elle ait dit à Sam plus tôt – mais en
revanche, elle était sûre que si les guetteurs étaient impliqués, et que
McCormick en avait la preuve, non seulement elle aurait de gros ennuis, mais
toute l’organisation aussi. Elle l’avait étudié suffisamment longtemps pour
être pleinement consciente que le pragmatisme dont il faisait constamment preuve,
allié à son désir de justice, pouvait conduire l’organisation au bord du
gouffre s’il se mettait en tête d’utiliser ses ressources du FBI pour traquer
les guetteurs. Maintenant, elle n’était plus
aussi sûre de sa volonté de le voir abandonner. Si quelqu’un pouvait découvrir
la vérité sur ces meurtres, c’était bien lui. Quelque soit le prix à payer pour
stopper cette série macabre, il fallait la stopper. Sinon, il ne resterait
bientôt plus, ni guetteur, ni immortel. Dés qu’un journal en aura fait sa Une… Au siège du FBI, à Boston,
seule la lampe du bureau de Matthew était encore allumée. L’immortel, plongé
dans les rapports du médecin-légiste, était à la recherche du moindre élément
qui aurait pu lui échapper. A nouveau, son regard tomba sur la huitième victime
du tueur. Sa différence tenait à sa mort par strangulation, mais aussi au fait
qu’elle n’était pas immortelle, et qu’elle portait un tatouage qui inquiétait
Matthew. Il essaya de se remémorer ce que Ceirdwyn avait pu lui
dire à propos des guetteurs. Mais elle avait elle-même été très concise. Elle
tenait l’information de son ami Duncan MacLeod – Matthew ne lui avait pas dit
qu’il l’avait finalement enfin rencontré dans sa traque de Carl Robinson – qui
avait noué des liens avec son propre guetteur. Les guetteurs étaient une
société secrète dont le but était de consigner les faits et gestes des
immortels, et ce, sans jamais intervenir. La règle de la non-intervention
semblait être une règle importante mais Ceirdwyn n’avait pas été capable de lui
en dire plus sur le sujet. Elle lui avait néanmoins décrit le tatouage qui
permettait de les reconnaître. Une description qui ressemblait étrangement au
tatouage qu’il avait sous les yeux. S'il admettait l’hypothèse
selon laquelle James Ganderson était un guetteur - le guetteur de Rachel
Timothy – il débouchait sur plus de questions que de réponses. Auprès des six
autres victimes, on n’avait trouvé aucun autre corps de guetteur. Cela
signifiait-il que Ganderson s’était montré imprudent et s’était ainsi laissé repérer,
à la différence de ses collègues ? C’était une possibilité, mais Matthew
ne pensait qu’elle fut la bonne. La présence du cadavre de
Ganderson perturbait son raisonnement. Il n’arrivait pas à cerner le rôle des
guetteurs dans tout ça. Il regarda sa montre qui
indiquait 2:11. Ceirdwyn était à Londres en ce moment. Il devait être aux
alentours de 6 heures là-bas. Elle risquait de ne pas être ravie. Avec un léger sourire en
songeant aux cris de son ancien professeur, il composa son numéro de téléphone.
A la quatrième sonnerie, une voix ensommeillée s’écria : - Qui que ce soit, si vous tenez à votre tête, j’espère
qu'il existe un excellent motif pour me déranger à cette heure-ci ! -
Ceirdwyn ? C’est Matthew. Cela paru la calmer un peu. - Matt ? Non mais, tu sais quelle heure il est ?
Tu n’es pas aux Etats-Unis ? - Si. C’est la nuit ici. - Je constate que tu es toujours aussi insomniaque. Que
puis-je faire pour toi ? - Je suis désolé de te réveiller si tôt. Mais ça ne
pouvait pas attendre. - J’en suis sûre. Très bien, je suis toute ouïe. - Tu te souviens de ce que tu m’as dit au sujet des
guetteurs ? - Aïe. Oui, je m’en souviens, qu’est-ce qui se
passe ? - Je travaille actuellement sur une affaire assez
médiatique… - Le tueur des sous-bois ? - Comment le sais-tu ? s’étonna Matthew, qui ne
s’attendait pas à ce qu’elle soit déjà au courant. - Je capte les chaînes américaines ici. Je t’ai vu sur
CNN, il y a trois jours. Dis-moi, tu sais que ce n’est pas très prudent ce
genre de petits extras ? - Il tue des immortels. - Comment le sais-tu ? S’ils sont morts… - Je connaissais les deux premières victimes. Je les avais
déjà croisés… - Et donc ? - Il n’y a pas de quickening. - Ce qui signifie que le tueur est un mortel. Tu
soupçonnes les guetteurs ? - Je dois avouer que je n’avais pas encore envisagé cette
hypothèse… En revanche, avec la dernière victime, Rachel Timothy, il y avait un
autre homme. Il avait été étranglé. Sur son poignet, il y avait un tatouage
bleu correspondant à la description que tu m’as faite du tatouage des
guetteurs. - Un guetteur a été tué ? s’exclama Ceirdwyn tout à
coup parfaitement réveillée. - Il semblerait. Mais je ne suis plus sûr de rien en ce
moment. Si ce n’est que les journalistes enquêtent sur les victimes et que des
immortels continuent d’être décapités sans quickening. - Beaucoup d’ennuis à l’horizon en bref. Il y eut une pause au bout du
fil. Ceirdwyn devait enregistrer les informations que Matthew venait de lui
transmettre. - Je t’appelais pour vérifier quelque chose :
normalement, il y a un guetteur pour chaque immortel, n’est-ce pas ? - D’après Duncan, oui. - Le corps de ce guetteur est le seul que nous ayons
retrouvé à proximité d’un cadavre d’im… Il s’interrompit brusquement.
Ses yeux venaient d’accrocher une note manuscrite inscrite en marge d’un
compte-rendu. - Matt ? appela Ceirdwyn, alors que, de l’autre côté
de l’Atlantique, elle mettait en marche sa cafetière. - Trente secondes, lui répondit de manière distante son
ancien élève. La scène d’un crime était
toujours fouillée au peigne fin par l’équipe scientifique, armée de pinceaux et
autres sprays qui ne laissaient rien passer. Ils étaient capables de raconter
l’histoire du lieu au cours du dernier mois avec plus de précision que s’ils
avaient été sur les lieux au moment des faits. Dans l’usine désaffectée où
avait été trouvé le corps de Riley Vanhoven avaient été découverts des traces
de lutte et du sang. Sang qui n’appartenait pas à Vanhoven. Cela avait été
trouvé par un des détectives, à une trentaine de mètres du cadavre de
l’immortel, derrière des barrières qui empêchaient autrefois l’accès aux
machines. Sur le moment, les enquêteurs
n’y avaient pas fait très attention en raison de l’absence de corps. Les traces
semblaient avoir été, ou effacées, ou anciennes. Ils avaient rapidement inscrit
les relevés, mais ils avaient probablement opté pour une rixe antérieure qui ne
méritait pas qu’on s’appesantisse dessus. Néanmoins, Ganderson avait
lui-aussi été découvert à une trentaine de mètres du cadavre de Rachel Timothy,
et il se situait lui-aussi derrière un obstacle de façon à se cacher des
combattants… Comme le ferait un guetteur. - Ceirdwyn ? - Je suis toujours là, lui répondit son amie. - A côté du corps de la troisième victime, notre équipe
scientifique a découvert des traces de bagarre, ainsi que du sang, ils en ont
conclu, étant donné que c’était en partie effacé, que c’était antérieur au
meurtre et n’y ont pas vraiment fait attention. - Je croyais qu’avec vos techniques, maintenant, vous
pouviez savoir à la minute prés de quand une trace de sang datait. - Je dirais que ça a été effacé de manière très
professionnelle. De façon à faire croire à son insignifiance si jamais un
enquêteur tombait quand même dessus. L’équipe scientifique n’a pas trop creusé
la question semble-t-il. C’était caché derrière des barrières empêchant l’accès
aux appareils hors service. - Caché ? Tiens, ça me rappelle quelqu’un. Cette
histoire commence à me donner un sérieux mal de tête. Moins d’une heure s’était
écoulée entre le meurtre de Rachel Timothy et l’arrivée de la police, et ceux
qui avaient prévenu les autorités, une troupe de chasseurs, étaient déjà sur
place auparavant. Le faible délai qui s’était écoulé pouvait avoir joué. Le ou
les tueurs - probablement « les » d’ailleurs, songea Matthew, pour
être tombé sur le guetteur de cette manière – n’avaient peut-être pas eu le
temps d’embarquer le corps du guetteur. Ce qui amenait une nouvelle
question : pourquoi embarquer ce cadavre, et laisser l’autre en faisant
croire à une sorte de tueur en série ? Cela commençait lui-aussi à lui
donner mal à la tête. - Il faut que j’aille vérifier deux ou trois trucs. Merci
pour la confirmation, Ceirdwyn. - De rien. Mais si tu veux une véritable confirmation,
fais attention demain. Et regarde derrière toi. Tu ne tarderas pas à découvrir
un petit curieux avec un tatouage. Matthew sourit malgré lui
devant le ton employé par la « jeune » femme pour décrire le guetteur. - Bonne journée. Et encore désolé de t’avoir réveillée si
tôt. - Tiens-moi au courant des suites de l’enquête, maintenant
que tu m’as fait suffisamment peur, soupira-t-elle avant de raccrocher. Davee Utson quitta enfin son
bureau, non sans avoir sauvegardé son article et ses preuves sur une disquette
qu’elle mit dans son sac à main. Il était déjà trois heures et demie. Le temps
qu’elle rentre chez elle, elle devrait repartir quasiment aussitôt. Mais l’adrénaline et
l’excitation suscitées par sa découverte la maintenaient parfaitement
réveillée. Elle éteignit toutes les lumières encore allumées de l’étage, et
s’engouffra dans l’ascenseur. Demain allait être le plus beau jour de sa vie. La descente lui parut
interminable. Enfin, l’ascenseur s’ouvrit sur le sous-sol numéro 2. Le journal
possédait des places attitrées dans le parking souterrain de l’immeuble. - Excusez-moi, demanda une voix derrière elle. Son sang se glaça, et elle se
retourna prestement, prête à brandir son spray paralysant. Mais elle se trouva
nez à nez avec un homme d’un certain âge déjà, l’air aussi effrayé qu’elle, et
dont la main droite saignait abondamment semblait-il. - Je… murmura l’homme. Je me suis fait agresser tout à
l’heure. Ils ont pris ma voiture, mon pass, et toutes mes affaires. Il avait l’air perdu. Le cœur
de Davee se serra. Elle savait que les parkings souterrains, en particulier
celui-ci, si mal surveillé depuis le bug général du réseau de caméras qui
datait déjà de plus d’un mois, n’étaient pas sûrs. C’est d’ailleurs pour cela
qu’elle le traversait à une heure pareille, une main sur son spray paralysant,
une autre sur ses clés de voiture, pour pouvoir gagner plus rapidement la
sécurité du véhicule. - Vous avez appelé la police ? - Ils ont pris mon portable. Je ne peux pas rentrer dans
le bâtiment sans mon pass… J’appartiens au service de l’entretien. Tout à coup, il pâlit un peu
plus, et Davee se porta rapidement à ses côtés, de crainte qu’il ne
s’évanouisse. Elle lui prit son bras. - Ecoutez, il faut que vous alliez à l’hôpital. Vous êtes
blessé. Vous préviendrez la police de là-bas. Venez. Je vais vous y déposer. L’homme sembla hésiter un
instant, puis hocha finalement la tête. - Merci, souffla-t-il alors qu’ils montaient dans la
voiture de la journaliste. Elle n’allait probablement pas
dormir de la nuit, songea-t-elle tandis que la voiture gagnait l’air libre et
les avenues de New York. - Ca va aller ? s’inquiéta-t-elle en freinant à un
feu rouge. L’homme acquiesça. Les rues étaient désertes à
cette heure-ci. C’était étrange de se balader dans un Manhattan non surpeuplé. Davee entendit un petit clic à
côté d’elle. Comme une capsule qu’on dégoupille. Ou un pistolet qu’on arme.
Elle jeta un coup d’œil sur le siège passager. L’homme qu’elle avait ramassé
avait perdu toute expression d’innocence. Il pointait vers elle un petit
revolver. Un braqueur, hurla son
esprit tandis que la jeune femme s’efforçait de rester calme. Il n’en voulait
probablement qu’à sa voiture. - Du calme, mademoiselle, parut confirmer l’homme d’une
voix qui ne tremblait plus. Je ne veux pas vous faire de mal. Davee ne put qu’acquiescer. Le
feu était à nouveau vert. - Démarrez, lui ordonna le braqueur. Et prenez la première
à droite. Sans réfléchir, la jeune
journaliste s’exécuta. Ce serait vraiment trop bête de mourir aujourd’hui d’un
braquage avec la découverte qu’elle avait faite plus tôt dans la journée. Ils roulèrent pendant encore un
petit quart d’heure. Au fond de son esprit, une alarme s’était allumée. Un
braqueur qui en aurait eu après sa voiture ou son portefeuille l’aurait déjà
jetée en dehors de son véhicule. Au contraire, l’homme semblait la conduire
quelque part. Cela ressemblait plus à un kidnapping… Ô mon Dieu, pensa Davee
qui eut l’impression que sa vie entière défilait devant ses yeux comme ils
s’engageaient dans un petit parking souterrain. Elle savait que ce genre de
chose arrivait. Elle écrivait d’ailleurs dessus. Les viols et les meurtres dans
les recoins sombres de New York n’étaient pas un sujet tabou. Elle gagnait sa
vie grâce à ça. Songer qu’elle allait bientôt peut-être faire elle-même l’objet
d’un de ces articles la rendit malade. Elle s’efforça de garder une contenance.
Avec énervement, elle intima l’ordre à son cerveau de cesser de réfléchir. - Garez-vous là, dit la voix du braqueur. Ne faîtes rien
de stupide, ajouta-t-il comme s’il lisait dans ses pensées. L’homme avait l’air de savoir
parfaitement manier une arme. Davee pouvait peut-être essayer de s’enfuir en
faisant une violente incartade, mais quelque chose dans le regard que lui
adressait le braqueur lui disait qu’il n’hésiterait pas à tirer. Et qu’il était
parfaitement capable et préparé. Elle se gara sans tenter
quoique ce soit. - Descendez, ordonna l’homme, le pistolet toujours pointé
dans sa direction. Ils prirent un ascenseur. Davee
était de plus en plus perplexe. Un agresseur normal ne l’aurait pas emmenée
dans les bureaux d’un immeuble. Or, elle savait que ce building ne contenait
aucune résidence. Une autre idée était en train
de germer dans son esprit. Elle avait passé la journée à remuer ciel et terre à
la recherche du passé des victimes du tueur des sous-bois, sans prendre aucune
précaution, ni gant, dans sa collecte d’informations. Et si ses investigations
avaient attiré l’attention de personnes qu’il aurait mieux fallu ne jamais
connaître ? Plus elle regardait l’homme qui se tenait à ses côtés, plus
elle se disait qu’il n’avait pas du tout le profil-type du voyou des parkings
souterrains. Tu deviens parano, ma
vieille, s’énerva-t-elle en songeant à l’immensité que ces suppositions
impliquaient. Ils arrivèrent à l’étage numéro
14. Davee eut un mauvais pressentiment. Elle savait où elle était. L’homme ne
la laisserait jamais repartir… vivante. Ils débouchèrent sur un long
couloir peu accueillant – et très surveillé, nota avec malaise Davee, en
observant les caméras de surveillance et autres dispositifs d’alarme que l’on pouvait
deviner. Cela ne faisait malheureusement que conforter sa théorie la plus
parano. Son kidnappeur avait vraiment l’air d’un professionnel. Il ouvrit une des portes. Il y
avait écrit « Deb-1 » à l’entrée. D’un geste, il lui fit signe
d’entrer. Avec méfiance, elle découvrit une sorte de salle d’interrogatoire. Il
y avait une grande glace sur le mur opposé. Et le mobilier de la pièce
consistait en une simple table en fer et deux chaises. Où est-ce qu’elle avait
mis les pieds ? Au même moment, dans les bureaux
de la rédaction du New York Post, un jeune informaticien jurait à mi-voix en
renversant le sceau d’eau qu’il avait utilisé pour arriver jusqu’ici – cela
étant sensé corroborer son pass qui indiquait qu’il faisait partie du service
de nettoyage. - Fais un peu attention, Philip ! s’exclama son
collègue, lui-aussi guère à l’aise. Ils n’avaient pas l’habitude de
quitter leurs bureaux. Et ils avaient encore moins l’habitude des missions sur
le terrain. Mais à circonstances exceptionnelles, missions exceptionnelles… Philip alluma l’ordinateur de
Davee Utson. En quelques clics, il entra dans les fichiers relativement peu
protégés de la journaliste. - Le voilà, avertit-il en découvrant le dossier qu’elle
avait monté sur les victimes du tueur des sous-bois. - Eh bien, perds pas ton temps. Efface-le du disque dur,
s’énerva son compagnon, chargé de faire le guet. - Et que crois-tu que je suis en train de faire ?
railla Philip en prenant un air moqueur devant l’évident malaise de son ami,
ses doigts pianotant en cadence sur le clavier de l’ordinateur. Peter était encore moins fait
pour le terrain que lui. **** CHAPITRE III « Coopération » On lui avait apporté un verre
d’eau et deux barres de céréales provenant probablement d’un distributeur
automatique. Davee Utson avait réussi à
s’imposer un masque impassible, de façon à montrer à ses ravisseurs qu’elle
était déterminée et qu’ils n’avaient pas affaire à n’importe qui. Elle ne
savait pas depuis combien de temps elle attendait. Sa montre était restée dans
son sac à main. La porte s’ouvrit à nouveau
pour laisser passer un homme et une femme. Ils devaient avoir pensé que la
présence d’une femme l’effraierait moins. - Mademoiselle Utson, nous sommes désolés de la façon que
nous avons dû utiliser pour pouvoir nous entretenir avec vous, déclara l’homme
en s’asseyant en face d’elle. Davee tressaillit malgré elle
en entendant son nom. C’était bien un kidnapping. - Je me présente, je suis Robert Sanders, et voici une de
mes collègues, Martha Dahl. Pourquoi donnaient-ils leur nom ? - Qui êtes-vous ? demanda-t-elle tentant de percer
l’impassibilité de ses deux interlocuteurs. - Nous travaillons pour une Fondation, et il se trouve
que, hier dans la soirée, vos investigations ont fait se déclencher un de nos
signaux d’alarme. Ainsi, cela avait bien quelque
chose à voir avec ses découvertes. Elle se maudit de n’en avoir fait que deux
seules copies, qui étaient probablement déjà entre les mains de ces gens. - Vous travaillez pour le gouvernement ?
s’entendit-elle dire. Celle qui avait été présentée
sous le nom de Martha Dahl sourit. - Non. Comme Robert vous l’a dit, nous appartenons à une
Fondation privée. Nos centres d’intérêts respectifs sont en quelque sorte
rentrés en contact hier. Davee fut sur le point de dire
quelque chose mais Martha la coupa. - Laissez-moi tout d’abord vous racontez une histoire.
Ensuite viendront les questions. Donna Scolder arrêta l’alarme
de son ordinateur dés qu’elle réussit à s’extirper de son lit. Un rapide coup
d’œil à son réveil lui indiqua qu’elle s’était couchée seulement deux heures
auparavant. C’était un e-mail du Tribunal qui avait déclenché l’alarme. Un peu anxieuse, elle l’ouvrit
néanmoins sans hésiter. De l’autre main, elle mit en route sa cafetière. La
journée allait être longue. Le message émanait directement
de Klaus Anderton. Elle secoua la tête en pleine
désapprobation en prenant connaissance de la manière dont les guetteurs avaient
décidé de traiter le problème posé par la journaliste du New York Post. Elle
était persuadée qu’ils ne parviendraient pas à la retourner. Ou du moins,
qu’elle ne jouerait pas le jeu jusqu’au bout et se retournerait contre eux à la
première occasion. Les journalistes n’étaient pas capables de tenir une
information de cette envergure secrète. Mais elle manqua vraiment de
s’étouffer en découvrant les directives personnelles que lui envoyaient les
membres du Tribunal. Avaient-ils oublié le serment que tout guetteur prêtait à
l’entrée dans la société ? Elle approuvait leur choix de
passer en code rouge. L’affaire était au moins aussi grave que celle du CD de
Paris il y a quelques années. Néanmoins cela ne justifiait pas le fait de
rompre son serment. Elle n’avait qu’une parole. Elle ne voulait pas se
parjurer. Les choses n’étaient pas encore si désespérées que ça ! Klaus semblait avoir suivi une
partie de son raisonnement passé quant aux craintes qu’elle nourrissait à
l’égard de McCormick si jamais il découvrait l’implication de guetteurs dans
ces meurtres. Et il avait l’air persuadé, lui-aussi, que Ceirdwyn lui avait
parlé des guetteurs après que Macleod l’ait mise au courant. Elle maudit à
nouveau Joe Dawson pour son extrême imprudence, même-si, elle devait bien se
l’avouer, les circonstances de l’époque étaient exceptionnelles… Un peu comme
celles auxquelles elle devait faire face actuellement. Mais Dawson avait agi de
son propre chef. Sans en référer à la hiérarchie. Il n’aurait jamais dû être
réintégré. Si tout avait été normal, il serait mort à l’heure qu’il est, suite
à sa condamnation par le Tribunal. Elle se força à éloigner ses
pensées de ce sujet qui l’énervait toujours autant. Une petite voix murmurait avec
ironie dans sa tête : Et si Ceirdwyn n’avait rien dit ? Mais personne au Tribunal
n’avait pris cette possibilité au sérieux. A force de vivre dans une tour
d’ivoire, coupés du monde, les dirigeants des guetteurs en venaient à rompre
avec la règle de prudence la plus élémentaire. Ils osaient proposer une
collaboration entre guetteurs et immortels ! Une coopération des guetteurs
à l’enquête de McCormick pour couvrir d’une part leurs arrières vis-à-vis de ce
dernier, et plus généralement du FBI, et d’autre part pour parvenir à faire
cesser au plus tôt ce jeu de massacre, où guetteurs et immortels semblaient
tout autant visés. En revanche, ils ne donnaient
aucun détail sur la manière dont mener cette collaboration. Ni sur la façon
dont Donna devait se révéler à son immortel. Elle pouvait difficilement se
planter devant lui et se présenter normalement. « Enchantée, je suis Donna Scolder. Je suis votre
guetteur depuis vingt-quatre ans. J’ai ordre de vous contacter à cause du tueur
des sous-bois. Le huitième cadavre était celui d’un guetteur et nous sommes
sans nouvelle des six autres guetteurs. Vous ne savez pas ce que sont les
guetteurs ? Laissez-moi vous faire un résumé. » C’était pitoyable. Et les membres du Tribunal,
Klaus en tête, semblaient avoir occulté l’extraordinaire méfiance dont se
dotent au fil du temps la plupart des immortels, et dont s’était doté
McCormick. Si elle s’y prenait mal, il était peu probable qu’elle ressorte
vivante de cette entrevue. Elle eut un sourire cynique en
découvrant le post-scriptum du message. Klaus lui recommandait la prudence
parce que McCormick pouvait finir par être la cible du tueur – après tout, il
lui courrait après. C’était comme s’il n’avait pas
eu conscience de l’importance de son message. Klaus ne changerait jamais. Non content d’avoir rapidement
grimpé dans la hiérarchie après les errements de la société au cours de la
dernière décennie, il n’arrivait toujours pas à avoir une vision globale de la
situation. Ce qui allait finir par jouer des tours à l’organisation, si les
crises qui émaillaient son existence n’en finissaient pas avec elle avant. A regret, elle entreprit de
s’habiller, les mèches blanches qui tombèrent sur son visage lui indiquèrent
qu’un détour chez le coiffeur devenait plus qu’urgent. Il était à peine huit heures du
matin quand Matthew McCormick gara sa voiture sur le site où avait été
découvert le quatrième corps. Seules des bandes jaunes, portant la mention
« FBI », rappelaient ce qu’il s’était passé, il y a quelques jours. Le
coin paraissait avoir retrouvé son calme après la suractivité des deux premiers
jours. Matthew passa par-dessous une des bandes. Le lieu avait dû
être ratissé par l’équipe scientifique, mais il avait le secret espoir qu’ils
aient pu oublier un détail. Quelque chose qui permettrait de donner une
indication sur ce qui avait pu advenir du guetteur. Il n’était pas arrivé depuis un
quart d’heure qu’une voix derrière lui manqua de le faire sursauter. - Vous trouvez quelque chose ? demanda Jarod Hunter
alors que Matthew était en train d’examiner le sol à un des rares endroits qui
auraient pu constituer une cachette pour un guetteur. - Je ne sais pas… Qu’est-ce que vous faîtes ici ?
répondit-il en se redressant. Il s’efforça de masquer son
mécontentement. Sans grand succès. - Je suis passé au bureau, et Grégory m’a dit que vous
étiez retourné sur les lieux du quatrième meurtre. Comme je n’étais pas encore
arrivé à ce moment-là, j’ai pensé qu’il était judicieux que je vienne jeter un
coup d’œil. A l’évidence, McCormick ne
partageait pas le point de vue de Jarod sur la question. L’enquêteur du FBI
hocha la tête en signe d’assentiment plus par politesse qu’autre chose. Jarod
était décidé à se montrer plus incisif que la veille. Il n’avait toujours pas
plus d’informations expliquant l’attitude de McCormick, mais il était certain
que ce dernier voulait faire avancer l’enquête au moins autant que lui. - Alors ? Vous avez trouvé quelque chose
d’intéressant ? Matthew hésita à répondre. Une
personne comme l’agent Hunter fouinant dans une affaire qui concernait
probablement exclusivement les immortels et les guetteurs le rendait
extrêmement nerveux. Il savait que son collègue était loin d’être stupide et
qu’il ne parviendrait pas à le manipuler aussi aisément que Grégory ou ses
autres collègues. - Cette nuit, en relisant les rapports, je suis tombé sur
une note indiquant que l’équipe scientifique avait trouvé des traces de bagarre
et de sang, à une trentaine de mètres du cadavre de Riley Vanhoven. Ils ont
conclu que c’était antérieur au meurtre… Mais avec l’Anglais qui a été retrouvé
mort hier matin… Je me suis dit qu’on avait peut-être raté quelque chose sur
les autres scènes des crimes. - Et ? demanda Jarod, intéressé. Il nota que c’était la première
fois que McCormick jouait franc-jeu avec lui. L’agent du FBI lui montra le sol
à côté de l’endroit où il s’était agenouillé. - Il faudrait réquisitionner un membre de l’équipe
scientifique, mais au vu des traces… Cela pourrait ressembler à ce sur quoi ils
sont tombés à côté de Vanhoven. Jarod mit un genou à terre, de
façon à pouvoir balayer du regard l’endroit incriminé. McCormick disait vrai.
Il y avait eu lutte ici. Et quelques tâches, pas encore mélangées à la terre,
très sèche, pouvaient être assimilées à du sang. - Qu’est-ce que cela impliquerait ? s’étonna Jarod à
voix haute, voulant savoir jusqu’où McCormick était allé dans son raisonnement. - Je n’en ai pas la moindre idée. Et pourtant, j’ai passé
la nuit là-dessus. Le corps de Rachel Timothy a été découvert moins d’une heure
après sa mort. Probablement vingt à vingt-cinq minutes si on prend seulement en
compte l’arrivée des chasseurs, qui tournaient déjà dans les environs encore
avant. Jarod aussi avait retenu ce
faible délai. Il se demanda ce qui poussait brusquement McCormick à coopérer.
Mais l’agent du FBI était toujours aussi indiscernable alors que ses yeux
fixaient un point imaginaire sur le sol, perdu dans ses pensées. - Vous avez du matériel scientifique dans votre
voiture ? dit-il enfin. - Euh… Oui, répondit Jarod après un instant d’hésitation. Il avait la désagréable
impression que McCormick allait encore essayer de le lâcher. - Ramenez des échantillons au labo et faîtes faire des
analyses. Qu’on ait la confirmation que c’est effectivement du sang. - Vous allez faire quoi ? - Vérifiez quelque chose. - On m’a envoyé pour vous seconder… commença Jarod qui
n’avait pas du tout l’intention de le laisser partir. - Pour me seconder. C’est exact. Alors vous faîtes ce que
je vous dis. Sinon, rien ne vous empêche de retourner illico presto à Los
Angeles. Je suis sûr que vous leur manquez déjà. Jarod fut un instant tenté de
forcer un peu plus, mais il était conscient que McCormick pouvait bel et bien
passer quelques coups de fil à Washington pour s’assurer de son rapide retour à
Los Angeles. Et dans ce cas, il risquait aussi de découvrir que Jarod Hunter
n’existait pas… - OK. Je vous appelle dés que j’ai les résultats des
analyses, lâcha-t-il finalement. - A plus tard. Matthew s’en voulut d’en avoir
trop dit devant Hunter. En plus des épées, si, maintenant, il le mettait sur la
piste des guetteurs… Il était pleinement conscient que cette affaire ne se
résoudrait pas en ignorant ces derniers ou encore l’immortalité des victimes.
Mais Jarod l’avait un peu pris par surprise. Il avait eu un instant l’air d’une
personne en qui on pouvait placer sans réfléchir toute sa confiance. Se maudissant une fois encore
intérieurement, Matthew démarra sa voiture. Donna était arrivée au siège du
FBI aux alentours de huit heures et demie. Elle avait passé une heure à
surfer sur la bande de données des guetteurs, au QG de Boston. Elle avait déjà
l’impression que ses yeux allaient la lâcher. Avec humeur, elle ajusta ses
fines lunettes cerclées d’argent qui apparaissaient comme un rappel de son âge
déjà trop avancé. Combien de temps pourrait-elle encore remplir sa mission
avant de passer en service passif ? Elle pourrait peut-être pousser un peu
plus longtemps dans la recherche, mais elle n’avait jamais apprécié rester
enfermée toute la journée entre quatre murs, la tête dans un ordinateur. Un rapide balayage du parking
lui apprit que McCormick n’était pas encore arrivé. Il devait pourtant avoir
déjà commencé son enquête – s’il s’était arrêté durant la nuit. Le jeunot à qui
elle avait confié sa surveillance pour la nuit était rentré au QG des guetteurs
à sept heures passées, heure où se terminait son service, et avant même d’avoir
rendu son rapport, il était parti se coucher dans une des salles de repos. Ce
manque de professionnalisme avait achevé de mettre Donna de mauvaise humeur
pour la journée. Elle avait failli aller le réveiller tambours battants et lui
donner son opinion sur son mode de travail, mais Sam avait objecté
courageusement que le jeunot en question était sorti de l’Académie il y a deux
semaines et qu’il venait d’enchaîner trois tours de permanence à la suite.
L’intervention de Sam avait sauvé Roman Illic pour la journée, mais Donna avait
soigneusement retenu le nom et le matricule de ce guetteur. Elle ne savait donc pas à quoi
McCormick avait occupé sa nuit. Elle espérait qu’il avait pu avancer un peu
dans son enquête. Mais pas trop. Elle était résolue à obéir à ses supérieurs,
et donc à se révéler à lui. Elle espérait donc qu’il n’avait pas déjà sur les
guetteurs une opinion au-delà du récupérable. Après mûres réflexions, elle
avait conclu que le lieu où elle serait le plus en sécurité et où McCormick
serait le plus en confiance était probablement son bureau provisoire au siège
du FBI. Elle attrapa son ordinateur
portable. Elle espérait qu’il ne tarderait pas trop. Elle allait se connecter
au réseau des guetteurs pour revoir et ajouter dans les chroniques la journée
d’hier quand une voiture grise qu’elle connaissait par cœur s’engouffra dans le
parking souterrain. - Vous êtes sérieux ? murmura Davee Utson,
brusquement incrédule devant les révélations qui venaient de lui être faites. - Tout à fait sérieux, mademoiselle, lui répondit Robert
Sanders. Vous comprenez maintenant la raison de votre présence ici. - Mon article mettrait à bas tout cet univers. - Pas seulement, expliqua Martha Dahl, il s’agit de
milliers de vies, pas seulement les immortels. Notre société existe depuis des
millénaires. Ce serait renier le but dans lequel des milliers de personnes se
sont sacrifiées depuis l’existence des guetteurs. Cela aurait aussi une
conséquence désastreuse pour les guetteurs actuels. Davee était sous le choc. A la
peur se mêlaient une fascination et une curiosité croissante envers ce monde
qui s’ouvrait soudain à elle. Mon Dieu… Qui pourrait jamais soupçonner
que de telles choses existent sur notre monde ? - Qu’est-ce que vous allez faire de moi, maintenant que je
sais tout ça ? demanda-t-elle, redoutant la réponse plus que tout. - Nous n’allons rien vous faire, mademoiselle Utson,
affirma d’une voix rassurante et parfaitement posée Martha. Vous comprenez
pourquoi vous ne pouvez pas publier votre article. Nous pouvons vous offrir un
travail dans notre organisation. - Comme guetteur ? - Oui. Il existe différentes catégories de guetteurs. La
recherche, la surveillance, ceux qui sont assignés à un immortel précis… Vous
et vos qualités seriez les bienvenues parmi nous. Les possibilités qui lui
étaient offertes défilaient dans la tête de Davee semblables à un tourbillon.
Cela l’étourdissait. - Et si je refuse de rentrer dans votre société ?
tenta-t-elle après une hésitation. - Alors vous pourrez regagner votre vie normale au
journal. Tout en sachant qu’autour de vous gravitent des personnes âgées de
plusieurs siècles, voire millénaires. Davee se retint difficilement de sourire. Martha avait
volontairement éludé le sens réel de sa question. - Et si je persiste à vouloir publier mon article ? - Je suis persuadée que vous ne le ferez pas. Pas en
sachant tout ce que vous allez détruire et toutes les conséquences qu’aurait
une telle déclaration sur le monde actuel. Davee chercha les yeux de son
interlocutrice. Elle paraissait tranquille et sûre d’elle. Une main de fer dans
un gant de velours, songea Davee. Les guetteurs n’hésiteraient pas à
l’éliminer, elle en était pleinement consciente. Mais Martha avait raison sur
un point : avec tout ce qu’elle venait d’apprendre, elle se sentait
incapable de faire publier son article. Et elle avait la possibilité de rentrer
dans cet univers… - Matthew ! appela Grégory en observant avec
étonnement cette femme d’un certain âge avec un profond accent anglais qui
venait de demander à parler à l’agent McCormick. - Qu’est-ce qu’il y a encore ? s’enquit avec mauvaise
humeur son supérieur. - Madame… - Mademoiselle,
rectifia Donna. - Mademoiselle Scolder voudrait te voir. Elle affirme que
c’est personnel, mais que ce qu’elle a à te dire t’intéressera au plus haut
point. Matthew dévisagea la femme que
lui présentait Grégory. Elle devait avoir passé la cinquantaine. Elle portait
un tailleur strict, mais sa façon de le porter atténuait cet effet. Ses petites
lunettes argentées faisaient ressortir des yeux d’un bleu très pâle. - Mademoiselle Scolder, enchanté. Euh… Vous avez quelque
chose à me dire ? - Pouvons-nous aller dans votre bureau ?
demanda-t-elle avec une telle retenue dans la voix que Matthew la reconsidéra
un instant de manière soupçonneuse. Néanmoins il lui fit signe
d’entrer et referma la porte derrière eux. - Bien, soupira-t-il en regagnant son fauteuil, que
puis-je faire pour vous, mademoiselle ? Donna se sentit un instant
prise de panique. Elle était en train de discuter face à face avec un immortel
qu’elle observait depuis plus de vingt ans. Elle allait devoir lui parler des
guetteurs. La scène était si irréaliste qu’elle en resta muette. - Mademoiselle ? répéta Matthew ne sachant pas trop
comment si prendre avec cette étrange dame. Donna inspira un grand coup et
se lança. Elle releva une de ses manches et montra à l’agent du FBI son
tatouage. - Savez-vous ce que cela signifie ? dit-elle d’une
voix parfaitement maîtrisée. Un guetteur. Matthew avait beau s’être
accoutumé à leur existence, cela ne l’empêcha pas de dévisager la femme avec un
brin d’incrédulité. Il ne s’était pas attendu à tomber nez à nez avec un
guetteur qui se présenterait comme tel. - James Ganderson portait cette même marque, répondit-il
d’un ton égal mais désormais très mal à l’aise face à ce petit bout de femme.
Je voulais vous voir justement… enchaîna-t-il néanmoins pour indiquer à son
interlocutrice qu’il savait à leur sujet. - Me voir ? - Pas vous personnellement, s’empressa-t-il d’ajouter. Je
voulais savoir si vous aviez perdu le contact avec les six autres guetteurs, même
si leurs corps n’ont pas été retrouvés. Entendre le mot
« guetteur » de la bouche de McCormick fut un choc auquel elle ne
s’était pas suffisamment préparée. Ainsi Ceirdwyn lui en avait bel et bien
parlé. Mais il n’avait pourtant montré aucun signe envers elle ou les autres
guetteurs qu’elle avait pu lui assigner. Donna releva avec cynisme qu’il
était impossible de savoir lequel des deux était le plus nerveux. - Les six autres guetteurs sont portés disparus,
confirma-t-elle après un instant. - J’ai fait des recherches durant la nuit dans ce sens. Il fouilla dans ses dossiers et
en sortit un rapport. - Des traces de bagarre et de sang ont été retrouvées à
une trentaine de mètres du corps de Riley Vanhoven. La confirmation probable de ce
que tous redoutaient, songea avec tristesse Donna. - Je l’ignorais… murmura-t-elle en prenant le document que
lui tendait McCormick. Elle sut à l’instant où ces
mots s’échappaient de sa bouche qu’elle avait fait une erreur. McCormick
n’avait pas eu l’air particulièrement ravi de parler à un guetteur, et ce genre
de petites phrases étaient à bannir de son langage pour la discussion qu’ils
allaient avoir. Se trouver face à quelqu’un qui en savait autant que vous sur
votre vie devait être vraiment perturbant. - L’équipe scientifique n’a pas jugé cette découverte
importante. Je suis tombée dessus par hasard cette nuit, expliqua McCormick ne
relevant pas les mots lâchés par inadvertance par Donna. - Ils sont morts, n’est-ce pas ? murmura Donna tout
en connaissant déjà la réponse. - Sûrement. Le corps de Rachel Timothy a été retrouvé très
peu de temps après le meurtre, le meurtrier n’a pas dû avoir le temps de
déplacer le corps de Ganderson. Donna hocha doucement la tête
en enregistrant les informations. - Vous êtes venue ici pour quoi ? demanda Matthew ne
voulant pas se montrer trop brusque avec une personne affectée par la mort de
plusieurs de ses collègues. - Ma hiérarchie m’en a donné l’ordre. Je suis… euh… votre
guetteur depuis quelques années déjà. Cette situation inquiète tout le monde au
sein de l’organisation. Les journalistes sont trop curieux. On a eu une fuite
d’ailleurs cette nuit. Vous ne contrôlerez pas éternellement la curiosité du
FBI. Et ce ou ces tueurs tuent des immortels et des guetteurs. Elle avait insisté sur la fin
de la phrase. Matthew acquiesça, pleinement
conscient de ces dangers. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle il avait
rusé pour obtenir cette affaire auprès du directeur adjoint du FBI. Il ne
voulait pas que le Bureau s’intéresse de trop prés à des affaires concernant
des immortels. - Vous savez quelque chose, mademoiselle Scolder ?
dit-il sentant qu’il y avait plus que le discours bien rodé qu’elle venait de
lui servir. - Donna.
Personne ne m’appelle « mademoiselle Scolder ». - Donc, Donna ? - Nous avons eu, il y a quelques années, des problèmes au
sein de notre organisation. Des éléments… dissidents s’étaient mis en tête de
débarrasser la surface de la Terre des immortels. Donna faisait très attention à
chacun des mots qu’elle prononçait. Chaque information, chaque tournure de
phrase comptait. - C’est un mortel qui les décapitent, murmura sur un ton
pensif Matthew. - C’est exact. D’où notre crainte, en l’absence d’autres
éléments, qu’un guetteur ou un ex-guetteur soit derrière tout ça… - C’est la découverte d’un des vôtres étranglé qui vous a
brusquement poussé à venir jusqu’ici ? demanda Matthew d’une voix où Donna
percevait du ressentiment et de la colère. C’était une question de pure
rhétorique. Qui contenait probablement sa part de vérité. Donna jugea
préférable de ne rien dire. - Des guetteurs sont peut-être impliqués… déclara
finalement Matthew. Mais il y a aussi un immortel. - Comment ça ? - Le mari de Rachel Timothy m’a dit qu’elle avait un duel
le matin où elle a été tuée. Un des nôtres qu’elle avait croisé la veille. Un
mortel ne peut pas se faire passer pour un immortel. - Mais ça n’a pas de sens. Il n’y a pas de quickening. - Bienvenue dans mon dilemme. C’est un mortel qui les
décapite. C’est un fait. Mais tous se trouvaient en ces lieux pour un duel. Et
le mari de la dernière victime n’a fait que confirmer ce que les apparences
laissaient penser. - Toute cette affaire ne sent vraiment pas bon. Et il faut
la clore au plus vite. Les guetteurs ne pourront pas contenir toutes les fuites
que cela risque d’engendrer. - Vous devez savoir que je m’y emploie, Donna. Mais tous
les éléments que nous avons sont contradictoires. Rachel Timothy faisait tous
les jours le trajet à pied jusqu’à son travail. Il y a quelques caméras tout au
long du parcours. J’ai demandé à mes hommes de mettre la main sur les cassettes
vidéo datant de la veille de sa mort. Au vu de la prudence avec laquelle
opèrent les meurtriers, je doute que ça donne des résultats. Mais de toute
façon, on n’a pas un éventail infini de possibilités. - Les meurtriers ? Vous pensez qu’ils sont
plusieurs ? - Au moins deux. Ils n’auraient pas pu tomber sur vos
guetteurs de cette manière sinon. Un s’occupe de l’immortel, un du guetteur…
Enfin, un schéma approchant… - Si un immortel se trouve à une trentaine de mètres de
l’immortel décapité, recevra-t-il le quickening ? - Vous êtes probablement plus capable que moi d’y
répondre, mais je dirais oui. - Ca nous fait donc trois individus. Un immortel et deux
mortels. - Mais on revient au point de départ : le mobil.
Pourquoi un immortel ferait-il décapiter des immortels sans essayer de recevoir
leur quickening ? - Il faut prendre cela comme un constat plutôt que
d’essayer de comprendre ce qui peut se passer dans leur tête. - Si on ne les comprend, on ne pourra pas les arrêter. - Vous avez envisagé la folie ? - Cela constituerait une explication partielle… Mais ce
serait une explication. Il marqua une pause. - Combien d’immortels sont au courant pour les
guetteurs ? - Nous n’en avons pas la moindre idée. Mais au cours de la
dernière décennie, ce nombre a très fortement augmenté. Donna songea au désastre que
Horton avait provoqué. Il avait déstabilisé les fondations-même de la société
durablement. Quelqu’un toqua à la porte,
Donna redescendit précipitamment sa manche. Jarod Hunter apparut sur le pallier
de la porte. Matthew l’avait presque oublié. - J’ai les résultats du labo. C’est effectivement du sang.
J’ai pris la liberté d’envoyer un membre de l’équipe scientifique vérifier
chacun des lieux où ont été commis les crimes. - Belle initiative, agent Hunter, affirma Matthew avec un
ton qui démentait ses propos. McCormick défendait son
territoire. Le même schéma que la veille semblait soudain se reformer.
L’ouverture aperçue ce matin n’était déjà plus qu’un souvenir. Jarod
s’interrogea à nouveau sur les motifs de l’agent du FBI. Son regard se posa sur
la femme d’un certain âge qui avait pris place en face de McCormick. Grégory
lui avait dit que son patron était en train de recevoir quelqu’un et que
c’était, paraissait-il, important. Pour quelle autre raison une inconnue
débarquerait pour voir spécifiquement McCormick s’il s’agissait d’une affaire
autre que celle du tueur des sous-bois ? Mais l’agent du FBI ne semblait
pas pressé de le mettre dans la confidence de ses avancées, si avancées il y
avait. Jarod décida de battre en
retraite pour le moment. Ca lui permettrait comme cela de creuser de son côté,
sans être supervisé par McCormick… - Merci, lâcha-t-il comme si de rien n’était. Je vais voir
ce qu’on trouve sur les autres scènes des crimes. Il n’attendit pas la réponse de
son interlocuteur et referma la porte derrière lui. Il était résolu pour le
moment à fouiller dans le passé de la dernière victime, James Ganderson.
Comment cela se faisait-il qu’à au moins deux des meurtres, un
« témoin » soit tué ? Et pourquoi enlever le cadavre ensuite
pour ne laisser que celui décapité sur les lieux ? De nouvelles questions
se pressaient dans la tête de Jarod. Et aucune réponse ne semblait leur correspondre. Le dessin de sa petite fille
était trop large pour rentrer dans le cadre prévu à cet effet. Broots poussa un
soupir de découragement alors qu’il essayait une fois de plus de le glisser à
l’intérieur, après avoir découpé une fine frange sur les côtés. L’arrivée des deux personnes
avec lesquelles il travaillait le coupa dans ses efforts. - Je ne doute pas que faire du découpage soit de votre
âge, Broots, mais pourriez-vous vous concentrer sur des choses plus
essentielles actuellement ? lâcha Miss Parker d’une voix où perçait un
dédain et un mépris manifestes. - Euh… Je… commença Broots ne sachant comment réagir,
comme à chaque fois où la jeune femme débarquait dans son antre avec une telle
humeur. - C’est un dessin de votre fille ? demanda Sydney
bienveillant, en observant plus attentivement la feuille de papier. - Oui. Comme je n’ai pas été beaucoup à la maison cette
semaine, quand je suis passé ce matin, elle l’avait posé sur mon lit… murmura
Broots. - C’est très touchant, coupa Miss Parker avec un ton qui
sous-entendait le contraire. Donc ? - Euh… Oui… Je suis entré dans les fichiers personnels de
Raines. Ca a été assez difficile car ils sont top-sécurisés, et un
informaticien envoyé directement par le Trium Vira s’occupe de leur sécurité.
Il a fallu contourner toutes les défenses installées, ce qui demande… - Broots, je suis persuadée de votre mérite pour obtenir
ces informations, mais je me fous totalement du « comment ». Au
fait ! - Eh bien… enchaîna Broots, déglutissant avec peine.
Raines a obtenu la confirmation que Rachel Timothy était, elle aussi, très
âgée. Il a réussi à remonter sa trace jusque dans les années 30, où elle était
chanteuse dans un cabaret. Il a totalement exclu l’hypothèse selon laquelle ces
personnes seraient issues d’une expérience scientifique. Il a réussi à
retrouver la trace de Richard Lee, grâce à un tableau datant de cette époque,
jusqu’au XVIIIème siècle ! - Ouah, murmura Miss Parker, plus pour elle-même que pour
ses deux compagnons. Sydney, fidèle à lui-même, paraissait ouvertement à la fois
amusé et captivé par cette découverte. - Qui sont ces gens ? Raines a des idées sur la
question ? pressa-t-elle avec agacement devant la fascination évidente
éprouvée par les deux hommes. - Des gens qui ne vieillissent pas. Qui traversent les
siècles… Et qui ressuscitent si on en croit le dossier de Riley Vanhoven,
résuma Broots. - Est-ce que tout ça paraît avoir un semblant de logique,
Sydney ? - Un semblant de logique scientifique, vous voulez
dire ? Non. Mais l’univers fourmille de mystères sans semblant de logique
scientifique… Vous imaginez ce que ces gens pourraient nous dire ? Ils ont
vécu l’Histoire. - J’aurais l’impression de rencontrer mes grands-parents
avec leurs longues histoires interminablement ennuyeuses, affirma Miss Parker,
apparaissant insensible aux possibilités évoquées par le psychologue. - Mais s’ils sont, en quelque sorte, immortels… Je veux
dire, s’ils ne vieillissent pas et s’ils ressuscitent quand ils sont tués, le
tueur des sous-bois les tue, lui, et pour de bon ! s’étonna Broots
interrogeant Sydney du regard. - Je pense qu’au-delà de leurs capacités étonnantes, leur
métabolisme ne doit pas être si éloigné du nôtre. La décapitation doit empêcher
tout processus de régénération, donc de résurrection… - OK. Un malade s’amuse à décapiter ces… immortels, lâcha
Miss Parker, presque réticente à employer ce mot. D’où un million de questions
qui en découlent, avec les premières : quel est le mobil ? Et comment
le tueur sait-il qui il doit tuer ? - Raines n’en sait pas plus que nous pour le moment,
déclara Broots. Ils suivent de très prés l’enquête du FBI. Mais pour le moment,
les fédéraux n’ont pas grand chose à se mettre sous la dent. - Comme c’est étonnant… Elle prit son portable et
appuya sur le bouton de renvoi d’appel automatique. - Frank. Préparez l’hélico, nous partons pour Boston,
dit-elle à l’homme qui répondit. Broots jeta à la jeune femme un regard effrayé. - « Nous » ? Miss Parker, si jamais Raines
s’aperçoit que nous sommes sur cette affaire… - A vous de faire en sorte qu’il ne s’en aperçoive pas.
Vous restez ici. Elle se détourna. Alors qu’elle
remontait les escaliers, Broots intervint à nouveau : - Ce peut-être très dangereux, Miss Parker ! Et… - Broots. La ferme. Sydney, vous venez ou vous restez avec
le pleurnicheur ? - Je vous suis, répondit le psychologue. Il murmura un « bonne
chance et bon courage » à Broots et monta à son tour quatre à quatre les
marches de l’escalier menant à l’ascenseur. Davee Utson quitta finalement à
regret la base de données auquel Martha Dahl lui avait permis d’accéder. Elle
dévisagea son aînée, se demandant ce qu’elle attendait réellement d’elle. - Je veux faire partie de votre organisation,
déclara-t-elle finalement, sûre de sa décision. Martha se contenta de hocher
pensivement la tête, un mélange de satisfaction et de soulagement se reflétait
sur son visage. - Excellent, affirma-t-elle enfin. Tous les guetteurs,
avant d’entrer en service, doivent passer par l’Académie. - L’Académie ? répéta Davee, étonnée. - C’est une sorte de centre de formation où vous apprenez
toute la théorie et toutes les bases nécessaires à votre job. J’aimerais vous
envoyer dans notre centre de formation européen. - En Europe ? - En Suisse pour être exact. Je pense que le dépaysement
vous ferait le plus grand bien, et vous permettrait de considérer ces
révélations avec un peu plus de recul. Cela fit brusquement repenser
Davee à ce qui l’avait amenée à pareille découverte : les meurtres. Les
victimes du tueur des sous-bois étaient des immortels. - Qu’est-ce qui se passe ici ? Le Jeu… ? - Nous avons actuellement un code rouge sur les bras à
cause de cette situation. Comme Davee la regardait en
fronçant les sourcils, elle ajouta : - Des gens qui se penchent sur le passé des victimes, et
qui risquent de faire comme vous. - Vous n’avez pas répondu à ma question : est-ce le
Jeu ou quelque chose de plus grave ? répéta Davee pleinement consciente du
malaise de Martha à parler de l’affaire devant elle. - Il n’y a aucun quickening. Ils sont décapités par un
mortel. Nous avons perdu sept guetteurs pour le moment, même si un seul corps a
été retrouvé. - Celui de James Ganderson ? Martha acquiesça. - Nous craignons que des guetteurs soient impliqués. - Et le FBI ? Si je suis parvenue à découvrir
l’existence des immortels en enquêtant sur les victimes… Ils ont des moyens
largement supérieurs aux miens. Cela rappela à Martha la fin de
délibération qu’elle avait eu avec les deux autres membres du Tribunal dans
l’avion qu’elle avait attrapé de justesse pour New York. Donna avait dû être
furieuse en apprenant les conclusions du Tribunal. Ils lui avaient carrément
ordonné d’oublier son serment et de coopérer avec McCormick. Pour n’importe
quel guetteur, un ordre pareil provenant directement du Tribunal n’aurait pas
eu tant d’implications, mais Donna, c’était une autre histoire. Elle avait
toujours manifesté un respect tatillon envers le règlement. Martha n’avait pas
oublié sa féroce opposition à la réintégration de Joe Dawson et le plaidoyer
impressionnant qu’elle leur avait offert. Martha avait l’intention de partir pour Boston sitôt la
situation de Davee Utson réglée. Rester dans l’expectative alors que le sort de
leur organisation se jouait peut-être, là dehors, était très frustrant. - Le FBI est pour le moment sous contrôle, affirma-t-elle
en songeant au nouvel agent envoyé par Washington dont Donna avait parlé. Mais tant que McCormick
garderait la direction de l’enquête, le FBI ne poserait pas de problèmes
majeurs. Ou du moins, pas de problèmes que McCormick ne puisse régler. La journée était déjà bien
avancée quand Donna quitta le siège du FBI. Elle était en vie et McCormick
n’avait pas manifesté d’animosité particulière à son encontre. Alors qu’elle
s’engouffrait dans sa voiture, elle songea avec ironie qu’elle venait de lui
donner son numéro de portable pour qu’il puisse la joindre pour la tenir au
courant des derniers développements de l’enquête. Son propre numéro de
téléphone ! Elle avait d’ailleurs elle-aussi pris le sien. Et désormais,
dans son répertoire, entre Klaus Anderton et Martha Dahl, on pouvait trouver
Matthew McCormick. Elle n’avait pas osé écrire son nom en entier et s’était
contentée d’un « MMC ». C’était puéril. Elle en voulut à nouveau au
Tribunal de lui imposer cette épreuve. C’était un sentiment
irrationnel. Irrationnel et improductif. Elle chassa toutes ces pensées
d’un geste, et attrapa avec difficulté son ordinateur. Tout le monde attendait
probablement « LE » rapport. Et McCormick ne quitterait pas son
bureau avant plusieurs heures. Grégory surgit sans prendre le
temps de frapper. Matthew allait lui faire part de son opinion sur ses méthodes
de travail, mais à la vue de l’excitation manifeste de son subordonné, il s’en
abstint. - Les vidéos ont donné quelque chose ? demanda-t-il
anticipant l’introduction que s’apprêtait à faire Grégory. - Nos hommes ont réussi à faire un montage de manière à
reconstituer son retour chez elle ce soir-là. Bon, on a pas mal de trous. Mais
on a récupéré aussi les vidéos de surveillance des magasins, banques, ect… qui
se trouvaient sur son parcours. Sur la bande de surveillance d’une agence
d’assurances, on la voit discuter avec un mec un peu suspect. - Un peu suspect ? répéta Matthew. Donc il pourrait
s’agir d’un amant, d’un ami, d’une connaissance, d’un touriste perdu ou du
tueur… Où est la bande ? Grégory agita sa main droite,
sachant parfaitement que malgré cette tirade, Matthew était probablement aussi
curieux que lui. Il mit la cassette dans le magnétoscope et pianota sur
différentes touches, de manière à lancer la lecture. Une image tremblotante
apparut à l’écran. Matthew retint une grimace. Avec une telle qualité, s’il
s’agissait effectivement de l’immortel qui avait accosté Rachel Timothy la
veille de sa mort, l’identification serait difficile. Grégory fit une avance rapide,
puis passa en pause. - Là, dit-il. C’est Rachel Timothy. Ses vêtements correspondent à la
description de son mari, et on la voit juste avant sur une autre caméra.
L’identification est certaine sur cette dernière. Et voilà le gars avec qui
elle parle. Il lui est arrivé en face. Elle n’a pas tenté de l’éviter. Ils
paraissent échanger des civilités, mais je suis sûr qu’ils ne se connaissent
pas. Elle est sur ses gardes. Regarde sa posture. Grégory avait raison. Pour en
avoir expérimenté plus d’une, Matthew était certain qu’il s’agissait d’une
rencontre d’immortels. Rachel était prudente mais apparaissait naturelle. Aucun
des deux ne voulait attirer l’attention des passants. - Est-ce qu’on peut avoir une image plus claire de l’homme
qui l’a abordée ? - Nos informaticiens travaillent dessus. Ils vont essayer
de lui tirer le portrait. Mais franchement, je crois que ça peut valoir le coup
de creuser cette piste. - De toute manière, on n’en a pas cent cinquante. Tu as
prévenu l’agent Hunter ? - Pas encore. J’y vais de ce pas… Matthew nota non sans
satisfaction que, en dépit d’une inimitié latente, Grégory faisait d’abord son
rapport à lui, avant de se tourner vers l’enquêteur de Los Angeles. - Je m’en occupe. Surveille les informaticiens. - OK. Le bureau dans lequel ils
avaient installé Jarod Hunter se situait au fond du couloir. Les locaux étaient
trop étroits, et les escouades de scientifiques et autres spécialistes envoyés
en renfort par Washington ne trouvaient déjà plus de place dans le bâtiment.
Ils avaient réquisitionné le bureau d’un agent de liaison avec la police locale
pour y installer l’agent Hunter. - Entrez, lança la voix de ce dernier alors que Matthew
venait de frapper. - Vous avez trouvé quelque chose d’intéressant ?
s’enquit Matthew en pénétrant dans la pièce et en observant les dossiers qui
s’étalaient jusque sur le plancher d’un œil circonspect. - Rien de décisif pour le moment. Et vous ? répondit
Jarod Hunter avec une neutralité étonnante. Cela rappela à Matthew ce qu’il
avait éprouvé quand Hunter s’était présenté. Un sentiment de danger… Mais il
écarta résolument ces pensées. Ce n’était pas le moment de se disperser. Même
si Hunter constituait un danger quelconque, il n’était pas le danger
prioritaire auquel il devait faire face actuellement. Il aurait tout le temps
de s’occuper de ça, une fois que l’affaire serait résolue. - Grégory a peut-être trouvé quelque chose. J’avais
demandé qu’on reconstitue le retour chez elle de Rachel Timothy la veille de sa
mort, et sur une vidéo, on la voit parler avec quelqu’un qu’elle rencontre
probablement pour la première fois. Les informaticiens essayent de tirer une
photo de l’homme à partir de la vidéo qui est de qualité médiocre. - Vous pensez qu’elle aurait pu rencontrer auparavant son
meurtrier ? - Je ne pense pas. Mais on ne l’a pas forcée à se rendre
dans cette clairière. J’explore toutes les hypothèses possibles et imaginables
étant donné notre absence totale de pistes. Si vous saviez, songea
Jarod. A nouveau, il fut tenté de lui parler de ses découvertes de la nuit. La
spécificité des victimes était l’élément central de cette affaire. Jarod en
était persuadé. Le tueur – les tueurs – ne pourrait être attrapé en l’absence
de cet élément d’information. Mais Jarod était encore réticent à faire
pleinement confiance à McCormick. Il se promit de prendre une décision d’ici la
fin de la journée. Donna finissait son rapport
lorsque la sonnerie de son téléphone retentit. Avec un soupir, elle l’attrapa.
L’identité de l’appelant la fit ralentir brusquement son geste. Elle ne s’était
pas attendue à devoir lui reparler si vite. - Donna Scolder, dit-elle finalement en décrochant presque
à regret. - Ici Matthew McCormick, déclara une voix qu’elle
commençait à connaître à l’autre bout du fil. Nous avons peut-être quelque
chose d’intéressant. La recherche sur les vidéos de surveillance a donné
quelque chose. Nos informaticiens ont réussi à dégager une photo à peu prés
nette du visage d’un homme que Rachel Timothy a croisé sur le chemin du retour
la veille de sa mort. Il se pourrait que ce soit notre immortel. Donna sentit sa tension
s’accroître, ainsi que son excitation. C’était la première piste suivie depuis
le début de l’enquête. - Vous voulez que je vois si on a quelque chose sur lui
dans notre base de données ? demanda-t-elle sachant parfaitement que
c’était la raison de l’appel de l’immortel. - Oui. Vous auriez une adresse e-mail où vous envoyer la
photo scannée ? Devant son hésitation
manifeste, Donna retint un sourire cynique. Au point où ils en étaient, avoir
encore des scrupules relevait de la pure hypocrisie. - Vous avez un stylo pour noter ? lança-t-elle en
changeant son téléphone d’oreille. Grégory était plongé dans les
bandes de données du FBI qui défilaient sous ses yeux à raison d’un visage par
seconde. Il avait croisé les doigts de sa main droite et tapait en rythme sur
le bureau. Ses lèvres bougeaient comme s’il murmurait quelque chose. Jarod se demanda s’il était en
train de prier pour que la photo qu’il avait extraite de la vidéo corresponde à
quelqu’un sur leurs fichiers. Il espérait qu’ils tenaient enfin un début de
piste, mais, étant donné ce qu’il savait actuellement sur les meurtres, cet
individu pouvait être n’importe qui, et cela ne résolvait pas son problème
majeur : quelle était la signification de tous ces meurtres ? Au vu du meurtre de James
Ganderson, il était probable qu’il n’existait pas un, mais des tueurs. Jarod ne
parvenait toujours pas à comprendre la raison qui avait poussé une jeune femme
– l’adjectif « jeune » étant admis jusqu’à preuve contraire, le Centre
n’avait encore rien trouvé sur son passé, la dernière fois que Jarod avait
piraté leur réseau – à se rendre si tôt le matin dans un endroit sensé être
désert. Il y avait aussi le rôle des épées dans toute cette affaire qui le
préoccupait. Il sentait vaguement que ce devait être important, mais il ne
s’était toujours pas expliqué de manière satisfaisante leur présence. La
décapitation les tuait. Les épées pouvaient donc être un objet de défense
contre ceux de leur genre – ou d’attaque… Jusque là, même si c’était un peu
étriqué, le raisonnement se tenait. Le problème venait ensuite : qu’est-ce
qu’ils avaient à craindre des autres ? Pourquoi se seraient-ils
attaqués ? A cette question, Jarod savait qu’il faudrait beaucoup plus que
les informations parcellaires qu’il détenait actuellement pour pouvoir
répondre. Les visages continuaient de
défiler sur l’ordinateur de Grégory. Jarod se demanda où était passé McCormick. Martha Dahl poussa un soupir de
soulagement en garant enfin sa voiture dans le parking souterrain de l’immeuble
qui servait de siège aux guetteurs de la ville. Elle devait prendre un avion
assurant la liaison New York – Boston. Malheureusement les deux vols que le
service de Paris lui avait indiqués étaient complets. Il avait fallu passer
quelques coups de fil, et finalement accepter de voyager dans le cockpit – elle
qui avait le vertige ! – pour embarquer dans le second de ces deux vols.
Les pilotes s’étaient montrés courtois, un peu intrigués néanmoins par leur
passagère de dernière minute, et se demandant quelles relations elle pouvait
avoir pour réussir à ce que le directeur de leur compagnie aérienne lui-même
ordonne de manière expresse qu’on la laisse monter à bord, de surcroît dans le
cockpit de pilotage. Une fois à Boston, Martha avait loué une voiture. Personne
au QG de Boston n’était au courant de son arrivée qui avait été décidée par le
Tribunal à la dernière minute. C’est avec un profond
soulagement qu’elle entra son pass dans le décodeur. Il y eut un petit bip,
l’ordinateur enregistrant sa demande. Puis la porte se déverrouilla, et Martha
fonça à l’intérieur. Les locaux de Boston
commençaient déjà à dater de quelques années. Comme la plupart de leurs locaux
de ce côté de l’Amérique du Nord. Les rénovations se faisaient par zone géographique.
D’ici deux ans, ils seraient remis à neuf, et probablement déménagés. Il n’y avait aucun superviseur
parmi les guetteurs de Boston. Ils n’étaient là que parce que leurs immortels y
vivaient. Il n’existait aucun service annexe. C’était une petite branche qui
rappela à Martha, par certains côtés, ses débuts à Gdansk, en Pologne. Un jeune homme d’une trentaine
d’années s’entraînait à lancer une boule de papier dans une corbeille, un œil
sur un petit écran TV qui commençait lui-aussi à dater. Il ne l’avait pas
entendue entrer. Alors qu’il lançait sa troisième boule à côté, Martha
l’interpella : - Excusez-moi. Où est-ce que je peux trouver un terminal
pour me connecter au réseau ? demanda-t-elle, pressée de lire le dernier
rapport qu’avait dû envoyer Donna. Le jeune homme, surpris par son
intrusion, avait raté une nouvelle fois – la quatrième – la corbeille. Il fit
tourner sa chaise vers Martha. - Euh… Vous pouvez prendre un des ordinateurs qui sont
là-bas. Ils sont déjà connectés au système, vous n’avez qu’à rentrer votre
identifiant et votre mot de passe. Il lui désigna les appareils
placés en rangée qui occupaient quatre petits box. - Merci. Je suis Martha Dahl. Je siège au Tribunal, se
présenta-t-elle. Elle n’aurait pas produit plus
d’effet en annonçant qu’elle était Lady Di réincarnée, car le jeune homme sauta
sur ses pieds et passa nerveusement ses mains sur ses habits pour se rendre un
peu plus présentable. Il serra la main qu’elle lui tendit. - Madame, c’est un honneur de vous rencontrer. J’ignorais
que vous deviez venir. - Tout a été décidé très vite, affirma-t-elle en se
dirigeant vers un des ordinateurs. - Cela a quelque chose à voir avec le tueur des sous-bois
et le fait qu’on soit passé en code rouge ? s’enquit-il. - Ca a quelque chose à voir. Vous êtes ? - Oh… Samuel Rivereaux. - Vous êtes sans assignation permanente ? se
renseigna-t-elle alors qu’elle rentrait son mot de passe. - Si, si. Je suis le guetteur de Maryse Wood. - Ah… Je vois… Sœur Maryse Wood ? - C’est
exact. Nous avions quelqu’un au sein de la communauté religieuse jusqu’à
il y a 6 mois. Mais Sœur Angèle est décédée. J’ai récupéré la chronique. - Et depuis vous vous tournez les pouces, et jouez les
superviseurs du coin ? murmura Martha sur un ton volontairement amusé. - On peut dire ça, madame… répondit Sam, l’air gêné. Mais
vous savez, la concentration d’immortels dans la région se fait plus intense au
cours de ces dernières années, ajouta-t-il comme pour justifier sa position. - Tout comme elle risque de se faire beaucoup moins
intense si on n’arrête pas ce tueur… Le logo des guetteurs et sa
barre d’outils personnelle apparurent à l’écran. Une petite voix l’informa
qu’elle avait 23 messages en attente. Un seul l’intéressait. - C’est un rapport de Donna, n’est-ce pas ? demanda Sam
qui lisait toujours par dessus son épaule. Martha fut un instant tentée de
l’écarter, ces informations étaient confidentielles. Mais il paraissait être
quelqu’un de confiance, et elle réfléchissait mieux quand une personne à ses
côtés pouvait critiquer son raisonnement. Donna avait l’air d’avoir joint
deux rapports en un. Le premier traitait de sa rencontre avec McCormick, que
Sam lut en ouvrant de grands yeux. La surprise était réelle. - Bien sûr, il est inutile de vous préciser que les
informations dont vous prenez connaissance sont hautement confidentielles… - Oui oui… lâcha Sam, incrédule devant la rencontre
décrite par le guetteur le plus accroché à la sacro-sainte règle de
non-intervention qu’il ait jamais rencontré. Le deuxième rapport était plus
concis, et avait été écrit à la hâte. Son écriture datait de quelques minutes.
Donna parlait d’un suspect identifié d’après la base de données des guetteurs
comme étant Craig Ansten, immortel dont on était sans nouvelles depuis plus de
cinq ans. Matthew repassa une nouvelle
fois la bande vidéo de la rencontre de Rachel Timothy avec l’homme. Si c’était
un immortel, les guetteurs pourraient l’identifier. Malheureusement, Matthew se
demandait si ces derniers lui communiqueraient effectivement l’information ou
s’ils ne préféreraient pas régler cette affaire personnellement. Il n’avait
aucune confiance envers les guetteurs. Et sa discussion avec Donna Scolder
n’avait fait que renforcer ce sentiment. Il ne lui avait transmis la photo à
regret que parce que le temps n’était plus à la tergiversation. Si l’individu
n’était pas fiché dans leurs services, peut-être le serait-il chez les
guetteurs. Ils ne pouvaient plus se permettre de perdre du temps. Chaque heure
comptait désormais. Donna avait fait allusion aux
fuites générées par les investigations des journalistes. La situation devenait
critique. Cela avait probablement poussé les guetteurs à le contacter tout
autant que la découverte du corps de James Ganderson. Et lui ? Combien de temps
pourra-t-il contenir la curiosité du FBI ? Pas éternellement. Surtout si
l’enquête continuait de piétiner. Jarod Hunter n’allait pas tarder à avoir une
promotion. La sonnerie de son téléphone
portable le sortit brusquement de ses sombres pensées. Il n’hésita qu’un
instant avant de répondre. C’était le moment de vérité. Jusqu’où les guetteurs
étaient-ils disposés à aller dans leur « collaboration » ? - Vous avez quelque chose ? demanda-t-il directement,
sans plus de formalités. La voix au bout du fil
paraissait tout aussi déterminée. Ce qui le surprit. - Votre homme s’appelle Craig Ansten. Il est né en
Autriche en 1704. - Bon travail. Qu’est-ce que vous avez d’autre sur
lui ? - Malheureusement pas grand chose. On l’a perdu il y a un
peu plus de 5 ans. Auparavant, il n’avait rien d’exceptionnel. C’était un
chasseur de tête. Ce qui complique un peu plus notre problème d’absence de
quickening… - Oui… murmura Matthew, pensif, alors qu’une folle idée
émergeait dans son esprit. Euh… Est-ce que vous croyez que ce serait possible
que je jète un rapide coup d’œil à ce que vous avez sur lui ? Peut-être pourrait-il arriver à
trouver quelque chose lui permettant de comprendre l’homme qu’il avait face à
lui. En l’état actuel de l’enquête, tout élément portant sur le mental de
l’individu était bon à prendre. L’hésitation de Donna Scolder
fut bien visible. Matthew pouvait presque l’entendre peser le pour et le contre
dans son esprit. Il devait mettre son sens du respect des règles à rude
épreuve. - Descendez dans le parking, dit-elle enfin après un long
silence. Je suis dans une voiture gris métallisé. Une BMW. Par contre, je suis
incapable de vous dire quel est le modèle. - Je trouverais, répondit Matthew en se levant. Ne bougez
pas. **** CHAPITRE IV Alliés,
concurrents, ennemis Donna ne savait pas ce qu’il
lui avait pris d’accéder à la demande de McCormicK. Elle s’agita un peu plus
dans sa voiture, soudain mal à l’aise à l’idée de le voir s’installer à ses
côtés et pianoter sur son ordinateur, en lisant les chroniques des guetteurs.
En dépit de tous ses efforts de rationalisation, elle n’avait qu’une
envie : démarrer la voiture et quitter au plus vite ce lieu devenu soudain
si hostile. Elle maudit une fois de plus le Tribunal. Avec un calme factice,
elle prépara le dossier de Craig Ansten. Elle n’avait pas raccroché
depuis dix minutes qu’elle vit McCormick surgir dans le parking. Elle fit un
appel de phare. L’immortel se dirigea vers elle sans hésitation. Grégory poussa un soupir de
découragement alors que l’inscription « Non trouvé » se mit à
clignoter sur l’écran de son ordinateur. - C’est pas vrai… Il n’est pas fiché par nos services. Je
peux demander l’accès aux fichiers d’Interpol, si vous voulez… demanda-t-il
avec une voix amère en se tournant vers Jarod. Ce dernier hocha la tête. - Faîtes ce que vous pouvez. Le temps presse, répondit-il. - Il faut des autorisations. Je vais essayer de
court-circuiter la bureaucratie administrative, mais je ne peux rien vous
garantir… Jarod préféra laisser Grégory
attraper son téléphone et s’occuper de cette recherche, seul. Si jamais il lui
venait à l’esprit de demander à Jarod, techniquement plus gradé, de donner une
accélération à l’appareil bureaucratique… Alors qu’il refermait la porte
après avoir glissé un « bonne chance » à Grégory, il songea qu’il devrait
peut-être essayer de son côté de lancer une recherche sur le net. Internet
constituait après tout la plus importante base de données au monde. Un silence quasi-religieux
régnait dans la voiture sans qu’aucun des passagers n’ose le rompre. Matthew s’était
plongé dans les chroniques de Craig Ansten, franchement mal à l’aise à l’idée
d’utiliser les dossiers des guetteurs pour son enquête. Ce sentiment était
renforcé par la pensée dérangeante qui ne l’avait pas quitté pas depuis que
Donna Scolder lui avait tendu son ordinateur : une chronique comme
celle-ci existait aussi sur lui. Toute sa vie était consignée dans un dossier
du même format que celui qu’il était en train de lire. Comme Donna Scolder l’avait dit
plus tôt, Craig Ansten n’avait rien de particulier. C’était un chasseur de
tête. Mais comme bon nombre d’immortels. Sa liste de combat était relativement
étoffée, mais Matthew ne la trouva pas particulièrement exceptionnelle. La
plupart des immortels tués étaient plutôt jeunes et peu puissants. Il commençait à désespérer de
trouver quoique ce soit quand une annotation en marge de la chronique, faite
deux semaines avant sa disparition, attira son attention. - Donna… Qu’est-ce que cette note signifie ?
demanda-t-il en tournant l’écran de l’ordinateur vers la femme assise au siège
du conducteur. - Le Tribunal suspectait le guetteur de Craig Ansten
d’avoir fait partie des disciples de Horton… Comme la phrase ne semblait pas
éclairer d’avantage McCormick, Donna ajouta : - Horton était le meneur du groupe de guetteurs renégats
dont je vous ai parlé tout à l’heure. Après sa mort, il y a eu des Purges au
sein de l’organisation. Le Tribunal pensait que le guetteur de Craig Ansten
avait pu passer au travers de la première purge. Il n’y avait au moment de leur
disparition aucune preuve tangible, mais pour avoir lu le rapport de la
Division Sécurité, je suis sûre qu’il en était. McCormick fronça les sourcils
et la dévisagea. - Quoi ? Vous êtes en train de me dire que son
guetteur a disparu en même temps qu’Ansten ? Donna se mordit la langue et
craignit d’avoir trop parlé. Le Tribunal serait loin d’être ravi quand il
apprendrait la somme d’informations qu’elle avait transmise à son immortel. Une
somme d’informations parmi lesquelles se trouvaient des renseignements
classifiés auquel tout le monde, même au sein des guetteurs, n’avait pas accès.
D’un autre côté, c’était le
Tribunal qui avait voulu cette soi-disant collaboration guetteur-immortel pour
le bien de l’enquête. Il n’avait pas pris la peine de lui donner des directives
claires sur la manière avec laquelle mener cette coopération. Il était évident
que « collaboration » n’avait pas signifié dans la bouche de Klaus
l’autorisation de laisser McCormick fouiller dans les chroniques des guetteurs,
ni d’évoquer les crises qui avaient émaillé la dernière décennie… Elle
soupçonnait même Klaus et ses comparses – surtout l’esprit retors de Martha
Dahl – de n’avoir jamais imaginé un réel échange d’informations… Le but avait
surtout été d’éviter que McCormick ne tombe sur des guetteurs renégats dans son
enquête et que ce type de découverte ne provoque un remake de l’épisode Galati
dont tous les esprits demeuraient marqués. Un souvenir semblable à une
cicatrice béante et douloureuse. Cette absence de clarté dans
les ordres émanant du Tribunal avait au moins le mérite de laisser à Donna une
importante marge de manœuvre. Le Tribunal ne se retournerait pas contre elle,
quoiqu’elle fasse ou dise. De plus Klaus n’aurait jamais le cran suffisant pour
prononcer une condamnation à mort envers son ex-femme – même si cette qualité
était une chose que Klaus comme Donna souhaitaient oublier. Ses principales réserves venaient donc d’elle-même et de
son respect indéfectible à l’encontre du règlement. Elle avait prononcé un
serment à son entrée dans l’organisation. Donna accordait énormément
d’importance à la parole donnée. Mais elle s’était révélée à McCormick, elle
lui avait transmis des informations émanant des guetteurs. Et elle lui avait
permis de lire des chroniques. Quoiqu’elle arrive à se convaincre, son serment
ne tenait plus. Il aurait été hypocrite de se raccrocher à une promesse qu’elle
avait déjà violée. Donna n’avait jamais été partisane d’un respect des règles à
éclipse. Avec énervement, elle balaya
ses dernières réserves et prit comme résolution de collaborer de manière
effective avec McCormick. La nuit blanche avait laissé
des traces sur l’entrain des deux jeunes informaticiens attachés à la branche
de New York. Peter s’était calé dans un
fauteuil, les pieds étalés sur son bureau. Sa respiration régulière indiquait
qu’il s’était endormi en service. Son collègue n’était pas plus frais, mais au
moins avait-il essayé de résister. Il avait réquisitionné une des cafetières de
l’accueil et s’était préparé un café d’un noir profond. Malheureusement, Philip
s’était endormi avant d’avoir pu en boire une goutte. Ce fut un bip lancinant qui les
tira de leur sommeil en sursaut. Philip fut le premier à prendre conscience
qu’il n’était pas dans son lit, et que l’alarme qu’il entendait ne provenait
pas de son réveil. En étouffant un juron, alors que Peter s’étirait en baillant
à s’en décrocher la mâchoire, il fit sortir son ordinateur de l’écran de
veille. Un rapide coup d’œil lui apprit qu’un remake de la nuit agitée qu’ils
venaient de vivre était en route. - On a une fuite, lâcha-t-il en prenant place en face de
son appareil. Peter grogna. - Encore ? s’exclama-t-il ne parvenant pas à se
réveiller complètement. Et moi qui croyais que ce job était tranquille… Les doigts de Philip
s’acharnaient sur son clavier alors qu’il cherchait la raison pour laquelle
l’alarme s’était déclenchée. - Quelqu’un est en train d’effectuer des recherches
concernant Craig Ansten, informa-t-il d’une voix laconique. Va chercher
Sanders ! Il avait presque crié pour réveiller
Peter qui paraissait prêt à se rendormir. Son ordre fit l’effet d’un
électrochoc pour son ami qui sauta sur ses pieds, et sortit précipitamment. Philip se lança sur les traces
de leur fuite. Il plissa les lèvres. Ce ne serait pas aussi facile que la nuit
dernière. L’adresse IP de l’intrus était masquée. Et l’individu, quel qu’il
soit, n’était pas un débutant en informatique. - Tu veux jouer ? murmura Philip à son écran. Alors
montre-moi donc ce que tu sais faire, mon gars… Au même moment, dans un petit
bureau réquisitionné pour l’occasion, au siège du FBI à Boston, un ordinateur
émit lui-aussi un petit bip d’alerte. Quelqu’un était en train d’essayer de le
pirater. Jarod était une personne
extrêmement prudente. Même pour une simple recherche sur le net, il prenait
toutes les précautions nécessaires. Il ne parvenait pas à échapper au Centre en
ne se réservant pas plusieurs portes de sortie à chacune des actions, même les
plus bénignes, qu’il entreprenait. En l’occurrence, le hacker
cherchait à percer à jour son identification. Identification que Jarod prenait
grand soin de dissimuler à chaque fois qu’il allait sur le réseau. Il pianota
quelques secondes sur son clavier, lançant un programme de contre-attaque. Il
sourit en téléchargeant rapidement les informations qu’il avait pu trouver sur
l’homme à la photo, et notamment un nom : Craig Ansten. - Et merde ! jura Philip en se faisant éjecter du
réseau. Un petit bonhomme rouge apparut
sur son écran devenu entièrement noir. Il le salua et lui tira la langue. C’est à ce moment-là que Peter,
accompagné de Sanders, re-rentra dans la pièce. En voyant le clown faire ses
pitreries à l’écran de son ami, il devina que les ennuis ne faisaient
probablement que commencer. Après avoir trié rapidement les
informations, Jarod sortit précipitamment de son bureau. Grégory était toujours
pendu au téléphone, l’air de réfléchir à toutes les façons possibles de mettre
fin à ses jours alors qu’une secrétaire venait de le rediriger vers un nouveau
service. Jarod appuya sur le combiné pour couper la communication. - Eh ! protesta Grégory en se redressant. J’avais
suffisamment eu de problèmes pour arriver jusque là ! - Il s’appelle Craig Ansten, déclara Jarod en agitant sous
les yeux de l’agent du FBI quelques-unes des informations qu’il avait trouvées
sur le web. Il avait censuré volontairement
tous les renseignements permettant de suspecter l’étrange nature de l’individu.
En effet, Jarod avait obtenu la confirmation de l’âge, plus avancé que ce qu’un
observateur penserait aux premiers abords, de l’inconnu : une photo datant
de 1936 que son programme de recherche avait trouvé sur un site retraçant la
vie d’un hôtel de luxe de Philadelphie depuis le début du siècle, et où le même
nom apparaissait : Craig Ansten. - Où avez-vous trouvé ça ? murmura, incrédule,
Grégory en prenant le dossier des mains de Jarod. - Internet constitue la plus importante source de données
du monde… répondit simplement Jarod avec un léger sourire devant la réaction de
Grégory. - Il faut que je bipe Matthew, affirma-t-il. Jarod se contenta d’acquiescer
tandis que Grégory alliait le geste à la parole. - Il ne va pas être ravi, je suppose, de savoir que c’est
moi qui ai réussi à mettre la main sur l’identité de l’homme alors qu’il n’est
pas fiché dans notre bande de données… glissa Jarod le plus innocemment du
monde. Grégory haussa les épaules en
secouant doucement la tête. - Vous vous trompez sur son compte, Jarod. Je ne suis pas
un de ses plus grands fans. Mais ça fait quatre ans que je bosse avec lui, et
je peux vous assurer de deux choses. Il est désagréable avec tout le monde au
bureau. Ce traitement ne vous est pas spécifique. Et la concurrence entre des
agents ne lui a jamais fait perdre de vue l’objectif principal : la
résolution de l’enquête. Jarod garda consciencieusement
une expression réservée sur son visage, en enregistrant les dires de Grégory. Matthew sursauta en entendant
son biper se déchaîner à sa ceinture. Donna réagit de manière similaire à ses
côtés. Malgré lui, il ne put s’empêcher de s’en amuser. C’était Grégory. - Il faut que j’y aille, lâcha-t-il. Je garde juste cette
liste, ok ? Donna acquiesça en silence en
récupérant son ordinateur. - Vous voulez que je lance une recherche d’un de ces
pseudonymes dans un rayon de 100 kilomètres ? demanda-t-elle alors qu’il
sortait. - Vous allez le faire de toute manière, non ?
répondit-il avec une volontaire désinvolture. - Je pensais simplement qu’il était peut-être sage que vos
collègues ignorent l’identité de l’immortel. - J’aviserai en temps voulu. Mais je ne peux rien faire
s’ils l’ont déjà trouvé, ajouta-t-il en montrant son biper. - Je vous contacte si on trouve quoique ce soit. Faîtes de
même de votre côté, s’il vous plait, déclara Donna avec une voix décidée. - J’y compte bien… dit-il avec ironie. Au fait, quel était
le nom de son dernier guetteur ? Il avait vu sa photo, accrochée
à droite du dossier, mais aucune mention de son patronyme. Donna parut hésiter à répondre
à une question si directe. Matthew pensa qu’elle allait refuser en invoquant le
nécessaire secret de l’identité d’un guetteur ou une absence de lien par
rapport à l’enquête. Pourtant, elle répondit sur un ton imperturbable : - Mike Rivers. - Merci, murmura Matthew, un rien soulagé par cette réelle
coopération au moins de façade, en refermant la portière. L’hélicoptère avait atterri une
petite heure auparavant à l’aéroport de Boston. Une voiture, louée pour
l’occasion, les attendait là-bas. Une fois qu’ils furent seuls,
tous les deux, dans le véhicule, Miss Parker enclencha le rappel automatique de
son portable. On décrocha presque aussitôt. - Allô ? fit la voix de Broots, actuellement dans le
Delaware. - Broots. Est-ce que vous avez du nouveau ?
pressa-t-elle sans plus de formalités. Il y eut un instant de
bafouillage au bout du fil, puis la réponse arriva : - Le FBI tient peut-être un suspect dans ces histoires de
meurtres. - Ils ont arrêté quelqu’un ? - Non. Ils recherchent quelqu’un… euh… un certain Craig
Ansten. Il aurait croisé la dernière victime la veille de sa mort… - Quoi ? Le FBI se base sur ce genre de suppositions
vaseuses pour qualifier une personne de suspecte ? s’indigna Miss Parker,
l’air outrée par un tel affichage d’incompétence. - Le rapport n’est pas très clair sur ce point. - Quoi d’autre ? demanda d’un ton toujours aussi
froid Miss Parker, sentant que Broots avait autre chose à dire. - Le FBI a effectué une première recherche pour identifier
un homme qu’on voit parler à Rachel Timothy la veille de sa mort, et ils l’ont
identifié comme Craig Ansten. A partir de la photo, les hommes de Raines ont
cherché si cet homme avait des similitudes avec les autres victimes. Ils ont
trouvé une photo datant de 1936, où l’homme est cité nommément. Miss Parker et Sydney
échangèrent un regard. Cela posait de nouvelles questions. - Ca pourrait expliquer au moins pourquoi le choix de sept
des huit victimes. Il les connaissait probablement, et savait qu’ils étaient
comme lui. Sydney ne parut pas convaincu
par l’hypothèse émise. - Autre chose, Broots ? demanda-t-il. - Ben… Actuellement, le FBI recherche cet homme. Ils ont
d’ailleurs lancé un appel à témoin, mais devant les journalistes, ils se sont
contentés de dire qu’il ne s’agissait pas de la piste privilégiée… - Combien de pistes ont-ils ? lâcha sur un ton
dédaigneux Miss Parker. - Juste celle-là, si j’en crois les rapports de Raines. - Broots, quelle est la source de ces rapports ?
Raines a un homme à lui à l’intérieur du service du FBI ? s’enquit Sydney,
pensif. Les deux passagers de la
voiture interprétèrent le silence qui suivit par un haussement d’épaules en
signe d’ignorance, ce que Broots confirma. - Il n’y a aucune précision quant à la provenance de ces
informations. Mais Raines les prend comme argent comptant. Et… euh… certains
sont des extraits de rapports officiels envoyés à Washington. D’autres sont
simplement des notes concises qui donnent des indications sur l’évolution de
l’enquête… - Ouais, soupira Miss Parker, oscillant entre colère et
mépris. Il est probable que Raines a quelqu’un à l’intérieur. Il faut bien
dépenser l’argent du Centre… - Le Centre est en train de rechercher ce Craig Ansten, je
suppose ? dit Sydney. - Raines a mis tous ses hommes sur le coup. - Broots, vous nous appelez au moindre fait nouveau,
est-ce clair ? - Oui, Miss Park... Elle avait raccroché avant même
qu’il ait fini sa phrase. - Le seul problème, c’est que je me demande quel imbécile
expérimenté se baladerait sous son vrai nom alors qu’il a la moitié du pays sur
le dos… grogna-t-elle en démarrant la voiture. - Où allons-nous ? demanda Sydney. - J’ai loué une chambre dans l’hôtel situé juste en face
du siège du FBI à Boston. C’est le meilleur endroit pour attendre. - Et qu’attendons-nous exactement ? - Comment ça ? s’énerva Miss Parker en tournant
brusquement à droite, suivant les indications données par le GPS. - Il s’agit du projet de Raines. Nous n’avons, en plus,
aucun intérêt dans cette affaire. Donc que faisons-nous ici ? répéta
Sydney toujours aussi imperturbable. - Voyons, Sydney. Si le meurtre de Riley Vanhoven a attiré
l’attention du Centre. Comment croyez-vous que votre petit protégé aura
réagi ? - Ce n’est même pas sûr qu’il soit au courant, mentit
Sydney d’un air détaché. - Oh, je vous en prie. Ce n’est pas votre genre de le
sous-estimer d’habitude. Il est au courant. Et il est en ville. C’est
typiquement le genre de simulation dont on doit se souvenir des années après,
ajouta-t-elle, faisant référence à l’expérience effectuée par Jarod mettant en
scène Riley Vanhoven. Le FBI investissait toutes ses
ressources dans le but de retrouver ce Craig Ansten. Un appel à témoin avait
été lancé via la presse, avec la diffusion de sa photo. Matthew avait prié les
guetteurs de faire disparaître toute information – notamment et surtout les
photos – pouvant amener les chercheurs à douter de l’âge du suspect. Parallèlement, Matthew avait
inclus la liste des pseudonymes utilisés par Craig Ansten au cours de ces trois
derniers siècles, ainsi que le nom de son ancien guetteur, dans les noms à
rechercher dans les locations et autres achats d’immobiliers faits dans un
rayon de 150 kilomètres autour de chaque meurtre. Il avait réussi à faire ces
rajouts à l’insu de Grégory et de Jarod Hunter. Même s’il était pleinement
conscient que si les enquêteurs tombaient sur un de ces noms, il devrait
fournir une explication. Explication qu’il n’avait pour le moment pas… Mais les guetteurs, en dépit de
leurs ressources impressionnantes – Matthew le reconnaissait sans peine, vu ce
qu’il avait lu dans les chroniques de Craig Ansten –, n’arrivaient pas au
niveau du FBI. Et Matthew jouait une course contre la montre. Il ne pouvait
miser tout sur le réseau des guetteurs. Sans compter que malgré l’apparente
bonne volonté de Donna Scolder, il ne leur faisait toujours aucune confiance
dans cette « collaboration ». Jarod était resté enfermé dans
son bureau pendant plus d’une heure. Il avait pesé dans sa tête le pour et le
contre, évalué tous les scénarios possibles et imaginables. Et il avait
finalement pris une décision. Après un dernier instant
d’hésitation, il toqua à la porte du bureau de McCormick. Un
« entrez » peu accueillant lui répondit. L’agent du FBI était plongé
dans une impressionnante paperasse qui devait faire office de rapport
préliminaire pour Washington. Jarod avait toujours été impressionné par les tonnes
de documents qu’exigeait le bon fonctionnement de la bureaucratie du Bureau. - Du nouveau ? demanda McCormick en relevant la tête,
abandonnant néanmoins sans regret son occupation. - En quelque sorte, répondit Jarod en se forçant à se
calmer. - Comment ça ? pressa McCormick dont les vagues
réponses de Jarod paraissaient accroître la mauvaise humeur. Jarod s’assit, tirant de sa
mallette le dossier qu’il avait confectionné à partir des éléments
d’informations qu’avait pu assembler le Centre. Le dossier ne démontrait qu’une
chose : l’anormale durée de vie des victimes du tueur des sous-bois. Il parla d’une traite pour
éviter que McCormick ne l’interrompe. Il livra à l’agent du FBI toutes les
informations qu’il avait pu récolter sur les victimes. Il avait réfléchi longuement
pour en arriver à la conclusion que McCormick devait être mis au courant. Ces
renseignements pouvaient s’avérer décisifs dans la réussite de l’enquête. Et
Jarod avait décidé de faire confiance à son collègue du moment. La réaction de McCormick ne fut
néanmoins pas celle qu’il avait espérée. Même si elle aurait pu être pire.
L’agent du FBI le fixa l’air perplexe, persuadé qu’il avait perdu la raison. - Jarod, de quoi parlez-vous ? murmura Matthew
maintenant un masque d’incrédulité sur son visage alors que son cœur s’était
glacé d’effroi. Un de ses cauchemars récurrents
de ces dernières années devenait réalité sous ses yeux : le FBI découvrait
l’existence des immortels. Il s’obligea à réfléchir objectivement, refusant de
céder à ses instincts primaires qui lui commandaient de faire taire la fuite
avant que Hunter ne fasse se répandre plus ces nouvelles données. Il ne devait pas s’être déjà
confié à d’autres personnes. Le ton secret qu’il employait et sa manière d’agir
indiquaient que Matthew était le premier mis dans la confidence. Bon, tout
n’était pas encore perdu. - Je sais que ça semble incroyable, mais c’est la réalité,
continuait Jarod, apparemment inconscient du danger dans lequel il venait de se
fourrer. Regardez… Jarod lui tendit des photos. Elles
représentaient six des victimes à différentes époques depuis les années 30 à en
juger par la mode vestimentaire de certaines. Il y avait aussi des mini-mémos
sur la vie de ces victimes depuis le début du siècle pour certaines. Cela rappela automatiquement à
Matthew les guetteurs. Mais Jarod ne faisait pas partie de cette organisation.
Il n’avait pas de tatouage. Et surtout, si jamais il avait, un jour, été un
guetteur, il aurait su que Matthew était un immortel. Non que Matthew crut que
les guetteurs connaissaient l’identité et le visage de tous les immortels
répertoriés dans leurs fichiers, mais Jarod aurait plutôt d’abord tenté de
renouer ses anciens contacts avant d’en créer de nouveaux, qui plus est, avec
son concurrent direct sur l’affaire. Et une chose en entraînant une autre… Les guetteurs étaient encore
perdants. Jarod ne connaissait rien de
leur organisation. Matthew se demanda pour la
énième fois qui pouvait bien être cet étrange enquêteur, et, surtout, d’où il
savait ce qu’il venait de déclarer. - Des montages, de la famille… murmura Matthew en
repassant une nouvelle fois les photos. Où avez-vous trouvé ça ? - J’ai fait des recherches, répéta Jarod, toujours aussi
flou. - Des recherches où ? insista Matthew d’une voix où
perçait une pointe d’énervement devant tant de mystère. - On a tous notre truc, non ? déclara Jarod en
prenant un air enthousiaste. Au regard que lui lança son
collègue actuel, il devina que ce dernier ne partageait pas son avis sur la
question. - Jarod, à quoi est-ce que vous jouez ? - Je vous demande pardon ? - Vous débarquez dans mon bureau pour me servir une
histoire à dormir debout et vous vous refusez à dévoiler vos sources ?
Vous croyez être qui ? Vous vous croyez où ? Si vous avez besoin d’un
rafraîchissement de mémoire, vous êtes au FBI et cette affaire est sérieuse. Il
s’agit d’un excellent synopsis pour un bouquin de science-fiction, je vous le
concède, mais je goûte très peu à ce genre de plaisanterie. Vous tenez à ce que
je passe un coup de fil à Washington ? Le ton de McCormick était
cassant, presque méprisant. Il était passé en mode défensif. La lueur que Jarod
lut dans ses yeux ne lui plut pas du tout. Il avait eu du mal à cerner la
personnalité du profiler, mais il avait pensé y être enfin arrivé. Il s’était trompé.
La menace d’un appel à Washington le fit hésiter à persister dans cette voie.
McCormick semblait totalement sourd à son hypothèse. Il fit une dernière
tentative. - Le plus important, c’est d’arrêter l’homme qui les tue. - Si ces gens sont immortels, comment se fait-il qu’on les
retrouve morts ? lâcha, comme s’il tentait de raisonner un gamin
capricieux, l’agent du FBI. - Je suppose que la décapitation doit les tuer, affirma
Jarod. Il avait beaucoup réfléchi sur
le sujet. - Dissocier la tête du corps est une blessure impossible à
guérir. McCormick poussa un long soupir,
s’enfonçant plus profondément dans son siège. - Vous avez gagné. J’appelle Washington, déclara-t-il sur
un ton froid rivant son regard à celui de Jarod. L’homme frémit intérieurement,
mais offrit une expression parfaitement neutre à son « collègue ». Sa
couverture allait voler en éclat dès le moment où McCormick aurait ses
supérieurs au bout du fil. Il allait devoir continuer l’enquête de son côté
avec ses propres ressources. Et surtout, il devait quitter le bâtiment fédéral
avant que McCormick passe son coup de téléphone. Il préféra donc battre en
retraite. - Très bien. Je serais dans mon bureau, annonça Jarod en
se levant. Il n’adressa même pas un regard
à l’agent du FBI alors qu’il sortait. Il prit la direction de son
bureau pour aller récupérer son ordinateur portable – il y avait dessus
quelques informations qu’il ne souhaitait pas partager avec le FBI –, quand il
fut arrêté par une jeune femme. - Excusez-moi, vous êtes l’agent Hunter, n’est-ce
pas ? - Oui… - Agent Roark. Euh… J’ai un homme au bout du fil qui
voudrait parler à un des responsables de l’enquête sur le tueur des sous-bois.
Je n’arrive pas à mettre la main sur Grégory, vous pouvez prendre
l’appel ? Jarod hésita un instant. Si
McCormick était en ce moment-même au téléphone avec Washington… Il saisit
néanmoins le combiné que lui tendait la jeune femme, la remerciant d’un
sourire. - Agent Hunter, en quoi puis-je vous aider ?
demanda-t-il en reprenant la direction de son bureau. - Je… Vous vous occupez de… euh… l’enquête sur le cinglé
qui décapite des gens avec une épée ? articula avec difficulté une voix
hachée au bout du fil. - C’est exact, monsieur, répondit d’une voix posée Jarod,
s’interrogeant sur l’état autant mental que physique de la personne à qui il
était en train de parler. - J’ai… euh… vu le portrait d’un gars que vous recherchez
à la télé tout à l’heure… Et… Je viens de le croiser… Je suis sûr que c’était
lui… C’était la même tête… Jarod plissa les lèvres. Quel
crédit accorder à un tel informateur ? L’homme était à l’évidence soit
bourré, soit drogué. Il fut tenté de raccrocher. Mais une dernière pensée
l’arrêta : c’était son unique piste. Et il allait bientôt ne plus disposer
des ressources du FBI en la matière. Il ne perdrait rien à écouter l’homme. - Où l’avez-vous vu ? - Me baladais… euh… au sein des entrepôts du nord-est de
la ville. Il rentrait dans un grand hangar. Numéro 49. Il a pas fait attention
à moi… - Très bien monsieur. Nous allons nous en occuper. Je vous
remercie de votre appel… - Oh mais vous savez… C’est à cause de mon père. L’était
flic et… Avec un léger remord, Jarod lui
raccrocha au nez. Il devait sortir d’ici au plus vite. McCormick ne devait pas avoir encore passé son coup de fil
car il traversa les bureaux sans être inquiété. Il prit l’ascenseur, croisant
Grégory qui revenait, chargé de deux cartons remplis de paperasse. - Vous venez vous amuser avec moi ? lança-t-il à
Jarod. Ce dernier déclina l’offre en
souriant, lui souhaitant bon courage. Il sortit par devant. Il avait
garé sa voiture dans une ruelle attenante. Il jeta un dernier coup d’œil aux
notes qu’il avait griffonnées à la va-vite avant de quitter son bureau –
« hangar 49 Nord-est » -, avant de fourrer le papier dans une de ses
poches. Il allait vérifier lui-même la pertinence de cette information. - Bingo ! s’exclama au même instant une jeune femme,
installée à la fenêtre d’une chambre d’hôtel, sa paire de jumelles suivant la
silhouette familière qui venait de sortir du siège du FBI. Voilà votre petit
protégé… Elle attrapa son sac à main, et
sortit précipitamment. Sydney n’eut que le temps de sauter sur ses pieds pour
se lancer à sa poursuite. Alors qu’ils descendaient quatre à quatre les marches
de l’unique étage, le psychologue demanda : - Qu’allez-vous faire ? - Je suis persuadée qu’il va nous mener à ce Craig Ansten.
Je veux avoir ce gars avant Raines. - Et le FBI ? Miss Parker pesta alors qu’ils
débouchaient sur l’avenue et s’engouffraient dans leur voiture, garée sur un
espace de livraison. - Jarod était seul. Peut-être la curiosité est-elle plus
forte cette fois-ci… railla-t-elle en démarrant. Imaginez. Ce gars était déjà
adulte en 1936 ! La voiture de Jarod s’engouffra
dans la circulation à une vingtaine de mètres d’eux. Miss Parker se permit un
sourire carnassier alors qu’elle s’engageait, elle-aussi, entre les voitures. Matthew reposa le combiné du
téléphone en poussant un profond soupir. Il ne savait pas si c’était une bonne
ou une mauvaise nouvelle. Il n’existait aucun Jarod Hunter au sein des
effectifs du FBI. Et Washington en était seulement à envisager l’envoi d’un
nouvel enquêteur pour renforcer ses troupes de Boston. Qui était l’homme qui s’était
fait passer pour un profiler de Los Angeles pendant deux jours ? Et
comment avait-il réussi à donner aussi bien le change ? Et à organiser
parfaitement son arrivée ? Matthew jura, se maudissant de
n’avoir pas dormi de la nuit. Il était trop éreinté pour réfléchir sur ce
mystère supplémentaire qui venait se greffer à une affaire qui n’en manquait
déjà pas. La non-affiliation de Jarod
Hunter – ou qui qu’il soit – au FBI pouvait constituer une bonne
nouvelle : ce n’était pas encore aujourd’hui que le FBI percerait le
secret des immortels. Mais l’homme devenait alors un facteur totalement
inconnu. Travaillait-il en solo ? Ou, dans le cas contraire, quels étaient
ses employeurs ? Et surtout, quelles étaient ses motivations ? Il se leva précipitamment,
saisi d’une soudaine intuition. - Grégory, où est l’agent Hunter ? demanda-t-il en
arrêtant son collègue au milieu du couloir. Ce dernier lui répondit par un
haussement d’épaules. - Je l’ai vu prendre l’ascenseur il y a cinq minutes. Il a
dû descendre chercher un truc aux archives… Matthew retint une grimace de
désagrément. Il avait prévenu Hunter qu’il allait téléphoner à Washington.
Hunter n’allait évidemment pas l’attendre. Il allait entrer dans le bureau
qu’ils avaient alloué au soi-disant agent de Los Angeles, histoire de vérifier
si ce dernier n’avait rien oublié dans la précipitation de son départ, quand
son portable sonna. C’était Donna Scolder. - McCormick, dit-il en décrochant. - Mike Rivers loue depuis deux mois un entrepôt au
nord-est de Boston. Le numéro 49. Matthew resta un instant sans
voix, étonné de la vitesse avec laquelle les guetteurs avaient trouvé
l’information alors que les ordinateurs du FBI en étaient encore à trier les
tonnes de données qui leur étaient soumises. - Comment l’avez-vous trouvé ? demanda-t-il, ne
parvenant pas à se départir de son ton suspicieux. - Il a utilisé l’argent d’un compte que nous lui
soupçonnions de posséder sans en avoir de preuve formelle. Il est probable que
vos ordinateurs ne tarderont pas à tomber dessus si vous avez inclus son nom
aux recherches. - Ok, soupira Matthew en engrangeant l’information. Je
vous rejoins là-bas. - A tout de suite, répondit Donna avant de raccrocher. Un instant, Matthew hésita à
écarter le reste de son équipe de ce cas. Un des tueurs était immortel, mais
les autres non. Devait-il les soustraire à la justice d’Etat et faire office de
juge ? Il chassa ses derniers doutes d’un geste, plaçant son revolver à sa
ceinture. Le FBI ne serait pas impliqué. Et de toute manière, comme l’avait
déclaré Donna, leurs ordinateurs tomberaient bientôt sur l’entrepôt. L’entrepôt 49 se situait dans
un quartier industriel du Nord-est de Boston. Le trajet prit une vingtaine de
minutes. Il aurait pu être plus court si Jarod l’avait voulu et avait mis en
marche son gyrophare. Mais il ne voulait pas attirer l’attention. Au point où
il en était, quelques minutes de plus ou de moins ne feraient guère de
différence. Et l’information n’avait pas été transmise par quelqu’un
d’apparemment très fiable. S’il n’avait pas été aussi
concentré sur son objectif, il se serait probablement rendu compte qu’une
discrète voiture grise ne l’avait plus quitté depuis le siège du FBI. Miss
Parker était une personne compétente. Et Jarod, trop absorbé dans une profonde
réflexion sur les ramifications de l’enquête et par sa frustration devant la
désagréable réaction de McCormick, ne surveillait pas ses arrières avec la même
minutie qu’à l’accoutumée. Il arriva enfin devant un grand
bâtiment, semblable à ceux qui l’entouraient, sur lequel était inscrit à la
peinture blanche, à demi-effacée, le chiffre 49. Il le dépassa comme si de rien
n’était et arrêta son véhicule deux blocs plus loin. Miss Parker, qui avait laissé
une plus grande distance entre eux depuis qu’ils avaient tourné dans ce
quartier industriel peu fréquenté, pu stopper sa voiture derrière un imposant
camion de transport sans trahir leur filature. Puis elle la gara à côté de
celle de Jarod. - Je suis sûre qu’il va nous mener jusqu’à Ansten,
lâcha-t-elle à Sydney, en armant son revolver alors qu’ils sortaient du
véhicule. - Et si c’est effectivement le cas ? s’enquit Sydney,
quelque peu circonspect devant l’inhabituel manque de pragmatisme de la jeune
femme. Pourtant, lui-aussi n’aspirait
qu’à une seule chose pour le moment : rencontrer ce Craig Ansten. Un homme
qui était déjà adulte avant le début de la seconde guerre mondiale – et qui
sait combien de temps avant ? – et qui n’avait pas vieilli d’une année
depuis lors. Mais cette excitation légitime ne devait pas leur faire perdre de
vue l’autre point essentiel de l’affaire : ce Craig Ansten, aussi
fascinant qu’il puisse être, était un meurtrier. Il avait déjà probablement tué
de sang froid huit personnes, et pas uniquement des personnes comme lui.
C’était un homme dangereux. Un psychopathe envers lequel il ne fallait montrer
aucune inclination si l’on tenait à sa vie. - On avisera en temps voulu. Mais imaginez un peu la tête
de Raines, si je ramène non seulement Jarod, mais aussi l’homme sur lequel il a
lancé tous ses larbins ? Elle sourit par anticipation. Jarod avait maintenant pénétré
à l’intérieur d’un des bâtiments. Celui désigné sous le numéro 49. Vu la
manière dont Jarod avait agi pour y entrer, Sydney pouvait deviner que Miss
Parker avait vu juste : il les conduisait à Craig Ansten. Alors qu’il suivait Miss
Parker, négligeant d’un signe de tête, l’arme qu’elle lui tendait, Sydney
s’interrogea vaguement sur l’attitude de Jarod. Cela ne lui ressemblait pas de
faire cavalier seul dans une affaire de ce genre, en sachant ce qui l’attendait
à l’intérieur de l’entrepôt. En temps normal, il aurait dû collaborer avec le
FBI… Sydney soupira et préféra laisser ces pensées à plus tard. Matthew n’avait cessé de se
poser des questions sur l’homme qui avait joué son coéquipier durant les
dernières vingt-quatre heures depuis qu’il avait quitté le bureau. Le système de
navigation GPS de sa voiture avait rapidement identifié le lieu indiqué par
Donna Scolder, et Matthew avait conduit sans penser à Craig Ansten. Alors qu’il garait sa voiture à
une centaine de mètres de l’entrepôt en question, il se força à revenir à l’instant
présent. Ce n’était pas le moment de laisser son esprit vagabonder. Il devait
se concentrer sur le problème actuel. Une chose à la fois. Donna Scolder était appuyée sur un petit muret. Elle
s’était changée et portait désormais un pantalon et une veste, qui formaient un
ensemble noir, accentuant la pâleur de sa peau. Elle était en train de
téléphoner lorsque Matthew la rejoignit. Collaboration jusqu’au bout,
songea l’immortel, appréciant modérément l’idée. - Très bien, déclara-t-elle à son interlocuteur. Ce sera
fait. Tout est sous contrôle, pas d’inquiétude, Karl. Elle marqua une pause. L’homme
devait parler à l’autre bout du fil. Elle salua Matthew d’un léger signe de
tête, levant un doigt pour lui demander de patienter un instant. - Il fallait y penser avant. Je peux gérer ça seule. Je ne
veux pas de Martha dans les pattes. Je suis sérieuse, Karl. Je dois y aller.
Transmets le message. A bientôt. Elle raccrocha en poussant un
long soupir. - Il était déjà comme ça quand on était marié,
grommela-t-elle, ouvertement exaspérée. Il est probable qu’on doit s’attendre à
l’arrivée de renforts dans pas longtemps… Elle parut réfléchir un
instant, et ajouta : - Si Mike Rivers est effectivement mêlé à tout ça, le
Tribunal a prononcé sa peine de mort. - Vous gérez votre personnel comme vous l’entendez…
déclara, d’un ton distant, Matthew, néanmoins ravi d’entendre cette nouvelle. Comme il allait se diriger vers
l’entrée de l’entrepôt, Donna reprit : - Quand je suis arrivée, deux personnes y entraient. Un
homme et une femme. Ils ont garé leur voiture prés de la voiture rouge, là-bas.
Elle appartient à l’agent Hunter. Matthew l’avait reconnue au
moment où Donna avait tendu le bras dans la direction où se trouvaient les deux
voitures. Les inquiétudes de Matthew sur Jarod ressurgirent immédiatement. De
nouvelles interrogations le concernant s’ajoutaient aux précédentes… Un
instant, il fut tenté de les partager avec Donna. Mais après un temps
d’hésitation, il préféra écarter cette possibilité. Il ne voulait pas voir les
guetteurs se mêler de cette affaire. Il suivit Donna qui était déjà partie vers
l’entrée. - L’autre véhicule est une voiture de location. Des
recherches sont en cours pour savoir qui l’a louée, continuait-elle. Elle s’arrêta devant la porte
coulissante et tira de sa ceinture un petit revolver. - Au fait, murmura-t-elle tandis que Matthew ouvrait avec
précaution la porte, j’ai l’autorisation de tuer Craig Ansten. - C’est bon à savoir, lâcha Matthew en s’engouffrant
prudemment dans la place. De grandes vitres qui n’avaient
pas été nettoyées depuis longtemps, situées en hauteur, constituaient l’unique
source de lumière. Il entendit Donna refermer la porte derrière elle. Sydney commençait à être
vraiment nerveux. Ils avançaient quasiment à l’aveuglette. Miss Parker
paraissait plus décidée que jamais à faire un magnifique coup double, en
attrapant, et Jarod, et Ansten. Elle en oubliait presque les risques qu’ils
étaient en train de courir. Sydney maudit une nouvelle fois l’esprit ambitieux
et tortueux de la jeune femme, alors qu’il la suivait dans de nouveaux
escaliers. Brusquement tout s’emballa. En
haut des marches surgit un homme d’une quarantaine d’années, une arme à la
main. - Hey ! s’exclama-t-il. Qui êtes-vous ? Ne
bougez plus ! Miss Parker fut plus rapide que
lui, et, avant même que l’homme puisse faire un geste, elle tira. L’homme
s’effondra, tué net. - Et merde, jura Miss Parker en atteignant le haut des
escaliers en courant. Autour d’eux, des bruits de pas
claquaient sur le sol métallique. Les cris avaient donné l’alerte. - Sydney ! Attention ! s’écria Miss Parker en
pointant son revolver derrière le psychologue. Ce dernier eut juste le temps
de se retourner pour voir deux hommes qui venaient de déboucher au bout du
couloir. Miss Parker tira sans sommation. Ils ne parvinrent qu’à tirer une
seule fois en retour avant de tomber sous les balles de la jeune femme qui
vidait son chargeur sur eux. Sydney déglutit avec peine.
Miss Parker venait de tuer trois hommes sous ses yeux. Pourquoi avait-il écouté
les folles ambitions de cette dernière ? - Bons réflexes, murmura-t-il tandis que sa coéquipière
rechargeait son arme. - Oui, je dois bien l’admettre, déclara une voix dans
leurs dos. Je vous déconseille de faire le moindre geste, ajouta-t-elle
précipitamment. Sydney entendit distinctement
le bruit d’un revolver qu’on arme. - Posez lentement votre revolver par terre. Pas
d’initiative stupide, je vous en prie. Etait-ce Ansten ? se
demanda Sydney. A côté de lui, Miss Parker obtempéra à regret. - Donnez un coup de pied dedans, ordonna l’homme d’une
voix toujours aussi froide. Miss Parker s’exécuta après un
instant, en poussant un long soupir. A une dizaine de mètres
au-dessus de la scène, Jarod, aplati dans l’ombre, avait cessé de respirer. Il
avait été témoin de toute la fusillade. Il était partagé entre sa
colère de découvrir que le Centre l’avait suivi jusqu’ici sans qu’il s’en rende
compte et son inquiétude pour Sydney, et, malgré tout, pour Miss Parker. Sans bouger, il compta combien
d’hommes restaient debout. Trois. Dont Craig Ansten. - Chris, va voir s’ils n’ont pas des amis qui se
baladeraient dans le coin, ordonna l’homme qui tenait en joue Sydney et Miss
Parker. Le dénommé Chris s’exécuta sans
discuter. Ansten restait en retrait, un léger sourire flottant sur ses lèvres. Donna se raidit brusquement en
entendant les coups de feu résonner dans l’entrepôt. McCormick, un mètre devant
elle, s’était lui-aussi arrêté. Ansten avait dû rencontrer ceux
qui les avaient précédés à l’intérieur. Donna se demanda qui était encore en
vie après cette fusillade. Dans cette pénombre ambiante, elle ne pouvait rien
distinguer avec précision. De toute manière, ils devaient être trop loin d’eux. McCormick scrutait lui-aussi
les ombres, suivant probablement une ligne de pensées similaire. - La fusillade va probablement alerter tout le monde.
Soyez encore plus sur vos gardes, murmura-t-il. Donna dût faire un effort pour
éviter de rétorquer à McCormick qu’elle savait parfaitement ce qu’elle avait à
faire. Jarod suivit des yeux Chris qui
venait de prendre un escalier pour gagner les hauteurs. Il était encore un
niveau au-dessous de Jarod. Il fallait profiter de son isolement pour le mettre
hors-jeu. Il ne resterait ensuite à Jarod qu’à s’occuper d’Ansten et de son
acolyte. Sans bruit, il se laissa
glisser sur la rambarde en dessous de lui. A tâtons, sa main saisit une barre
métallique. Il allait devoir employer les grands moyens. Chris avançait avec précaution
le long du couloir, se détendant au fur et à mesure, de plus en plus persuadé qu’il
ne devait pas y avoir d’autres intrus. Il passa à côté de la cavité dans
laquelle s’était fondu Jarod. Il lui tournait le dos. Sans hésiter, Jarod
abattit la barre sur la nuque de l’homme. Ce dernier n’eut aucune réaction. Il
tomba sur le sol, inconscient. Avec un soupir, Jarod entreprit de le ficeler de
manière à le mettre hors-jeu définitivement. Il ramassa l’arme de Chris.
Elle pourrait lui être utile. Puis se dirigea vers le fond de l’entrepôt, où il
avait vu disparaître Ansten et les autres. - Ils sont tous morts, déclara Donna, le doigt toujours
posé sur la gâchette en retirant sa main du cou du dernier des cadavres sur
lesquels ils venaient de buter. - Des hommes d’Ansten ? demanda McCormick sans poser
une réelle question. La réponse était évidente pour
tous les deux. Ni Ansten, ni Rivers ne figuraient parmi les morts. - Reste à savoir comment tout ça s’est fini, dit Donna en
se redressant. Miss Parker et Sydney avaient
été conduits dans une sorte de cour qui menait au toit de l’entrepôt. Ils avaient
été menottés à un gros tuyau. La jeune femme paraissait fulminer de rage.
L’homme qui semblait à la tête de l’opération et Ansten étaient penchés sur des
cartes et discutaient à mi-voix. Jarod descendit lentement le
long d’un escalier après avoir composé un numéro sur son portable. Il ne
voulait pas les tuer. En les surprenant, il devrait parvenir à les maîtriser
sans avoir besoin de recourir à de telles extrémités. Matthew plongea avec énervement
sa main dans une de ses poches pour arrêter son portable. Il avait été bien
inspiré de le mettre en mode vibreur. Il s’immobilisa en découvrant l’identité
de l’appelant. Après un instant d’hésitation, il appuya sur le bouton vert pour
prendre l’appel, faisant signe à Donna de se baisser et d’attendre. Jarod ignorait malheureusement
l’existence des trois détecteurs de mouvements installés sommairement, quelques
jours auparavant, dans trois des passages existants pour atteindre la cour.
Aucune alarme n’avait été placée sur l’escalier principal. La montre d’Ansten se mit à
clignoter, vibrant légèrement. L’immortel se détourna avec nonchalance des
plans. Si Chris avait été de retour, il serait passé par l’escalier principal.
La personne qui venait de déclencher l’alarme se situait sur l’échelle arrière.
Lui tournant toujours le dos, Ansten plaça son revolver à sa ceinture, plaqué
contre son ventre. L’intrus devait avoir prévu de leur sauter dessus alors
qu’ils étudiaient les cartes. Bon plan. Mais il était plus intelligent que ça…
Un léger rictus d’autosatisfaction déforma un instant le visage d’Ansten. Miss Parker avait vu Ansten
s’écarter du bureau improvisé avec surprise. Sa montre émit un court instant
une lumière rouge avant qu’il ne l’éteigne d’un geste. Elle le vit préparer son
arme. Son sang se glaça alors qu’automatiquement son regard se portait sur
l’endroit auquel Ansten tournait le dos. Sa prédiction se réalisa quand elle
vit Jarod sauter sur l’homme penché sur les plans. - Attention à Ansten ! hurla-t-elle en tirant avec
rage sur ses liens. Jarod avait à l’évidence bien
calculé son coup. A l’exception de l’alarme qu’il avait dû déclencher à un
moment, prévenant ainsi Ansten de son arrivée. Ce dernier se retourna au moment
où elle criait, le revolver à la main. Jarod tira dans sa direction en même
temps que lui. Le Caméléon grimaça en retenant
un cri alors qu’il tombait à la renverse, l’épaule touchée. Il avait lui-aussi
réussi à toucher Ansten. Mais l’immortel n’avait qu’une légère blessure au bras
gauche. Rivers, remis de sa surprise, avait retrouvé tous ses moyens et sorti
son arme. Il la pointa sous le nez de Jarod, un sourire triomphant aux lèvres. - On ne bouge plus, déclara-t-il sur un ton mortellement
calme. Ansten avait relevé la manche
de sa chemise avec un air agacé. La blessure était superficielle mais
douloureuse. Elle se résorba rapidement. - Oh mon Dieu… lâcha Miss Parker en dévisageant avec
stupéfaction l’endroit où se trouvait il y a encore quelques secondes la
blessure, son esprit rationnel refusant de croire au miracle auquel elle venait
d’assister. - Croyez-moi, affirma Ansten, Dieu n’a strictement rien à
voir avec ça. Le sang qui souillait la manche
droite de la chemise restait la seule preuve certifiant de l’existence éphémère
de la blessure. - Agent spécial Jarod Hunter, FBI, se présenta Jarod
masquant avec plus de succès que Miss Parker, la curiosité et la fascination
générées par le spectacle auquel il venait d’assister. - FBI ? répéta Ansten. Oh, inutile de me faire croire
que la cavalerie va arriver. Si le FBI était au courant, je le saurais. Il avait souri en parlant. - Alors, comme ça, vous faîtes cavalier seul ?
continua-t-il, ouvertement amusé. L’ambition est une des pires tares humaines… - Debout, ordonna Rivers, agitant son revolver. Avec difficulté, Jarod
s’exécuta. La douleur à son épaule était supportable. Aucune artère principale
ne devait avoir été touchée. Les deux hommes ne se formalisèrent pas de sa
blessure. Ansten sortit d’une de ses poches une paire de menottes. - J’ai finalement fait une bonne affaire en les achetant
dans cette quincaillerie, commenta-t-il en les passant sans douceur à Jarod. - Lamentable tentative de sauvetage, lâcha Miss Parker sur
un ton dédaigneux. - Quel sauvetage ? s’enquit Jarod, avec une innocente
feinte. Elle poussa un long soupir
d’exaspération, se demandant comment ils allaient réussir à se sortir de là.
Jarod ne leur serait plus d’un grand secours. Et le FBI ignorait l’existence de
cet entrepôt. Tout comme le Centre d’ailleurs. Jarod se pencha légèrement en
arrière, pour soulager son épaule. Il se força à se re-concentrer sur Ansten et
son acolyte. - Les gens que vous tuez sont comme vous… dit-il en fixant
Ansten. Pourquoi est-ce que vous les décapitez ? Ansten se permit un sourire
confiant. - Je n’ai tué personne, affirma-t-il tranquillement. Jarod plissa les lèvres,
frustré. Il devait les faire parler. - Qu’est-ce que vous êtes exactement ? Ansten revint vers lui. Leurs
regards se croisèrent. - Mais je suis immortel, déclara-t-il en continuant
d’avancer. Je ne peux pas mourir. - Sauf si on vous décapite, objecta Jarod. - Nous agissons au nom de Dieu, agent Hunter, intervint
l’autre homme, Ansten se prenant soudain d’intérêt pour les plans toujours
posés sur la table. Vous n’imaginez pas l’univers qui est dissimulé dans
l’ombre. Les immortels sont des créatures du Mal. Il faut les renvoyer à
Satan ! s’écria-t-il. Miss Parker et Sydney
échangèrent un regard inquiet. Cet homme était à l’évidence dérangé. - Votre ami est pourtant l’un d’eux, s’étonna à mi-voix
Jarod. - Je veux sauver mon âme et ainsi me racheter devant Dieu,
déclara sur un ton morne l’intéressé. Aucun des trois prisonniers ne
crut un instant à ce que venait d’affirmer Ansten. L’autre homme semblait
cependant ne pas avoir de doute quant aux motivations de l’immortel. Ansten
était le manipulateur ici. Il contrôlait tout indirectement. Jarod décida de revenir à la
charge. - Vous avez tué un mortel la dernière fois pourtant. - Et pas seulement cette fois-là. Mais ces satanés
chasseurs ont débarqué avant qu’on ait pu embarquer le corps. Vous voyez, agent
Hunter, ces gens-là observent, observent, et observent. Ils notent tout dans
leurs chères chroniques. Mais ils ne font rien d’autre. Rien pour nous aider
dans cette croisade ! Jarod était à présent perdu.
Les propos tenus par l’homme paraissaient incohérents. Il se souvint néanmoins
des recherches de McCormick pour déterminer si d’autres personnes avaient été
tuées sur les différents lieux des crimes. Ils avaient eu des résultats plutôt
concluants, même s'ils n’avaient pas su quoi en faire. Matthew avait fait passer la
conversation sur haut-parleur, de façon à ce que Donna puisse, elle-aussi, la
suivre. Elle s’était crispée au fur et à mesure, grimaçant en entendant un des
hommes parler de sa « croisade ». Ce devait être Rivers. - Ansten se fout de sa tête, commenta-t-il, pensif. - Rivers est complètement malade. On croirait entendre
Horton… Comment a-t-il pu échapper aux Purges ? murmura-t-elle, écœurée.
Hunter a été stupide de penser les avoir tout seul. Et maintenant, il sait. Le
FBI sait. - Il savait déjà avant de venir ici, lâcha à regret
Matthew, craignant la réaction devant cet aveu. - Quoi ? s’étrangla-t-elle. - Il m’en avait parlé juste avant de partir. Il était très
bien informé, et ses sources ne provenaient pas du FBI. - Il est peut-être de mèche avec les deux autres. Quels
imbéciles tous autant qu’ils sont ! jura-t-elle à nouveau. - On ne peut guère plus avancer sans qu’Ansten ne sente ma
présence, réfléchit à voix haute Matthew. Il pensera que je suis seul. - Rivers est à moi, rappela Donna. - Et Ansten à moi. - De toute manière, quoiqu’il advienne, j’ai
l’autorisation de le décapiter. Et les renforts ne devraient pas tarder. - Mais il n’est pas question de les attendre. Vous savez
vous servir de votre pistolet ? Le regard de Donna le
transperça avec un dédain évident. - Je déteste me charger inutilement, rétorqua-t-elle avec
froideur. Oui, je sais m’en servir. - Excellent, déclara Matthew, regrettant sa rudesse. Pour le moment, Donna ne lui
avait jamais fait faux bond. - Voilà ce que nous allons faire, dit-il en raccrochant
son portable. Ansten fronça les sourcils en
sentant la présence d’un des siens. Qu’est-ce qu’un immortel faisait ici ? - On a de la compagnie, annonça-t-il en se redressant. Sa main se porta à son épée qu’il
avait posée contre le mur. Rivers s’essuya nerveusement les mains, comprenant à
quelle sorte de « compagnie » Ansten faisait référence. Matthew McCormick descendit les
escaliers avec souplesse et nonchalance. Il ne tenait aucune arme à feu, les
mains dans les poches. - Le FBI à nouveau, salua ironiquement Craig Ansten. Vous
avez déjà perdu un des vôtres, je crois… Il désigna Jarod avec un air
triomphant. - Il n’est pas réellement du FBI, corrigea Matthew avec un
certain détachement, faisant désormais face aux deux tueurs. Ansten et Rivers. Une belle
paire de malades mentaux, songea-t-il. Jarod avait grimacé devant la
déclaration de son « collègue ». Il était percé à jour. Sa couverture
avait dû exploser quand Matthew avait appelé Washington. Il s’exclama néanmoins : - C’est fini. Le
FBI arrive. Vous allez payer pour vos crimes. Et vous allez pouvoir voir
ce que c’est que les prisons dans le coin… - En prison ? répéta avec incrédulité Miss Parker. Ce
gars est immortel. La prison ne fera rien à son esprit complètement
malade ! Ansten ne releva pas la tirade
de la jeune femme. Il ne quittait pas Matthew des yeux, cherchant à deviner ce
qu’il pouvait bien avoir en tête. - Je suis sûr que le FBI n’est même pas au courant,
railla-t-il, n’est-ce pas McCormick ? Matthew se permit un sourire ironique. - Exact. Mais les guetteurs si. Mike Rivers faillit s’étrangler
en entendant le nom de ses anciens employeurs mentionné. Il avait brusquement
pâli. Miss Parker, Sydney et Jarod
étaient à nouveau perdu. Tandis que les deux employés du Centre dévisageaient
Matthew, attendant plus d’informations de la part de l’agent du FBI, Jarod
réfléchissait à toute vitesse. Le compagnon d’Ansten avait mentionné plus tôt
« ceux qui observent »… Cela pouvait correspondre à ces
« guetteurs ». Mais comment Matthew était-il au courant ? Alors
qu’il lui avait ri au nez quand Jarod était venu le voir pour lui révéler
l’existence des immortels… Jarod eut un mauvais pressentiment. Matthew était-il
un de ces « observateurs » ? Ansten était toujours aussi
calme. - Il n’y aura pas d’arrestation, je le crains, cher agent
Hunter ou qui que vous soyez… déclara-t-il en levant son revolver à hauteur de
Jarod. Il allait tirer quand un coup
de feu claqua. Ansten s’effondra, tué net. Un deuxième coup de feu retentit
avant même que Rivers ne puisse réagir. Il gémit en entendant son fémur se
briser sous l’impact. Il tomba à la renverse. Donna Scolder descendit les
dernières marches de l’escalier, sortant de l’ombre, l’arme encore fumante à la
main. Elle s’avança vers Rivers tandis que Jarod reconnaissait la femme qu’il
avait croisée le matin-même dans le bureau de Matthew. Elle s’arrêta à une quarantaine
de centimètres d’un Rivers se tordant de douleur, tenant à pleines mains sa
jambe touchée. Son visage était sans expression. Elle dévisagea un instant
l’ancien guetteur qui poussait toujours des geignements pitoyables. - Mike Rivers, au vu des faits qui lui ont été rapportés,
le Tribunal vous condamne à mort pour haute trahison, déclara-t-elle d’une voix
parfaitement maîtrisée. Elle tira sans ciller. Une
balle en pleine tête. Mike Rivers n’était plus. Donna se détourna sans plus
d’émotion. Les trois prisonniers étaient
maintenant stupéfaits. Dans leurs têtes, se bousculaient questions sans réponse
et inquiétude. Matthew n’avait pas réagi à l’exécution qui venait d’avoir lieu
sous leurs yeux. Jarod grimaça. Son intuition
semblait se confirmer. - Il va ressusciter, prévint Miss Parker. La jeune femme avait de plus en
plus de mal à demeurer stoïque. Donna se tourna avec une lenteur calculée vers elle. Elle
lui lança un regard mortel. Son téléphone vibra dans une de
ses poches. C’était Sam. Elle décrocha immédiatement. - Donna ? Ca va ? Tout se passe bien ?
demanda la voix un peu hésitante du jeune guetteur. - Tout va bien, répondit-elle sur un ton neutre. Tu as mes
informations ? - Oui. La personne qui a loué la voiture est une certaine
Miss Parker, affiliée à une entreprise, si on peut appeler ça comme ça,
désignée sous le nom du Centre. C’est un gros poisson, du genre « les lois
sont faites pour être contournées ». La sécurité a un dossier conséquent
sur eux. Ils ont suivi la piste du tueur des sous-bois. Et pire, ils sont au
courant du caractère étonnant des victimes. - OK. Je vois… murmura Donna d’une voix pensive. Merci
Sam. Elle raccrocha et se tourna à
nouveau vers les trois intrus. - Miss Parker, je présume ? déclara-t-elle toujours
aussi froide. - Vous présumez bien, lui répondit sur un ton égal cette
dernière. - Le Centre ne devrait pas se mêler de ce genre d’histoire. Miss Parker et Sydney retinrent
leur souffle, leur tension montant encore d’un palier. Qui était cette
femme ? Ils ne les détachaient toujours pas. McCormick, qui était sensé
être un agent du FBI, ne semblait pas plus décidé que la femme. Il surveillait
la scène avec calme, principalement concentré sur le cadavre d’Ansten. Donna s’approcha un peu plus de
Miss Parker. Leurs regards se rivèrent. - Il ne faut pas jouer sur des terrains que l’on ne
maîtrise pas, affirma Donna. Ce n’est pas prudent. Tout à coup, le corps d’Ansten
fut agité de soubresauts. Il inspira une grande bouffée d’air frais et ouvrit
les yeux. Après un instant d’égarement, il sauta sur ses pieds. Son regard
balaya la cour, enregistrant la moindre information. - Mon Dieu, laissa échapper Miss Parker du bout des
lèvres. L’attention d’Ansten passa du
cadavre de Rivers à Donna. Un sourire apparut sur ses lèvres. - Quel dommage pour ce pauvre fou… Il était trop
facilement manipulable. Il marqua une pause, puis
interpella directement Matthew. - Vous savez, je n’ai tué personne. Il n’y a eu aucun
quickening sur les scènes des crimes… Vous voulez m’arrêter ? crut-il bon
d’ajouter avec une ironie évidente. Matthew tira une épée de son
pardessus. Ses yeux se reportèrent sur Ansten. - Je pensais à une solution plus radicale, affirma-t-il. Ansten ne se départit pas de
son sourire alors qu’il saisissait son épée. Jarod retint son souffle. Les dernières pièces du puzzle
venaient brusquement de se mettre en place. Il avait du mal à y croire :
McCormick était comme Ansten ! Le comportement de l’agent du FBI à
l’encontre de Jarod et sa réaction aux « révélations » de ce dernier
trouvaient soudain tout leur sens. Un rapide coup d’œil à Sydney et Miss Parker
lui apprit que ces derniers avaient eux-aussi fait le rapprochement. Une boule désagréable se forma
dans son ventre. Qu’est-ce que McCormick ne ferait pas pour protéger ce genre
de secret ? - Ca fait trop longtemps que j’ai été mis à la diète de
quickening ! s’exclama Ansten, en levant son épée et en passant en
position de combat. Donna fronça les sourcils. - Justement. Pourquoi les avoir laissés perdre en
abandonnant les basses manœuvres aux sbires de Rivers ? demanda-t-elle. Ansten eut un reniflement de
mépris. - Le quickening n’est qu’un symbole de la victoire. Les
quickening perdus ne sont pas allés à d’autres immortels. C’est le plus
important. Et cela fait toujours des adversaires en moins dans le Jeu. C’est un
petit mal pour un grand bien… Ce qui ne m’a pas empêché de m’entraîner comme je
ne l’avais encore jamais fait au cours de ces dernières années. Son attention se reporta sur
Matthew. - Une surestimation de vos capacités risque de vous
conduire à de grandes désillusions, prévint celui-ci. Votre aventure s’arrête
ici, Ansten. - Vous croyez ? - De toute manière, même si vous en réchappez, les
guetteurs finiront le travail. Ansten fixa Donna d’un œil
mauvais. - Et votre règle de non-interférence ? lança-t-il. - Partie en même temps que James Ganderson, répondit
Donna, avec une froideur calculée. Si cela pouvait faire réfléchir
Ansten durant le combat… Disperser son attention serait une bonne chose pour
Matthew. Elle réarma négligemment son revolver. Le visage d’Ansten se fendit
d’une grimace dédaigneuse. - Nous verrons bien, lâcha-t-il finalement. Sans plus de préavis, il
attaqua. Sa lourde épée trancha l’air dans un léger sifflement. Matthew se
fendit, déviant le coup sans trop de difficulté. Les propos de Donna avaient
quelque peu perturbé Ansten. Il pouvait penser ce qu’il voulait des guetteurs,
il devait néanmoins avouer que Donna savait ce qu’elle faisait. Ansten attaqua de nouveau.
Matthew restait pour le moment dans une position d’attente. Ansten pouvait bien
insister sur son entraînement de ces dernières années, son style demeurait très
brouillon. Matthew contre-attaqua violemment après une feinte à demi-ratée de
son opposant. Ansten para le coup avec difficulté. Il avait le visage marqué.
Matthew ne lui laissa pas le loisir de recouvrer ses sensations. Il accentua la
pression par une série d’attaques. Une des parades d’Ansten fut mal exécutée,
laissant entrevoir une faille dans son système de défense. Matthew n’eut pas
d’hésitation et saisit l’occasion. Son épée s’enfonça dans le ventre d’Ansten.
L’immortel grimaça. Son visage était dominé par une expression de surprise
totale. Il avait compris qu’il avait perdu. Matthew retira son épée couverte de
sang alors qu’Ansten tombait à genoux, à ses pieds. Matthew leva son arme, et
l’abaissa brusquement. Craig Ansten n’était plus. Son corps s’écrasa sur sa
tête coupée. Matthew se permit une profonde
inspiration. Il prit un instant pour évaluer la situation : les trois
autres étaient suffisamment éloignés pour ne pas craindre un contre-coup du
quickening et Donna était remontée sur les escaliers, de façon à être
elle-aussi hors de portée. L’air autour de lui se chargeait d’électricité. Le quickening d’Ansten fut
plutôt puissant. Il avait pris un nombre de têtes plus qu’honorable au cours de
sa vie. Il dura une vingtaine de secondes. Jarod suivait la scène avec
incrédulité, trop perturbé pour songer à refermer sa bouche. Il n’avait jamais
vu pareille chose. C’était tellement… incroyable. Et une telle force se
déchaînait là, à quelques mètres de lui. Tous ses poils s’étaient hérissés.
L’air était chargé d’électricité. Matthew prit un moment pour
retrouver pleinement ses esprits. La douleur et l’égarement consécutif au
quickening se dissipaient rapidement, pour laisser place à une fatigue
lancinante. Cela faisait trois mois qu’il n’avait pas pris de quickening. Donna se permit un léger
sourire de satisfaction. Une bonne chose de faite… Elle se retourna soudain en
entendant des pas derrière elle. Elle abaissa son arme en découvrant la
nouvelle venue. Martha Dahl venait de surgir en haut des escaliers. Donna la
salua d’un hochement de tête. Son calme apprit à l’arrivante que le quickening
qui venait d’avoir lieu appartenait bien au mauvais immortel. Martha ne ralentit pourtant pas
et déboucha sur la cour juste derrière Donna, qui redescendait. Son regard
s’attarda sur le corps d’un homme, tué d’une balle dans la tête. Rivers… Donna
avait eu raison. Du moins en partie. Les séquelles de la folie semée par Horton
étaient tenaces. Elle fit un léger signe aux trois hommes qui l’accompagnaient. - Nettoyez-moi tout ça. Préparez les cadavres pour une
incinération dans moins d’une heure. Il faut faire vite. - Il y a trois autres cadavres un peu plus haut, l’informa
Donna, décidée à mettre de côté son antipathie pour cette arriviste qui se
trouvait être aussi sa supérieure. - Oui. On les a rencontrés en chemin. On est déjà en train
de s’en occuper. - Il y en a un aussi attaché au-dessus des réservoirs,
ajouta Jarod en prenant la parole. Pour la première fois, Martha
se tourna vers les trois personnes toujours attachées au fond de la cour. Elle
les dévisagea froidement. Son visage était inexpressif. - Ce sont ceux du Centre ? demanda-t-elle. Donna acquiesça, dévisageant
avec attention son interlocutrice : qu’avait-elle en tête ? - Seulement deux. L’autre… - Il n’existe aucun Jarod Hunter dans les effectifs du
FBI, coupa Martha. Elle s’avança vers eux. - Je crois que le Centre a visé trop haut cette fois-ci,
affirma-t-elle. Elle avait sorti son revolver.
D’un simple geste, elle l’arma. - Vous devez comprendre qu’après avoir été témoins de ces
derniers évènements, vous constituez désormais une trop grande menace. ( Elle
pointa son arme sur Jarod ) Vos employeurs devront considérer ça comme un
simple avertissement. Le dernier avertissement, se corrigea-t-elle après une
pause. Matthew avait suivi l’arrivée
des guetteurs avec intérêt. Il n’aurait pas cru possible de rencontrer
quelqu’un d’aussi antipathique que la femme qui venait de prendre tout en main.
Il comprit quelles étaient ses intentions dés qu’elle s’approcha des trois du « Centre ».
C’était la deuxième fois qu’il en était fait mention. Il se demanda à quoi cela
correspondait. Il fut un instant tenté de la
laisser faire. Mais le coup de fil de Jarod lui revint en mémoire. S’il avait
réellement eu de mauvaises intentions, jamais il ne l’aurait appelé juste avant
de tenter une opération contre Rivers et Ansten. Et jamais il ne se serait
efforcé de faire parler Ansten, sachant qu’il écoutait tout. Matthew s’avança et détourna le
canon du revolver de Martha avec sa main. - Hunter est un agent du FBI jusqu’à nouvel ordre, et il
repart avec moi, en vie, déclara-t-il sur un ton qui ne souffrait d’aucune
discussion. Donna grimaça malgré elle.
Quand elle avait vu McCormick s’approcher, elle avait compris qu’il n’avait pas
l’intention de laisser Martha mener à bien ses projets. - Nous sommes tous concernés, McCormick, s’énerva Martha.
Nous ne pouvons pas les laisser s’en tirer. Ils constituent une brèche trop
importante dans notre système de sécurité. - Hunter vient avec moi, répéta Matthew. Je me fous des
deux autres. Il avait ramassé les clés des
menottes sur le cadavre d’Ansten. Sans plus faire attention à Martha, il
détacha Jarod. Le jeune homme paraissait souffrir énormément de sa blessure à
l’épaule même s’il tentait de le masquer. - Il ne va aller nulle part, dit à nouveau Martha. Elle pointait désormais son
arme sur Matthew. Donna jura intérieurement. Et
Martha qui prétendait il y a encore quelques heures tenter d’éviter un nouveau
conflit opposant guetteurs et immortels… - Je vous le déconseille, affirma-t-il en souriant. - Le FBI ignore que vous êtes là. - Il y a des personnes plus inquiétantes que le FBI qui
savent que je suis là. La phrase sous-jacente était
évidente : des immortels étaient au courant de ce qui se passait ici.
Martha réfléchissait à toute vitesse, pestant contre McCormick. Elle savait
qu’il avait eu Ceirdwyn au téléphone dans la nuit. Il avait pu l’appeler avant
de venir ici. Elle n’avait pas vérifié. Ceirdwyn savait pour les guetteurs.
Pire, elle était amie avec Duncan MacLeod. Par ricochet, toute cette histoire
pouvait conduire à un nouvel embrasement. Elle ne pouvait pas prendre un
tel risque. - Elles penseront que vous avez perdu contre Ansten,
répondit Martha, faisant une dernière tentative pour ébranler Matthew. - Peut-être… lâcha-t-il en haussant les épaules. Martha secoua la tête avec
exaspération. Elle n’était pas prête à courir un tel risque. Elle fit signe à
Matthew d’emmener Jarod avec lui et de partir. L’immortel s’éloigna. Comme il
passait à côté de Martha, Jarod se pencha à son oreille. Il murmura d’une voix
très convaincante : - S’il arrive quoique ce soit aux deux autres, je
détruirais votre monde… Vous avez ma parole. Martha ne réagit pas tandis que
Jarod montait les escaliers quatre à quatre pour rejoindre Matthew qui avait
quitté la cour sans se retourner. Donna choisit alors
d’intervenir. Quand elle rentrait dans ce type de colère, Martha ne
réfléchissait plus de manière rationnelle. Donna prit les clés que Matthew
avait laissées sur la rambarde et s’avança vers les deux employés du Centre. - Nous vous surveillerons. Si vous tenez à la vie, vous
oublierez ce que vous avez vu aujourd’hui. Dans le cas contraire, nous
reconsidèrerons votre sort sans aucun remord. Elle détacha Sydney, puis Miss
Parker. Martha parut accepter son
initiative. Même si Donna devait probablement s’attendre à des reproches dés
qu’elles seraient seules. Martha se détourna sans plus leur accorder
d’attention. Jarod était revenu à la hauteur
de Matthew à la sortie de l’entrepôt. - Vous ne devriez pas tenter le diable, lui déclara
l’agent du FBI en lui tenant la porte. Jarod comprit la référence
implicite à ce qu’il venait de glisser à la femme au pistolet. Ils n’avaient
pas entendu de détonation. Sa phrase avait dû atteindre son but. - Vous n’êtes pas en état de conduire, soupira Matthew en
tirant ses clés d’une des poches de son pantalon. Je vous ramène. Je suppose
que vous n’avez pas vraiment envie d’aller à l’hôpital ? Jarod acquiesça en silence. Il
se demanda pourquoi Matthew lui avait sauvé la vie. Et comment, en ce
moment-même, il pouvait lui faire confiance. - Cela ne vous dérange pas d’abandonner votre
voiture ? lâcha Matthew en se dirigeant vers la sienne. - En réalité, ce n’est pas vraiment ma voiture, corrigea
Jarod avec détachement. - Comme vous n’êtes pas vraiment agent du FBI ?
ajouta innocemment Matthew avec un sourire ironique. - Un peu comme ça, oui, répondit sur le même ton Jarod. Matthew le dévisagea un
instant, tout à coup plus sérieux. - Vous n’êtes pas avec les deux autres, n’est-ce
pas ? demanda-t-il, pensif. Jarod hésita à répondre. Mais
après ce que Matthew venait de faire, il lui devait au moins une partie de la
vérité. - C’est compliqué… Mais non, je ne suis pas avec eux. - Quel est votre rapport avec le Centre ? - Ils n’apprécient pas trop quand on décide de voler de
ses propres ailes. Jarod pensa un instant que
Matthew n’allait pas accepter cette réponse si vague, mais l’immortel hocha la
tête et s’engouffra dans sa voiture. Il l’imita. Comme Matthew démarrait, Jarod
osa une question qui lui brûlait les lèvres depuis qu’ils avaient quitté la
cour. - Quel âge avez-vous ? demanda-t-il. Matthew resta silencieux
quelques secondes, puis répondit avec un sourire entendu : - Disons que je suis plus vieux que j’en ai l’air. Jarod comprit qu’il
n’obtiendrait rien de plus. Il n’insista pas. - J’ai un avion aux aurores demain matin, annonça-t-il. - Où allez-vous passer la nuit ? s’enquit Matthew. Ils quittaient le quartier des
entrepôts. Jarod eut une moue d’ignorance.
Sa planque n’était plus sûre désormais. - Si ça vous intéresse, j’ai une chambre d’ami. Jarod secoua la tête avec
inquiétude. - Le Centre risque de vous causer des problèmes. Même si
Miss Parker et Sydney taisent une partie de la vérité… affirma-t-il. Ils
sauront où me chercher. - Je ne suis pas domicilié sous ce nom à Boston. Mis à
part les guetteurs et quelques amis, tout le monde en ignore l’existence. Jarod réfléchit un instant à la
proposition. L’invitation signifiait que Matthew avait choisi de lui faire
confiance. De plus, il avait probablement à faire à quelqu’un qui savait ce que
« changement d’identité » et « cachette » voulaient dire. - Dans ce cas, je crois que ça m’intéresserait…
déclara-t-il enfin. **** EPILOGUE - Rapport 1.8.6.6.C.F. Ne figurant pas dans les chroniques
courantes sur décision du Tribunal. Enregistrement audio du 18 juin 2001.
Guetteur Donna Scolder, assignée à Matthew de Salisbury. Rapport bouclant
l’affaire intitulée « le tueur des sous-bois. » Donna appuya sur le bouton
« stop » de son dictaphone. Devant elle, des feuilles et des feuilles
de rapports et de retranscriptions de délibérations du Tribunal s’étalaient
dans la plus grande anarchie. Elle était éreintée. Cette journée avait été la
plus dure nerveusement qu’elle ait jamais connu de toute son existence. Tout était rentré dans l’ordre
maintenant. Et tout s’était bien fini. Elle avait du mal à y croire. Ils
avaient vraiment frôlé la catastrophe. Pourtant, elle était là, plongée dans
ses rapports, comme si de rien n’était. Comme tous les soirs. Elle soupira et se permit un
vague sourire. Elle ré-enclencha le dictaphone. - Craig Ansten. Sujet décédé. 1704, Vienne – 2001,Boston.
Tué par Matthew de Salisbury. Il avait découvert l’existence des guetteurs il y
a cinq ans. Son guetteur de l’époque, Mike Rivers, avait fait partie des
disciples de James Horton. Pour plus d’informations sur ce dernier, voir
dossier 2.0.4.D.S. Il voulait poursuivre l’œuvre de son mentor. Pour plus de
renseignements sur Rivers, se référer au dossier 2.2.7.D.S, jugement du
Tribunal du 18 juin 2001. Les éléments retrouvés laissent penser que Rivers
aurait vu d’un bon œil la découverte des immortels par le commun des mortels.
Ce qui expliquerait ses actes au cours de ces derniers mois. Ansten pensait
qu’en éliminant le plus grand nombre d’immortels possibles, il ferait ainsi
disparaître des rivaux potentiels dans l’optique du Gathering. L’obtention de
leur quickening lui apparaissait comme facultatif puisque aucun autre immortel
n’en profitait… - Enfin bref, tout est rentré dans l’ordre maintenant,
conclut Matthew en s’allongeant sur son canapé. Il avait perdu le compte du
nombre d’heures qu’il avait passé sans dormir. Mais le contre-coup commençait à
se faire durement ressentir. La tension et le stress retombaient et il avait
l’impression qu’il aurait pu dormir vingt-quatre heures d’affilées sans
sourciller. Il était un peu plus de minuit.
Jarod était parti se coucher une demi-heure auparavant. - Excellent, déclara la voix endormie de Ceirdwyn à
l’autre bout du fil. Mis à part ce « Centre » qui aurait tendance à
m’empêcher de fermer l’œil… - D’après Jarod, les deux autres n’auront pas parlé, la
rassura Matthew, lui-aussi soucieux. - Mais ils étaient déjà au courant de pas mal de choses
avant toute cette histoire. Et puis, sans vouloir remettre en cause ton
jugement, je n’ai aucune confiance en la parole de ce Jarod… - Je t’appelais juste pour te dire que le tueur des
sous-bois, c’est fini. - Donc je vais de nouveau pouvoir aller sur la côte Est ?
C’est une bonne nouvelle. ( Elle marqua une pause ) Matt, fais quand même
attention à toi, tu veux ? De plus, tu ne devrais pas jouer avec le feu
avec les guetteurs de cette manière. - Ceirdwyn… soupira Matthew avec une pointe d’exaspération
feinte. - Oui, oui, je sais. Et bien, je retourne dans mon lit. Je
te conseille d’en faire autant, tu as l’air au-delà de l’épuisement. - Je le suis, confirma-t-il. - Bonne nuit, lâcha Ceirdwyn, un léger sourire aux lèvres. - Bonne fin de nuit à toi aussi, répondit Matthew avant de
raccrocher en poussant un long soupir. Il appuya sa tête contre
l’accoudoir du canapé et ferma les yeux. C’était un jet privé plutôt
modeste. Martha Dahl l’avait loué à l’aéroport JFK. Elle avait beaucoup de
travail à faire, et un besoin évident de discrétion. Elle ne pouvait pas régler
les affaires des guetteurs dans un avion commercial. A deux sièges d’elle, plongée
dans le flash d’informations de CNN, Davee Utson sirotait un soda. Elle avait
eu le temps de dormir dans l’après-midi et Martha enviait sa fraîcheur. « Après les critiques qui
ont plût sur le FBI quant à sa gestion de l’affaire du tueur des sous-bois, le
Bureau s’est montré diligent à souligner son succès et le professionnalisme de
ses agents dans cette enquête particulièrement difficile. L’agent spécial
Matthew McCormick, en charge de l’affaire, joint plus tôt dans la soirée par
notre correspondante sur place, a déploré la longueur de l’enquête mais en a
loué la résolution, sans toutefois faire de révélations sur la manière dont le
FBI a réussi à interpeller Chris Belley. Le caractère dramatique qui ponctue
cette affaire qui a tenu en haleine la côte Est pendant de longues semaines,
avec le suicide, juste avant son arrestation, de Chris Belley, l’homme qui
était probablement le tueur des sous-bois… » Davee baissa le son en
soupirant. Elle se tourna vers Martha. - Ca s’est réellement passé comme ça ? demanda-t-elle
avec suspicion. Son instinct de reporter lui
soufflait qu’il y avait plus que cette version officielle là-dessous. - Davee, si vous voulez devenir un guetteur, il va falloir
commencer à vous mettre en tête ce que « hiérarchie » signifie,
déclara Martha en relevant la tête. Davee la fixait, attendant
toujours. Martha secoua finalement la
tête et saisit une fine pochette. Elle la tendit à Davee. Après tout, la jeune
femme méritait la vérité. Davee la gratifia d’un grand
sourire en ouvrant précipitamment le dossier. Son sourire se figea. Elle
dévisagea Martha avec incrédulité. - McCormick est un immortel ? s’exclama-t-elle,
choquée. Mais j’ai interviewé ce gars ! Broots sauta sur ses jambes en
les voyant entrer. Il se précipita vers eux. - Alors ? Que s’est-il passé ? pressa-t-il. - Rien de particulier, Broots. Jarod nous a gratifié d’un
de ses stupides jeux habituels et nous a filé entre les doigts… grogna Miss
Parker en passant devant Broots sans même lui adresser un regard. Broots déglutit avec peine, et
revint à la charge. - Monsieur Raines est venu ici et a posé des questions… - Et alors ? coupa Miss Parker. Est-ce que ce n’est
pas ce que ce rat puant fait constamment ? - Vous avez pu contenir sa curiosité, Broots ?
demanda Sydney d’un ton posé, en s’asseyant sur un des fauteuils. - Euh, oui… Enfin je crois… Avec lui, on ne sait
jamais ! Miss Parker poussa un soupir d’exaspération
devant les plaintes de l’informaticien. - Quoi de neuf sur le dossier du tueur des
sous-bois ? lâcha-t-elle en allumant une cigarette. - Ah oui ! s’exclama Broots en s’agitant un peu plus.
C’est pour ça que je cherchais à vous joindre. Tout a été arrêté. Raines a tout
fait stopper. Toutes les archives ont été détruites. - Quoi ? s’étrangla Miss Parker, prise par surprise.
Je ne peux pas croire que Raines abandonne un tel projet ! - Peut-être pas… murmura Sydney d’un ton pensif. - Que voulez-vous dire ? demanda Broots. - Nous savons tous que Raines a un penchant certain pour
le secret. Sydney et Miss Parker
échangèrent un regard inquiet. Ils n’avaient parlé à personne de ce qu’il
s’était passé là-bas dans l’entrepôt. Mais pour le moment, ils auraient tout
donné pour savoir ce que Raines savait de tout ça. Grégory tritura son stylo alors
qu’à l’autre bout du fil, la voix rauque et malsaine continuait : - Tout ce que nous vous demandons, c’est de nous envoyez
des rapports hebdomadaires. Vous n’allez même plus à l’encontre de la loi… - Ecoutez, Monsieur Raines, je ne suis pas fier de ce que
j’ai fait. Mais en tout cas, je comprenais que ça pouvait vous intéresser.
Maintenant, en quoi les faits et gestes de McCormick vous
intéressent-ils ? Ca ressemble à de l’espionnage… - Au prix où l’on vous paye, je pense que vous pouvez
oublier ce genre de questions. Raines raccrocha. Grégory resta
immobile pendant de longues secondes, fixant le combiné du téléphone sans même
le voir. Dans quoi s’était-il fourré ? ~° FIN °~ FEEDBACK Pour me dire ce que vous en avez penser ( en bien comme en
mal – critiques constructives s.v.p. ), une seule adresse : Lyrys_in_loveAyahoo.fr S’il vous plaît, juste quelques mots constituent souvent
un grand encouragement pour l’auteur !! Pensez-y si vous avez un
tout petit peu aimé !! ;-)
Nombre
de pages ( en format word ) : 49
Dates
d’écriture : commencée le 24 mai 2003, achevée le 10 août 2003
Il
s’agit de ma première fanfiction qui flirte avec les cinquante pages.
Aux habitués de Highlander : malgré des mentions aux personnages principaux de
la série, ces derniers ne sont pas les héros et n’apparaissent d’ailleurs pas
dans l’histoire.
Vous
retrouverez ici des immortels qui sont apparus dans seulement quelques épisodes
de la série : Matthew McCormick ( « Chasse à l’homme » - saison
5 ), Ceirdwyn ( « Retiens la nuit » - saison 3 ). Les guetteurs
mentionnés sont mes créations, sauf Donna Scolder ( qui vient de la
« Watcher Database » de Nicolas Giard ).
Pour tout l’univers de Highlander et du Caméléon, rien ne m’appartient, je ne touche pas d’argent là-dessus, ect…
Des immortels, sans lien entre eux et ayant une vie
tranquille, sont décapités sur la côte Est des Etats-Unis. Tout le monde pense
à un serial-killer et les médias se jettent sur l’affaire à grand renfort de
titres choc.
Le FBI prend l’affaire en main. Matthew McCormick réussit
se faire affecter à l’enquête du Bureau Fédéral d’Investigation, inquiet de la
tournure que prend l’affaire et du fait qu’il n’y a pas de trace de quickening
sur les lieux des décapitations.
Jarod aussi s’intéresse à cette affaire car il se souvient
d’une simulation mettant en scène un des hommes tués lorsqu’il était au Centre.
Il devient un agent du FBI, profiler, du nom de Jarod Hunter.
AIDE DE LECTURE
JEU, CHASSE ET MAT
CHAPITRE I