Les Miroirs dans la boue

de Fan'


C'est l'histoire d'une superbe chanson de William Sheller qui m'a fascinee, que je n'ai pu m'empecher d'adapter a mon Immortel prefere. Les paroles sont a la fin de la fic.

Donc bien sur, ni Methos ni les expressions empruntees a la chanson ne sont a moi, je ne les utilise que pour mon petit plaisir personnel (et le votre, j'espere!).

"Sinon, bin oui du feedback ca me plairait bien," suggera-t-elle d'une petite voix timide, levant des yeux pleins de malice vers ceux qui, elle le sait, realiseront ce voeu. ;))))

J'espere que vous apprecierez!
Bisous,
Fan'


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Methos haïssait la campagne, à cet instant précis de ses millénaires d'existence. Pourquoi avait-il fallu que son automobile tombe en panne ici, aux abords du Poitou, autrement dit au beau milieu de nulle part, pendant cette pluie torrentielle?

De plus, il ne s'était jamais intéressé à la mécanique. Il serait bien incapable de réparer cette foutue voiture. Il n'aurait de toute façon pas pu conduire par un temps pareil.

Restant prudemment à l'abri à l'intérieur, il attendrait donc que l'orage se calme. Il tenta de discerner les alentours, malgré les ruisseaux de pluie coulant sur les vitres de sa voiture.

Tout lui semblait irréel, distordu par les rideaux de pluie. Cette forêt qui l'entourait, était-elle bien la même que celle qu'il avait pénétrée il y a quelques minutes? N'avait-elle pas maintenant un côté bien intemporel, celui d'une forêt sans âge, à son image? Cet orage était arrivé si soudainement, imprévisible éclat, caprice des anges peut-être?

Methos sourit doucement, presque amèrement. Les croyances anciennes avaient bien changé.

Soudain, un éclair illumina le ciel autour de lui. Le temps d'un instant, Methos crut apercevoir un loup devant sa voiture, immobile, le fixant. Il balaya cette impression, parfaitement conscient qu'un loup chercherait un abri par un temps pareil, au lieu de fixer une chose aussi inconnue pour lui qu'une voiture sans la moindre trace d'hostilité. Le tonnerre retentit.

Le déluge imprévu ne semblait guère s'apaiser. Methos distinguait à peine la route devant lui, les arbres sur ses côtés. Tout était gris, sombre, et pourtant vivant. Féérique. Cet interlude diluvien avait un certain aspect féérique, merveilleux.

De nombreuses croyances irlandaises lui revinrent en mémoire. Leprechauns, elfes et gnomes en tout genre, sans compter les souverains fées. La seule à laquelle il avait fermement adhérée était celle que le café irlandais était un fortifiant.

Soudain, aussi abruptement qu'il avait surgi, le déluge s'évanouit, se transformant en une petite bruine.

Methos découvrit alors à une centaine de mètres sur sa gauche ce qui devait d'habitude être une rigole, à peine, que la pluie abondante avait transformée en un véritable ruisseau.

Et, les pieds dans ce ruisseau, une enfant sauvage. Elle lui tournait le dos, tout occupée à sauter innocemment de pierre en pierre. Tout ce qu'il voyait d'elle était son petit corps, surmonté d'une cascade de cheveux roux. Un corps si fin, à peine formé.

Methos se trouvait fasciné par le spectacle de sa totale innocence. Dans la plus grande insouciance, l'enfant batifolait dans l'eau, inconsciente de la pluie fine imbibant son pull léger et sa jupe, qu'elle avait relevée jusqu'aux genoux. Ou probablement s'en fichant éperdument.

Enfin, l'Immortel se secoua et sortit de la voiture, resserrant autour de lui son long imperméable marron alors qu'il posait ses pieds dans la boue qu'était devenue la route de terre. Il fit consciemment claquer sa portière, observant l'enfant au loin.

Au son du claquement, elle se retourna vivement. Elle resta quelque temps immobile, la tête penchée sur le côté, observant probablement l'arrivant qui avait troublé ses ébats. Puis elle se dirigea vers lui.

Methos, alors qu'elle approchait, révisa son opinion. Elle n'était pas tout à fait une enfant. Plutôt une jeune fille refusant de grandir. Elle devait à peine avoir dix-huit ans, et son esprit avait encore l'âge des vagabondages, pieds nus sur les cailloux. A son cou, il vit briller quelque chose qu'il ne pouvait discerner, l'éclat l'éblouissant.

Se détournant, il sortit rapidement sa valise du coffre et la posa à côté de lui. Alors qu'il comptait se retourner vers la jeune fille, il fut attiré par sa propre réflection, au sol. La pluie avait créé des miroirs dans la boue. Dans une flaque d'eau, il put s'observer rapidement. Tout était sombre en lui, de ses vêtements à ses cheveux; ses yeux gris-vert étaient fatigués et sa barbe de quelques jours rehaussait son aspect triste. Il releva vivement la tête et reposa son regard sur la jeune fille.

Celle-ci s'était arrêtée à un mètre de lui. Elle posait sur lui des yeux inquisiteurs, doux et sereins. Des yeux verts, noyés de cheveux roux; des yeux correspondant au vert de l'émeraude qu'il pouvait désormais admirer à son cou frêle. Ils possédaient la même couleur et le même éclat que la pierre précieuse.

Pendant quelque temps, Methos n'osa interrompre le silence les unissant. Unissant un être si vieux, ayant vu tant de choses, en ayant commis tant, à cet être si jeune et encore si innocent, pas encore corrompu par les méandres de la vie, au regard pur.

Enfin, il se secoua de la transe dans laquelle ce silence et l'aspect étrange de cette fille l'avait plongé. Il s'était perdu dans les détails de ses simples vêtements gris, trempés, dans les boucles de ses cheveux roux en cascade, dans les profondeurs de ses yeux brillants, vivants. Finalement, il interrompit ce silence.

"Ma voiture est en panne. Tu ne connaîtrais pas un hôtel, ou une auberge dans les environs, où je pourrais passer la nuit en attendant qu'on me dépanne?" lui demanda-t-il en jetant un coup d'oeil vers l'horizon au bout de la route, qui rosissait déjà.

Sans dire un mot, la mystérieuse fille saisit la valise de l'Immortel et lui indiqua la route. Après un instant d'hésitation, Methos commença à marcher. Il l'entendit suivre son pas, ses pieds nus plongeant sans hésitation dans les miroirs d'eau, au sol. Il pleuvait toujours.

Ils marchèrent pendant quelque temps, et sortirent enfin de la forêt. Après encore une assez longue période de progression silencieuse, ils arrivèrent en vue d'un petit hameau.

Methos se retournait de temps à autre. Il avait tenté de lui reprendre son bagage; il avait tenté de la faire au moins marcher à ses côtés; c'était peine perdue. Sous ces boucles rousses se cachait un esprit résolument têtu.

Ils continuèrent donc ainsi jusqu'au village, en file indienne, la jeune fille portant le bagage de l'homme mûr. Methos se sentait curieusement mal à l'aise.

Alors qu'ils pénétraient le hameau, l'orage éclata de nouveau avec force. La bruine qui n'avait pas cessé se changea rapidement en un déluge torrentiel. Eclairs et coups de tonnerre se succédaient avec rapidité.

Methos avait remarqué l'auberge sur la place centrale, et y avait couru, toujours suivi de près par la jeune fille rousse. Il se dirigea, trempé, vers l'hôtelière, une femme d'une cinquantaine d'années, notant au passage que la salle attenante était un bistrot.

"Vous auriez une chambre pour la nuit, et un téléphone, s'il vous plaît?" demanda-t-il poliment.

"Bien sûr, monsieur. Chambre 6, au premier," précisa-t-elle en lui tendant une clé. "Voulez-vous que j'vous monte une serviette? Car je suppose qu'une douche s'rait la bienvenue. Enfin, l'téléphone est là-bas," indiqua-t-elle en désignant une cabine au fond du bistrot.

"Merci bien," répondit-il en se dirigeant vers la cabine.

Il se retourna, vérifiant que la fille était toujours là. Curieusement, aucun des hommes accoudés au bar ne semblèrent se rendre compte de leur passage. Pourtant, un homme d'une trentaine d'années, trempé jusqu'à la moelle, suivi pas à pas par une fille de moins de vingt ans portant sa valise, tout aussi trempée, ne devait pas être un spectacle commun.

Une fois qu'il eut appelé le dépanneur le plus proche qui, de manière surprenante, se trouvait dans le village, et ait arrangé leur rencontre le lendemain afin que l'Immortel l'amène là où sa voiture se trouvait, Methos se retourna vers la jeune inconnue.

"Tu sais, je peux me débrouiller maintenant. Merci beaucoup pour ton aide," la remercia-t-il en tendant sa main afin de récupérer sa valise.

En réponse, la jeune créature secoua la tête. Soupirant, Methos se dirigea vers l'escalier. Elle lui emboîta le pas. Enfin arrivé devant sa porte, il sortit la clé de sa poche et l'introduisit dans son verrou. Alors qu'il allait la faire tourner, il fut stoppé par une petite main aux ongles courts.

La petite main affermit sa prise sur la sienne, plus large, et l'entraîna vers une fenêtre dans le couloir où ils se trouvaient. La main lâcha alors la sienne pour ouvrir les battants de la fenêtre. Puis elle se dressa vers le ciel, pointant du doigt les nuages qui répandaient tant de pluie.

Surprenamment, constata Methos, ils n'étaient pas continus, mais bien distincts les uns des autres. Quelqu'un s'était amusé à faire des images avec les nuages, sourit-il. Ici et là on apercevait même des étoiles. Les nuages semblaient danser au milieu de ces petits éclats d'éternité trompée, virevoltant, tournoyant, valsant, tourbillonnant insouciamment.

Soudain, profitant d'un éclair, la petite main audacieuse disparut de son champ de vision. Il reporta son regard sur la jeune fille à ses côtés. Elle était vraiment magnifique. Son âge ne lui importait guère; après tant de siècles vécus, il ne pouvait plus depuis longtemps échapper à une certaine différence d'âge. Cette fille était spéciale. Elle le faisait presque se sentir jeune. Le tonnerre gronda.

Ce devait être ses yeux. Des yeux verts noyés de cheveux roux. Des yeux qui se plongeaient à présent de tout coeur dans les siens, y voyant certainement l'immensité de leur témoignage.

Soudain, les yeux perdirent un peu de leur éclat; ils se reportèrent sur la porte de la chambre 6. Methos suivit son regard, se détournant de sa vision à regret. Il se dirigea alors vers sa chambre en lançant un regard à la créature frêle se tenant à côté de cette fenêtre ouverte sur un puissant orage.

La main de Methos saisit la clé, la fit tourner dans la serrure, entrouvrit la porte. Se retournant, il constata avec soulagement que, contrairement au mauvais pressentiment qu'il avait eu en tournant la clé, la jeune fille se tenait toujours debout, immobile, le fixant.

Il ouvrit enfin totalement la porte. Une chambre digne du patelin où elle se trouvait s'étalait sous ses yeux. Le papier-peint, d'un ton jaunâtre qui dérivait peut-être d'un ancien blanc, datait de bien plus d'une décennie, de même que le dessus de lit, sans parler du mobilier évidemment mal entretenu. De plus, cette chambre n'avait pas du être utilisée depuis au moins autant de temps, compte tenu de l'odeur de renfermé qui assaillit les narines de Methos.

Il se dirigea rapidement vers la fenêtre donnant sur la place et l'ouvrit, préférant l'orage à l'odeur régnant dans la pièce. Il s'aperçut alors que l'orage s'était de nouveau transformé en une fine pluie. Il se dirigea vers la salle de bains et vérifia l'état de marche de la douche. Surprenamment, elle ne fonctionnait pas. Methos soupira.

Lorsqu'il revint dans la chambre elle-même, il découvrit avec surprise que la jeune fille se tenait, sa valise à la main, dans l'encadrement de la porte.

"Et bien entre, qu'attends-tu?" lui conseilla-t-il doucement, s'approchant de la porte.

Prudemment, elle fit un pas à l'intérieur de la pièce. Enfin, apparemment rassurée de voir que rien ne s'était passé, elle marcha rapidement jusqu'au milieu de la chambre, alors que Methos fermait la porte derrière elle. Elle posa doucement la valise au sol.

Methos se sentait curieusement gêné face à cette jeune fille, cette enfant sauvage. Il ne savait guère comment l'apprivoiser.

Le silence qui s'était installé fut interrompu par leur hôtesse. Elle toqua à la porte trois fois, avant de parler.

"J'vous ai amené une serviette," déclara-t-elle à travers le bois.

"Très bien, merci," répondit Methos en ouvrant à demi la porte.

"La douche marche bien?" s'enquit la femme en lui tendant la serviette, tentant désespérément de jeter un coup d'oeil à l'intérieur.

"Très bien, merci encore," répéta Methos en fermant la porte au nez de la curieuse.

Il passa la serviette dans ses cheveux humides, s'asseyant sur le lit. Soudain, il sentit deux petites mains couvrir les siennes et les faire lâcher la serviette. Sa jeune amie, qui était à genoux sur le lit derrière lui, commença à lui essuyer les cheveux, doucement, avec tendresse presque.

Methos ferma les yeux et se laissa aller à absorber les sensations que cela lui procurait. Il était particulièrement sensible juste derrière les oreilles, et le passage doux de la serviette un peu rêche le faisait frissonner.

La jeune fille s'arrêta soudain et se plaça à califourchon sur les genoux de Methos. Il ouvrit les yeux, surpris, alors qu'elle commençait à lui essuyer délicatement le visage. Il put une fois encore admirer les profondeurs vertes de ses iris.

Elle passa la serviette sur son large front, ses sourcils marqués, le fit fermer de nouveau les yeux en la passant sur ses fines paupières. Vint ensuite le tour de ses pomettes saillantes, ses joues creuses à la barbe naissante, son menton, son nez longiligne et ses fines lèvres.

Elle descendit ensuite la serviette jusque dans son cou, prenant garde à n'y laisser aucune goutte, de même que dans la nuque. Methos était comme hypnotisé par le toucher de la serviette sur chaque pore de sa peau, imposé par l'enfant sauvage qu'il avait découverte après l'orage.

Comptant bien continué sa tâche, elle débarassa Methos de son imper, puis de son pull. Observant la chair de poule se formant sur son torse et ses bras, elle se leva et alla fermer la fenêtre. Methos en profita pour admirer sa démarche, gracieuse, balancée et enfantine à la fois.

Elle revint se placer derrière lui et entreprit d'essuyer son dos. Elle passa la serviette sur chacun de ses muscles, se relaxant tous à son toucher. Puis elle le fit s'allonger sur le lit, et s'attaqua à son torse, finement musclé.

Methos se détendait de plus en plus, la laissant maîtresse de la situation. Elle se releva et alla le déchausser, le débarassant de ses chaussettes trempées. Elle essuya ensuite tendrement ses pieds, sans oublier l'interstice entre chaque orteil. Methos sourit à cette minutie.

Apparemment contente de son travail, elle se coucha ensuite à ses côtés, posant sa tête sur sa poitrine, comme désireuse d'entendre les battements réguliers de son coeur.

C'est ainsi, avec la tête de cette enfant sur son torse, ne voyant plus que sa cascade de cheveux roux, que Methos s'endormit.

Dans son sommeil, l'orage avait recommencé, tonnerre et éclair redoublant d'intensité. Rien n'avait su le réveiller, jusqu'au lendemain matin, la lumière du jour.

Lorsque Methos s'éveilla, tout était surprenamment silencieux. Il sourit en se rappelant la nuit précédente, ouvrant les yeux et espérant trouver à ses côtés une jolie petite enfant, ses yeux verts noyés de cheveux roux. Or il n'y avait personne à ses côtés. Rien qu'un petit morceau de papier blanc, noirci d'un peu d'encre.

Methos se saisit du papier et y lut le message: ŒVous me plaisiez beaucoup, mais je ne pense pas avoir besoin de vous.' L'écriture était ronde mais irrégulière, extrêmement douce, et pourtant ses mots étaient des plus acides pour l'Immortel.

Elle était partie. Elle l'avait simplement laissé là, seul, sans elle. Sans ses yeux.

Il se leva précipitamment, enfila son pull et descendit les escaliers quatre à quatre, son mot toujours serré dans sa main. Il s'arrêta devant l'hôtelière.

"La jeune fille qui portait ma valise, hier, vous l'avez vue? Vous la connaissez peut-être? Elle doit être du coin," demanda-t-il avec ardeur.

"Désolée, je n'ai vu aucune jeune fille avec vous hier, monsieur," répondit-elle en le regardant bizarrement.

"Mais si! Elle devait faire un mètre cinquante, soixante peut-être, des cheveux roux en boucles, des yeux verts éclatants et une émeraude autour du cou!" s'échauffa Methos. "Elle me suivait partout, ma valise à la main!"

"Je suis vraiment désolée, je n'ai vu personne avec vous, rousse ou pas," lui déclara-t-elle encore avec froideur et méfiance. "Vous avez fini avec la chambre?"

"Oui, je suppose. Je n'ai plus qu'à ramasser mes affaires. Tenez, votre argent," lui offrit Methos en lui tendant quelques billets. Bien plus qu'il n'en fallait; il était confus, désorienté. Il avait perdu le feu de ses yeux. "Gardez la monnaie," marmonna-t-il en remontant dans sa chambre.

Il s'y engouffra, ramassa ses affaires hâtivement, en profita pour garder la serviette et redescendit confier la clé à son hôtesse. Sans répondre à lŒau revoir qu'elle lui murmura du bout des lèvres, il sortit en plein soleil.

Methos s'appuya au coin de l'auberge. Le soleil à présent l'éblouissait, lui rappelant l'éclat de l'émeraude à son cou, l'éclat de ses yeux pétillants de vie. Il n'avait plus qu'un misérable bout de papier couvert d'une écriture douce, et une serviette qui ne portait d'autre odeur que la sienne.

L'hôtelière ne se rappelait pas d'elle. Methos se serait-il donc fait un mirage, l'emprisonnant dans une cage de sa mémoire? Le genre de cages que les fous construisaient, ayant désespérément besoin de leurs mirages pour survivre, trouver un sens à leur existence, vivre en somme... Au bout de tous ces siècles, Methos serait-il donc enfin sur le point de devenir vraiment fou?

C'est alors qu'il remarqua un éclat, dans une flaque au milieu d'un chemin boueux longeant l'auberge. Il se dirigea fébrilement vers la flaque, y plongea sa main pour en ressortir son émeraude. Cette émeraude attachée à un simple lacet de cuir, autrefois noué autour du cou de la jeune fille. Il n'avait pas rêvé; son mirage était bien réel.

Il s'observa encore dans le miroir d'eau au sol. Il avait l'air exténué, mais vivant.

Il reporta son regard sur la pierre. La vivacité de l'émeraude n'était en fait qu'une vague copie de celle de ses yeux. Cependant, la mémoire de Methos comblerait les vides et lui rappellerait leur éclat exact. Il pourrait toujours se perdre dans l'éclat de cette pierre en y retrouvant une trace de sa jeunesse ancienne.

Il enroula doucement le lacet autour de son poignet, à côté de sa montre. Sa montre. L'heure. Il était temps d'aller retrouver le garagiste. Il n'eut aucun mal à trouver le garage, grâce à la taille réduite du village.

Un homme d'un cinquantaine d'années au visage ridé, fatigué, couvert de cambouis mais sympathique, l'accueillit, ne lui proposant pas sa main pour cause de saleté.

Methos, épuisé malgré sa longue nuit de sommeil, le mena rapidement à sa voiture.

Le dépanneur ouvrit le capot de la voiture, remit une pièce à sa place et se redressa, le refermant.

"Dites-moi que c'était une blague!" lança-t-il.

"Quoi donc?" s'enquit Methos, lassé.

"Bin, la panne! C'qu'elle avait, vot' voiture, ça a pas pu arriver tout seul," expliqua-t-il. "Quelqu'un a dû l'faire. Essayez d'la faire démarrer pour voir?"

Methos exécuta la manoeuvre désirée, obtenant comme récompense le ronronnement indélicat du moteur.

"Ecoutez, peu importe comment c'est arrivé. Combien est-ce que je vous dois?" demanda-t-il, excédé.

"Vous m'faites pitié, va. J'ai rien fait, ce serait mauvais de ma part d'vous prendre vot'argent. Vous m'devez rien," conclua le garagiste, généreusement.

"Merci bien," répondit sincèrement Methos. "Au revoir, alors."

"A la prochaine!" lança le garagiste en remontant dans sa dépanneuse.

Il s'éloigna alors que Methos coupait le contact. Il regarda à son poignet, l'émeraude brillant de mille feux. Mais toujours sans égaler l'éclat de ses yeux.

Methos sortit de la voiture en saisissant son épée et son manteau. Il enfila l'imper et y dissimula son Ivanhoe. Il pénétra ensuite dans la forêt, du côté du ruisseau où elle lui était pour la première fois apparue.

Il erra pendant des heures dans cette forêt sans âge, cherchant désespérément l'enfant sauvage qu'il avait cru avoir apprivoisée la nuit précédente.

Enfin, il revint au ruisseau initial, qui n'avait pas perdu son débit. Il se déchaussa, s'assit au bord de l'eau et y plongea ses pieds.

"Je t'ai cherchée partout," commença-t-il simplement, "mon image de jeunesse, mon éclat de jouvence. Merci pour tout."

Plusieurs minutes de silence passèrent sans que Methos ne bouge. Alors qu'il allait se relever, il aperçut, quelques centaines de mètres en contrebas, un loup s'abreuvant au ruisseau. Le loup au somptueux pelage gris chatoyant, ayant fini de boire, pencha sa tête sur le côté et sembla fixer l'Immortel pendant un instant, avant de s'enfuir à travers bois.

Methos soupira, et reporta son regard sur l'émeraude.

"Merci," répéta-t-il doucement.

Il se leva, retourna vers sa voiture et quitta cette contrée merveilleuse.

Fan'.

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Dans l'orage d'une forêt sans âge aux abords du Poitou, à l'automne où je vivais chez vous, j'ai vu le visage d'une enfant sauvage qui portait un bijou, les yeux verts noyés de cheveux roux. A l'automne où je vivais chez vous.

Dieu fait des images avec les nuages, la pluie fait des miroirs dans la boue. Je t'ai cherchée partout.
Dieu fait un mirage dans une drôle de cage comme savent construire les fous. Je t'ai cherchée partout.

Elle avait l'âge des vagabondages, pieds nus sur les cailloux, dans les rivières où viennent boire les loups. A mon passage elle a pris mon bagage, elle m'a suivi partout, jusqu'à l'étage où j'avais mon verrou. Les yeux verts noyés de cheveux roux.

Dieu fait des images avec les nuages, la pluie fait des miroirs dans la boue. Je t'ai cherchée partout.
Dieu fait un mirage dans une drôle de cage comme savent construire les fous. Je t'ai cherchée partout.

Au lendemain de l'orage, il restait un message: vous me plaisiez beaucoup, mais je ne pense pas avoir besoin de vous. Les yeux verts noyés de cheveux roux.

Dieu fait des images avec les nuages, la pluie fait des miroirs dans la boue. Je t'ai cherchée partout.
Dieu fait un mirage dans une drôle de cage comme savent construire les fous. Je t'ai cherchée partout.

William SHELLER.