La Lumière et la Pénombre

Auteur: Judith Hill

Traduit, grâce à l'aimable suggestion de Judith, par Fanny Couturier.

Disclaimer: ni à moi, ni à Judith! Malheureusement...

Archive: demandez à Judith.
Elle adorerait connaître vos impressions en tout cas, en anglais ou en français. Oui, ceci est une forte invitation à lui envoyer du feedback!!!

Et merci a Poupov pour le beta (au vu des nombreux et si ridicules anglicismes que j'avais faits, cela en avait grand besoin!).

Bref, place à la fic de Judith! Encore une fois, s'il vous plait, envoyez-lui un petit mot lui disant ec que vous pensez de cette fic! Merci pour elle!

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La soirée était encore très jeune et la musique pas encore trop forte lorsque Methos s'adossa contre le zinc. La pluie incessante de la côte ouest l'avait amené sous un toit pour la soirée. Il prit une longue gorgée du coûteux verre Bierstein que Joe lui avait ramené de Paris en cadeau. Joe avait fait graver un large et élaboré ŒM' sur le verre; c'était une chose assez belle. Le verre séjournait désormais sous le bar, sauf si, bien sûr, il était utilisé. Joe avait récemment importé une nouvelle bière brune locale qui correspondait aux goûts de Methos. Il l'aimait chaude, ayant bu sa bière ainsi depuis très longtemps. Il avait la ferme opinion que refroidir les choses assagissait leur saveur.

Derrière Methos, Joe polissait des verres, réarrangeait des choses, plus généralement bricolant simplement tant que la foule était peu nombreuse.

"Comment est le verre?" demanda-t-il à Methos.

"Il contient une quantité décente," répondit Methos. "Belle gravure. Allemande?"

"Je crois bien. Tu sais où est passé Mac?"

"En Italie. Je parie qu'il ne pleut pas là-bas!" dit Methos avec une certaine note d'envie. Les jambes de son pantalon étaient toujours trempées d'avoir marché lourdement sous la pluie. Il prit une autre gorgée, appréciant le goût quelque peu amer du breuvage brun à la couleur de châtaigne.

La porte du bar s'ouvrit et un groupe de jeunes gens entra, riant, venant probablement du cinéma. Alors que la porte se rabattait, une autre main la poussa et une femme entra. Methos, qui gardait un oeil ouvert spécifiquement pour un événement de ce genre, fut immédiatement intéressé. Elle était seule. Alors qu'elle inspectait la salle, elle se glissa hors de son imperméable, puis marcha vers une petite table de laquelle elle pouvait observer tout le monde et être hors de la foule. Methos observait sa façon de se mouvoir, avec grâce, même élégance. Elle avait cette silhouette pleine que Methos préférait. Il ne pouvait comprendre la préférence moderne pour des épaves affamées. Et il aimait ses cheveux, un châtain roux, longs, portés lâchés. Derrière lui, Joe se racla la gorge.

"Du calme, mon garçon. Il y a probablement un petit ami ou un mari dehors en train de garer la voiture!"

"J'espère sincèrement que non," répondit Methos. Comme il continuait, sans gêne, à fixer la nouvelle arrivée, elle jeta un regard dans sa direction et leurs yeux se croisèrent brièvement; puis elle se détourna et parla à la serveuse qui venait d'arriver à sa table. A cet instant, Methos eut l'impression distincte qu'il l'avait déjà vue auparavant, mais il avait rencontré tellement de personnes dans tellement d'endroits et de temps différents que voir quelqu'un qu'il pensait connaître était un phénomène presque quotidien, et il ne pensa plus à cela.

La serveuse vint au bar et donna la commande à Mike, qui versa un verre de vin rouge. La serveuse emmena le vin à la table et se pencha pour entendre quelque chose que la femme lui disait. La serveuse se retourna et se dirigea directement vers Methos. Quand elle arriva à lui, elle dit, "Tu as une admiratrice, Adam. Elle aimerait que tu te joignes à elle. Vas-y doucement avec elle!"

Methos se retourna pour lancer un sourire goguenard à Joe. Conscient que la femme le regardait, il se redressa pour marcher nonchalamment jusqu'à la table. Dans un soufflement scénique, Joe dit "Avez-vous toujours été aussi facile?" et rit.

A la table pour deux, la femme esquissa un geste pour que Methos s'asseye, et Methos ressentit encore ce sentiment de familiarité, de déjà-vu. Il offrit sa main, qu'elle saisit, lui disant que son nom était Rosalind. Il s'assit.

"Joli nom. Je suis Adam." Et il sourit.

"Oui, je sais," dit-elle énigmatiquement. Quand il sembla surpris, elle ajouta: "La serveuse me l'a dit."

"Oui, bien sûr," répondit-il.

"Venez-vous souvent ici?" demanda-elle, penchant légèrement la tête sur le côté, ses cheveux reflétant la lumière. Elle était consciente de l'attraction qu'elle avait sur Methos et cela lui plaisait de l'allumer quelque peu. Elle s'appuya contre son dossier et croisa de manière attrayante les jambes, sa jupe remontant jusqu'à mi-cuisse. Cela eut l'effet désiré.

"Tout le temps," répondit Methos, pas totalement sûr de la teneur de la question.

De là, la conversation s'en tint aux plaisanteries, pour résumer, le temps, le spectacle à l'arène, le temps, la difficulté d'attraper un ferry avant la ruée des vendredis, le temps. Methos discuta de Paris; elle y avait été. L'Italie. Là aussi. Une autre bière et un autre verre de vin rouge furent bus avant que la discussion ne devienne plus confortable. Avait-elle un petit ami? Voyait-il quelqu'un? Pendant ce temps, la musique avait été oubliée, les chaises rapprochées et les têtes penchaient plus intimement l'une vers l'autre. Elle observa ses yeux observant son décolleté. Après la troisième tournée, assez de temps avait passé pour que la décence soit oubliée et cela en vint à la question de chez toi ou chez moi.

Derrière le bar, Joe était hautement amusé. Il avait un pari avec Mike; Joe disait qu'ils resteraient jusqu'après 10h alors que Mike était sûr qu'ils ne pourraient tenir aussi longtemps. Quand Methos se leva, ramena son verre au bar, titubant légèrement, et demanda à Joe d'appeler un taxi, Joe secoua la tête et sourit. Alors qu'il se tournait vers le téléphone, il tendit un billet de dix dollars à Mike.

*********

La porte de l'appartement de Methos était à peine fermée que leurs bras s'enchevêtraient. Des baisers sonores et affamés rehaussaient encore plus la température. Des manteaux tombèrent au sol, des chaussures furent jetées au loin. Methos prit son bras et la tira, avec plus d'enthousiasme que de gentillesse, dans sa chambre. Baissant la fermeture éclair de sa robe et la laissant glisser de son corps lisse, il remercia brièvement Dieu pour les sous-vêtements modernes; des corsages en dentelle et des crinolines avaient refroidi l'ardeur de plus d'un homme en d'autres temps. Elle le tira de sa chemise en quelques secondes. Ils tombèrent comme un seul sur le lit toujours défait.

Ayant juste assez bu pour être complètement inhibés, et assez sobres pour apprécier les choses au maximum, il se passa quelque temps avant que leurs passions, qui avaient été chargées et énergiques, ne soient dépensées. Et comme ils était allongés ensemble dans le noir, Methos savait une chose: il avait fait l'amour à cette femme avant, pas une seule mais de nombreuses fois. Le sentiment d'authentique familiarité était complet. Il la connaissait, mais en même temps il ne l'avait jamais vue auparavant. Il ne connaissait pas son visage.

Comme l'envie de dormir devenait plus pressante, il crut voir son visage scintiller, changer un peu, devenir quelqu'un d'autre, mais quand il se frotta les yeux et les rouvrit, c'était la même femme. Et pourtant une autre.

"Tu es réveillée?" demanda-t-il.

"Toujours," dit-elle.

"Est-ce que je te connais? Je veux dire, autrement que dans le sens biblique?"

"Oui," vint la réponse.

"Quand? Je veux dire, où?"

"J'ai toujours été avec toi. Je suis avec toi où que tu ailles. Je suis ta plus vieille amie." Sa voix semblait avoir pris une résonance sonore, tel un écho dans l'esprit de Methos.

"Sais-tu qui je suis?" demanda-t-il, essayant de penser malgré l'envie de dormir et l'alcool.

"Tu es Methos. Tu m'as fait l'amour plus d'un millier de fois." Maintenant sa voix venait de l'intérieur de la tête de Methos. Il pouvait à peine la voir dans le noir et il devait lutter pour garder ses yeux ouverts. Il commença à dériver.

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Il se tenait sur une plaine qui s'étendait aussi loin que les yeux pouvaient voir. Les cieux étaient lourds de nuages huileux; le vent refroidissait sa chair. Il pleuvait. Dans sa main, qui était couverte de sang, il tenait une épée; à ses pieds était couché le corps d'une femme. Autour de lui il entendit les cris des cavaliers attaquant, les hurlements des mourants et les pleurs des enfants. Il était conscient d'être dans la scène mais d'une certaine manière sans en faire partie. Dans l'air devant lui, une forme se composait, une légèreté avec l'odeur lourde des roses. Les bruits de la bataille s'évanouirent et les tendres et délicats accords d'une douce musique remplirent ses oreilles, bien qu'il voie toujours les gens autour de lui, courant pour leur vie, levant leurs bras pour frapper ou se défendre, jetant des torches dans les habitations; inconscients de son être, des êtres humains se battaient encore, toujours poussant des cris perçants de terreur ou de triomphe. Une légère lumière brillait devant lui, traçant la silhouette d'une forme humaine qui l'approchait, flottante, gracieuse, chaude. La forme se pencha, les bras tendus vers le corps de la femme. Il regarda à ses pieds. De la femme morte, une autre lumière grandit, prit forme et s'éleva pour rencontrer la première. Les deux formes brillantes s'élevèrent silencieusement dans les airs, mais avant qu'elles ne s'évanouissent dans le néant, il vit un visage, un visage qui regarda dans ses yeux et sourit.

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Il était allongé sur le dos, un bras encerclé autour de la cuirasse du corps qui reposait à côté de lui, ses doigts entourant toujours la poignée d'un couteau. L'air venait à nouveau de se ruer dans ses poumons morts et il voyait du mouvement du coin de ses yeux. Quelqu'un travaillait sur le champ de bataille, recherchant des armes, des armures, de l'argent et des breloques parmi les morts. Il attendit. Plus loin, quelqu'un criait des ordres. Un cheval et cavalier passèrent en un éclair à ses côtés, éclaboussant de la boue de la terre retournée maintes fois et maculant sa tunique déchirée. Le pillard s'approchait. Quelques minutes plus tard, le pillard se pencha sur lui, et sa main se projeta vers la gorge de l'homme. Son autre main plongea le couteau agilement dans son ventre, juste en-dessous des côtes, et le tourna. Alors même que le corps lui tombait dessus, il chercha la lumière. Il avait appris à s'y attendre désormais. Ces dernières fois, la silhouette était toujours assez distincte, le visage familier. Plus seulement un éclat, c'était maintenant le corps d'une jeune femme avec des cheveux lâchés encadrés d'un halo lumineux, gracieuse et séduisante. Comme ses bras accueillaient l'âme de l'homme mort, sa robe brossa le visage du meurtrier et son esprit bondit en lui-même.

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Il faisait sombre sur la plage là où les lumières de la cité n'arrivaient pas. Il tira son épée de la poitrine de son adversaire battu et observa l'homme tomber à genoux, acceptant l'inévitable. Il vit sa fantomatique compagne apparaître dans la noirceur de la nuit, les cheveux flottant, les bras étendus vers lui. Il leva son épée et l'abaissa avec toute sa puissance, séparant la tête de son ennemi de ses épaules. Dans les secondes précédant le Quickening, il vit les deux esprits s'élever et il était conscient du désir dans son corps, du désir douloureux dans son âme d'aller avec elle dans les cieux, d'être avec elle à tout jamais.

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Il flottait au-dessus des abysses de l'espace infini. Devant lui, lumineuse, radieuse, l'apparition lui fit signe et il se sentit emporté, et avec joie, dans son accueillante étreinte.

"Me connais-tu à présent?" Sa pensée était sans son et emplissait le vide.

"Oui." La pensée réchauffa son esprit et le fit chanter.

"Je t'aime." La rayonnement passa sur lui, l'emplissant de sa paix. La force de son amour était infinie; débordant, son esprit chantait sa joie.

"Je sais," murmura son âme.

"Quel est mon nom?" L'apparition soupira et les cieux bougèrent.

"Tu es la Mort. Es-tu venue pour moi?"

"Pas encore, Bien-Aimé. Mais je ne devrai jamais te quitter."

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Methos frissonnait doucement quand il s'éveilla sur un nouveau matin gris. Il était nu, les couvertures ayant glissé au sol. Il était aussi seul.

Il se leva, enfila une robe de chambre et fit le tour de l'appartement, mais il n'y avait aucun signe de sa précédente compagne au lit. Son sommeil avait du être très profond pour qu'elle soit partie sans le réveiller. Ce qui n'expliquait pas pourquoi il se sentait comme s'il n'avait pas du tout dormi. Il se doucha et s'habilla rapidement. Il réchauffa un peu de vieux café au micro-onde et le but. Incapable de se débarrasser des images de la nuit et incapable de se concentrer sur quoi que ce soit d'autre, il enfila son manteau, mit ses chaussures et sortit.

La pluie était presque négligeable contre son visage alors qu'il gravissait la colline du port. C'était samedi et il était trop tôt pour qu'il y ait trop de circulation. Il avait les rues normalement remplies pour lui seul dans le matin froid et humide. Il marcha à travers le centre-ville jusqu'au quartier est, dépassant les formes repliées des soûlards de la nuit passée, blottis sur des bancs et sous des abris de carton improvisés. Des seringues usagés nageaient dans les caniveaux avec des capotes et des mégots de cigarettes; les marcheurs avaient été remplacés par des propriétaires Chinois balayant les ordures de leur pas-de-porte. Une voiture de police arriva lentement à son niveau et continua de rouler. Il continua de marcher.

Il tourna vers le sud, loin du port, ses pensées toujours fixées sur les paysages vivides de ses rêves, si c'était bien de rêves qu'il s'agissait. Des pensées d'elle emplissaient son esprit s'éveillant, et il était inconscient de la saleté de la rue autour de lui. Les rêves avaient été tellement nombreux durant la nuit, toujours les mêmes. Il tuait; elle apparaissait. Toujours présentes étaient la puanteur du sang et la senteur de roses. Il fouilla sa mémoire. Les tueries étaient là; ces souvenirs n'étaient jamais bien loin. Mais il ne se rappelait pas de voir ces apparitions, rien qui ne soit pas terrestre. Les seules émotions dont il se souvenait étaient la rage et la fièvre du meurtre.

Deux heures avaient passé. Avant qu'il n'arrive au pont, il se tourna vers l'ouest de nouveau. Alors qu'il marchait à nouveau vers le centre, ces immeubles impossibles à distinguer à travers le brouillard, son esprit restait toujours fixé sur la femme qui avait tellement imprégné ses rêves. Après une autre heure, il arrive à Joe's, espérant que son propriétaire serait là. Il y était.

"Comment va la tête?" l'apostropha Joe, avant de se corriger. "Oh, j'oubliais. Vous autres sales chanceux n'avez pas de gueules de bois!"

"Je préfèrerais une gueule de bois à ce qui se passe dans mon crâne en ce moment," répondit Methos. Il se servit une tasse du café frais de Joe et s'assit à côté de lui.

Joe faisait ses corvées régulières du samedi matin: les finances. Comme Methos s'asseyait à côté de lui, il regarda le visage de l'Immortel. "Tu as vraiment une sale tête," dit-il.

"Merci. J'avais vraiment besoin de ça," répondit Methos.

"Un problème? Tu devenais plutôt morose quand tu es rentré l'autre soir," dit Joe, une expression inquiète barrant son front.

"Morose? De quoi tu parles? J'ai passé un super moment. C'est juste que je me suis fait avoir par quelques satanés cauchemars."

"Tu considères presque pleurer dans ta bière à cause de ta solitude un super moment?"

"Ma solitude? J'étais avec une femme. Joe, tu m'as vu, tu m'as appelé un taxi. Et tu as perdu ton pari contre Mike. Je t'ai vu lui passer dix dollars."

"Ouais, j'ai passé dix dollars à Mike parce que les Canucks ont encore perdu. Tu pensais que c'était pourquoi?"

"Peu importe ce pour quoi je pensais que c'était. Mais, tu as vu la femme! Gracie lui a parlé. Allez, Joe, arrête la plaisanterie. Je suis pas d'humeur."

"Tu n'étais pas avec une femme, Methos. Et tu étais bien assez énervé à cause de ça!"

"Joe, on était juste là!" Et il se leva et alla à la table dont il se rappelait si clairement. Il pouvait encore entendre sa voix, son rire. Il se rappela ses cheveux, ses jambes et sa propre réaction intense envers elle. Comme il arrivait à la table, il s'arrêta. C'était ici. Elle était assise juste ici, pensa-t-il. Il toucha la surface de la table, traçant avec son doigt l'endroit où son verre avait été.

Et il sentit l'odeur facilement reconnaissable de roses.

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FIN

Note: "les Canucks" est l'équipe d'hockey de Vancouver.