Avertissements : Je ne tire aucun profit des personnages que j emprunte à la franchise Highlander. (Cependant, si des lecteurs souhaitaient lancer une fond de soutien aux auteurs de fanfiction, j approuverais chaudement ;-) Attention cette histoire est triste. Impossible d en dire plus sans en révéler trop... Un certain immortel tient à remercier Marie-Gwenaëlle qui lui épargna d être décapité par un ventilateur... Comme toujours, merci à elle pour la relecture ! ! Si vous avez lu cette histoire, j aimerais beaucoup savoir ce que vous en avez pensé. Tous les commentaires sont bienvenus à : helene-lecAifrance.com Permission d'archiver à Mymy. Merci! ****************************************************************************************** Les péchés de nos pères. (1/4) Philippines le futur La lumière s infiltre par les interstices des persiennes, elle projette son motif zébré sur le sol, le lit, s insinue jusqu à la forme ensevelie dans le linceul des draps blancs. La brise venue de la mer souffle doucement, entraînant avec elle les pales du ventilateur, gonflant les rideaux d organsin, voiles orangés qui volent mollement dans la pièce. Le tintamarre qui accompagne chaque matin l arrivée de l aube s interrompt brutalement. Le silence se laisse bercer par le bruit du sac et du ressac, le pleur isolé d un enfant. Un coq retardataire chante, saluant le soleil retourné haut dans le ciel. Trente minutes à peine et il fait déjà grand jour. L homme n a pas bougé. Il est sans doute réveillé mais il garde les yeux résolument fermés. Sa respiration est forte, son torse soulève avec régularité le drap enchevêtré. Ses cheveux sont hérissés et collés par la transpiration. " Papa ! Papa ! " La voix du garçonnet, aiguë, rompt le calme de la pièce, perce les brumes du sommeil qui perdurent encore. " Papa ! Papa ! Debout " L homme jette un bras en travers de ses yeux, tente de s isoler des sensations extérieures. " Papa ! Tu as promis ! Debout ! C est déjà marée haute ! " Le garçon s avance et arrache le drap, écarte le bras qui cache le visage de son père et le tire à lui. " Viens Papa ! " Résigné, l homme se redresse en position assise, ouvre un Sil et le referme aussitôt en grimaçant. La lumière l aveugle, le poids qui a pris possession de son crâne semble pulser avec chaque inspiration, prêt à se déchirer. La nausée le prend et l emporte presque. " Mais pourquoi, pourquoi les immortels souffrent-ils de la gueule de bois ? " " Dépêche-toi Papa ! Allez " " J arrive, j arrive, laisse-moi cinq minutes. Va, je te rejoins près du bateau " L enfant quitte alors la pièce, entrecoupant sa course de petits bonds. L homme enfouit ses deux mains dans ses cheveux, espérant calmer son mal de tête lancinant. " Mais pourquoi, pourquoi ai-je bu autant ? Qu est-ce qui m a pris ? " Il essaie de se souvenir, de dénombrer les verres, les bouteilles... trop de mélange... Et puis il se souvient de la raison qui l a poussé à boire, à s enivrer, à contempler son existence au fond de son verre, comme elle lui a paru alors pitoyable. Il se souvient de Célie qui est venue le chercher, qui l a déshabillé comme un enfant, soutenu vers le lit, allongé. Célie qui l a bercé de ses bras, lui chuchotant des mots tendres pour endiguer une douleur qu elle ne comprend pas. A-t-il trouvé le réconfort en elle ? Il se rappelle seulement s être endormi, la tête posée sur son estomac, écoutant les gargouillis, sentant les pulsations qui animent le creux de son ventre, respirant son odeur de femme, régressant vers l enfance, calmé, apaisé, vers ce temps dont il ne se rappelle pas et dont il se demande parfois si d aucuns de sa race le connaissent, ce temps où l enfant, dans l utérus, est bercé par les bruits et les rythmes du corps de sa mère. Il se souvient mais il repousse ce souvenir tout au fond de lui, il le réprime, il n est pas prêt encore à l étudier, à l accepter. Il attendra que l élancement qui accompagne chaque pas disparaisse. En attendant, il a promis à Paul d aller pêcher. Méthos se lève et quitte la pièce. Il est le dernier. Enfin... presque... *************** La pirogue se balance doucement sur la mer d huile. Méthos penche la tête en arrière, laisse les rayons du soleil caresser son visage. Bientôt leur tiédeur se transformera en brûlure. Pour l instant c est divin. Peu à peu, le doux roulis, accompagné du babillement excité de Paul crée une harmonie tout au fond de lui. Les haut-le-cSur s éloignent, laissent la place à la détente qui l entraîne presque au bord du sommeil. Il rouvre les yeux, paresseusement. La côte n est pas très lointaine mais on distingue à peine les quelques habitations dans la végétation qui borde la plage. Ailleurs, la mer. Le paysage semble immuable. 2243... Mais pourquoi pas 1243 ou 243 avant Jésus - Christ... L illusion que rien n a changé. Pourtant, tout est changé. Paul l interpelle. " Papa, papa ! On remonte les filets ? Tu me laisseras t aider hein papa ? " Méthos contemple son fils : 8 ans. Qu est-ce que 8 ans, une seconde dans son univers ? A cet instant, il lui semble pourtant que l éphémère peut se confondre avec l éternité. Le monde, son monde est en équilibre, au bord du précipice. Il ferme les yeux et supplie une divinité inconnue " Ne le laissez pas, ne me laissez pas basculer ". Il prie, il espère avec ferveur, il sait pourtant que c est inéluctable. " Papa ! Qu est-ce que tu fais ? On le remonte, ce filet ? " ************************** New-York Un mois plus tôt Encore une journée de pluie battante. La foule se presse, se croise, s ignore, elle semble glisser en un flot continu, tout comme la pluie qui glisse sur les vêtements sans les mouiller. " Il y a quelque chose à dire en faveur du 23ème siècle. Tous ces textiles intelligents... " Et Connor Mac Leod ne peut retenir un sourire en passant à Lauren et ses collants hydratants qui lui laissent la peau si douce et parfumée. A ses dessous qui changent de couleur avec son humeur, et qu il aime tant faire virer au rouge flamboyant. Ca l amuse comme un gosse, à son âge... Lauren si belle, si tendre, si drôle aussi... Une femme comme il n en trouve qu une par siècle. Il lui a dit qu il était trop vieux pour elle, elle a ri " Et alors, on vit tous jusqu à 120 ans maintenant ! Même si tu as déjà 80 ans, ça nous laisse encore 40 ans à vivre ensemble, ça vaut le coup non ? " Lauren à qui il parlera peut-être, sûrement, enfin, probablement. Lauren qui a rencontré Jack à qui elle a plu d emblée. " On dirait une princesse, papa " Oui elle règne sur son cSur, il va le lui dire, lui demander d emménager avec lui. Juste après Noël. ********************** Philippines Il se souvient de leur dernière conversation. C était à l aéroport. Connor avait l air vaguement encombré avec sa poussette. Content, aussi... Il y avait pas mal de monde. C était il y a 13 ans... " Tu retournes dans ton petit royaume, alors ? " avait demandé Connor, sans le regarder vraiment, le regard tourné vers la queue de touristes qui patientaient face aux portes d embarquement. " Oui, c est un peu trop chaud pour moi par ici. Tu es sûr que tu ne veux pas m imiter ? Ils sont de plus en plus pressant, ceux qui veulent nos têtes " Un sourire plutôt cruel découvrit les canines de Connor " Qu ils y viennent ..." Méthos considéra Connor, la tête légèrement penchée sur le côté. Oui, qu ils y viennent, ils trouveraient lame à qui se frotter " Comme tu veux. Moi, je préfère me tenir à l écart " " Tu attends que le grain soit passé " Connor n était pas dédaigneux, non, il faisait simplement un constat. Méthos sourit " En quelque sorte. Qu est-ce que tu feras, si on est les deux derniers ? " Connor marqua une pause. " Je ne sais pas. Je ne te tournerai pas le dos ? " Sur ces mots, il prit les anses de la poussette, jura entre ses dents alors qu il avait oublié de débloquer les freins. Ignorant Méthos, il s éloigna avec l enfant endormi. Methos secoue la tête, fermant brièvement les yeux. " Merde... " Et maintenant, il attend l arrivée de Georges Dawson, arrière-arrière-arrière-arrière-arrière petit-fils de Joe Dawson, de la famille Dawson, guetteurs de père en fils, ou de mère en fille, selon les générations. Georges Dawson qui atterrit tout à l heure à l aéroport de Kalipo, accompagné de Jack Mac Leod, fils adoptif de Connor Mac Leod. Est-ce qu il lui reste quelque chose à boire ? ******************** Le même jour, dans l après-midi Méthos plisse les yeux face à l horizon. Il est debout, pieds nus, sur la plage. Régulièrement, il modifie imperceptiblement la répartition du poids de son corps. Il sent alors ses pieds s enfoncer dans le sable blanc et fin comme de la poudre. Célie se presse contre lui. " Tu aurais peut-être du aller chercher tes amis à l aéroport, tu ne crois pas ? " Méthos hausse les épaules. Ses amis ? Plutôt le descendant d un ami, ou de ce qui s en rapproche le plus pour lui... Et un gamin qu il n a pas vu depuis 13 ans. Célie lui passe une main réconfortante dans le dos, lui effleure l épaule de ses lèvres. " Rentre avec moi dans la maison veux-tu ? On les entendra bien arriver de toute façon " Mais Méthos secoue la tête, il restera ici, à attendre. " Rentre, toi. Je te rejoins plus tard " Il l embrasse rapidement sur la bouche, se détachant d elle. Elle le regarde au fond des yeux, cherchant une réponse qu elle ne trouve pas. Elle l aime pourtant, mais elle a conscience de ne pas le connaître, de n apercevoir de lui que ce qu il veut bien rendre visible. Elle laisse les choses comme elles sont, elle se contente d être là pour lui, et elle sait qu il l aime autant qu il peut aimer une femme. Et qu il adore son fils. Leur fils. Elle appose une dernière fois légèrement la main sur son flanc. " D accord, à tout à l heure " et elle s éloigne sans se retourner, elle progresse avec la grâce innée de celles qui marchent sur le sable depuis leur enfance, elle semble presque danser. Arrivée à l entrée de leur bungalow, elle hésite un instant face aux marches puis elle les gravit sans se retourner. Sa silhouette disparaît dans la véranda. Méthos regarde toujours la mer. Elle est très bleue, plate, tout comme le ciel sans nuage et sans vent où ne vole aucun oiseau. La chaleur est écrasante, faisant vibrer la lumière sous l horizon, chauffant le sable jusqu à l insupportable. Pourquoi ce paysage évoque-t-il soudainement la fin du monde ? ********************** Au coucher du soleil L astre qui descend à l horizon l empêche de distinguer le bateau autrement qu en ombre chinoise. Au fur et à mesure que l embarcation s approche du rivage, Methos sent ses épaules se raidir, l appréhension monter. Des micro-frissons traversent ses avant-bras. " Putain Connor, qu est-ce qui t a pris, tu as perdu le sens commun ou quoi ? " La voix de Connor, telle qu il l a entendue il y a treize ans, résonne à ses oreilles " Je ne te tournerai pas le dos " " Et tu as changé d avis en 13 ans ? " pense Méthos avec une incertitude mêlée de crainte. Plus de 5000 ans et il n est toujours pas sûr de ce dont il est capable. L occasion fait le larron.... Le ciel est désormais chargé, le gris acier des nuages laisse présager la pluie imminente, brutale. Le " prao " s immobilise à quelques mètres de la plage, Juan, l un des pêcheurs qui habitent l île, s avance dans l eau jusqu à mi-cuisses, attrape une corde que lui lance le marin pour tirer le bateau un peu plus haut vers la rive. Méthos, silhouette figée, observe la scène. Georges Dawson enjambe assez maladroitement le rebord du bateau ; il a retroussé le bas de son pantalon dans l espoir vain de rester sec, note Méthos avec une certaine satisfaction. Il a omis de le prévenir que l arrivée se fait dans l eau. Arrivé en bas de la planche qui sert de passerelle, le guetteur s arrête, se tourne vers l enfant non, rectifie Methos, presque un adolescent dégingandé qui le fixe, la mine grave, les yeux rougis et cernés. Méthos ressent un élan de pitié qu il réprime, et il ne bouge toujours pas. Jack, puisque ça ne peut être que lui, descend à son tour. Il est pratiquement trempé jusque la taille mais il n a pas l air de s en rendre compte. Il s avance jusqu au sable sec, sans vraiment regarder autour de lui, sans même paraître remarquer la présence de Methos. Dawson et Juan ploient sous le poids des bagages qu ils maintiennent à hauteur d épaules, en dehors de l eau. Les premières gouttes, très denses, viennent s écraser sur le sol, elles se noient dans la mer, elles s étalent en grosses taches mouillées sur les hommes. Jack ne bouge plus, absorbé par la contemplation de ses orteils. Oh puis après tout, ça doit être sa décennie pour les sentiments paternels. Méthos s approche de l enfant, lui pose doucement la main sur l épaule puis l entraîne vers le bungalow. " Viens " dit-il " Encore une minute et c est le déluge. Viens dans la maison ; je vais te présenter Célie et Paul " Célie, en vraie mère poule, enveloppe Jack de serviettes pour le sécher et l emmène prendre une boisson dans la cuisine. Paul leur emboîte le pas, tout excité par ce nouveau compagnon qui jouit à ses yeux d une aura que lui confère son statut de " grand ". Célie et Méthos ont échangé un regard ; il a besoin de temps pour discuter de la situation avec Georges Dawson, elle gardera Jack hors de portée de la conversation qui va se dérouler. Les deux hommes se rendent dans le bureau de Méthos. C est la seule pièce climatisée en permanence. L immortel tient trop à ses ouvrages pour les exposer à l humidité. Ils sont sagement alignés le long des rayonnages qui courent tout au long de la pièce et jusqu au plafond. Tout n est pas là, le guetteur en est certain. Les ouvrages les plus précieux, ceux ouverts plus rarement sont dans un garde-meuble à Paris. La pièce est intemporelle. Deux fauteuils en cuir autour d une table basse, des kilims jetés sur le sol, des batiks et vêtements traditionnels anciens suspendus aux murs, un mélange d exotisme et d atmosphère de club anglais. Très colonialiste, songe soudain Dawson qui n est pas certain de trouver Methos sympathique. " Je vous offre une bière ? " La voix de Méthos interrompt ses réflexions. Un point au moins sur lequel les chroniques n ont pas menti : l homme boit de la bière depuis qu elle existe... Méthos a lui concentré son attention sur le guetteur. Celui-là, il ne l a encore jamais rencontré. Il y a eu des descendants de Joe avec qui il a été ami, d autres qu il n a jamais connus, parce qu il ne s en est pas donné la peine ou parce qu ils attachaient trop d importance à leur serment. Grand bien leur fasse, il n a jamais perdu les connections qui lui permettaient d obtenir tous les renseignements nécessaires à sa survie. Georges ne ressemble pas à Joe, et de cela Méthos est reconnaissant. Il est plutôt de mauvaise humeur et assez mal disposé envers le nouvel arrivant. Tant mieux si celui-ci ne lui rappelle pas de vieilles amitiés... La pluie frappe aux carreaux avec violence, il fait déjà très sombre, presque noir. La lampe de table projette un halo faible qui n atteint pas le visage de Methos resté en retrait, appuyé à un rayonnage. Puisqu il pressent qu on ne l y invitera pas, Georges Dawson s installe dans un fauteuil en cuir, sa bière à la main. Le fauteuil est bas, trop bas, et mou, trop mou. Le guetteur se sent en position d infériorité, d autant plus qu il est maintenant éclairé par le cercle de lumière. Il s éclaircit la gorge, attend que son hôte prenne la parole, mais celui-ci, après avoir proposé la bière, reste silencieux. Les bras croisés sur son torse, dans l ombre, il attend. " Quoi, ce type a plus de 5000 ans ! C est dingue, il est comme moi " Enfin, si le guetteur est honnête, Méthos a un peu plus de cheveux et un peu moins de bedaine. Pas du tout de bedaine, d ailleurs. Il fouille dans sa poche. " Heu, Connor Mac Leod m a chargé de vous remettre ça. Enfin, je veux dire, il m avait chargé de vous remettre ça, au cas où... " Il se souvient : New-York quelques mois plus tôt Ca avait été un choc ce jour-là. Georges Dawson faisait son devoir de guetteur, c est-à-dire qu il suivait tant bien que mal, et plutôt mal que bien, Connor qui faisait son jogging dans Central Park. La température était idéale, 22 degrés grâce au dôme qui recouvre en permanence le poumon de New York, protégeant la végétation des effets nocifs de la pollution. Ce n était cependant pas l aspect le plus facile de son travail, il n avait ni l âge ni l endurance nécessaire pour suivre un immortel au pic de sa forme physique. D habitude, il s organisait avec deux juniors qu il chargeait de suivre Connor sur une partie du parcours. Ca marchait plutôt bien, même si parfois l immortel disparaissait pour réapparaître des heures voire des jours plus tard. Il songeait avec nostalgie à son ancêtre qui avait établi des rapports d amitié avec son immortel. Ca devait tout de même être plus facile d obtenir les comptes-rendus directement de la bouche de l intéressé plutôt que de suer sang et eau, c est le cas de le dire, pour les obtenir. Bref. Il était seul ce jour là, et il avait de plus en plus de mal à suivre, il était rouge et trempé, sa respiration si sifflante qu il se demandait s il n allait pas avoir la première crise d asthme de sa vie, son coeur lui semblait prêt d éclater et il pensait devoir bientôt renoncer. Connor fit alors demi-tour et se dirigea droit vers lui en trottinant, frais et dispo. " Je sais qui vous êtes et vous savez qui je suis. Alors, prenez cette enveloppe. Dedans, il y a tous les détails nécessaires. Au cas où, vous contactez mon avocat et il vous remettra une lettre et un paquet pour Méthos. Je suppose que vous savez toujours où il se trouve ? " Connor avait appuyé sa question d un regard ironique, puis il s éloigna à petites foulées. Au bout d une dizaine de mètres, il se retourna : " Pour l entraînement, vous devriez y aller plus progressivement ". Ce jour-là, Georges Dawson avait encore perdu son immortel. Certes, ce n était pas étonnant que celui-ci connaisse l existence des guetteurs, son cousin avait du l en informer, mais qu il l ait identifié, lui, toujours si prudent. Après ça, sachant que l autre savait qu il était là, en train d observer, Georges se fit un peu plus l effet d un voyeur. Méthos hocha la tête et empocha la missive sans la regarder, à la grande déception du guetteur. " Il y a aussi un paquet pour vous ..." Sa voix hésita, traîna sur la dernière syllabe. L autre ne lui rendait pas les choses faciles. " Vous voulez peut-être que je vous raconte comment ça s est passé ? " Voyant que Méthos ne s opposait pas à sa suggestion, il entreprit de conter son histoire. **************** New-York 3 jours plus tôt La journée a plutôt bien commencé pour Connor Mac Leod. Lauren a passé la nuit dans son appartement, elle est toujours endormie, pratiquement en travers du lit. Elle est abandonnée sur l oreiller, la courbe d un sein à demi-révélée par le drap froissé, à demi-cachée par une longue mèche de cheveux blond cendré. Son bras, gracile, tombe mollement dans le vide au bord du matelas. Le rouge sang de ses ongles se reflète dans le soleil naissant, projetant sur l épée tout proche comme des taches funestes que Connor ne voit pas. " Tu veux vraiment dormir avec cette épée ? " avait-elle un jour demandé, plus étonnée qu inquiète. " Elle ne me quitte jamais ". " Jamais ? " Son regard se fait rieur, s abaisse. " Ah oui, ça c est vrai ! ! ". Et elle abandonne le sujet. C est aussi pour cela qu il l aime ; elle a cette capacité à lui faire totalement confiance, à l accepter sans le questionner, sans jamais le pousser. Il l en aime d autant plus mais s effraie de sa vulnérabilité. " Merci mon dieu, elle ne sera jamais part du Jeu ". Pour l heure, Lauren dort, le grain de sa peau est velouté dans la douce lumière du matin, sa bouche est entrouverte sur un ronronnement qui le fait sourire. Une goutte de salive perle au coin de ses lèvres et ce signe l émeut, elle a le sommeil d un enfant. Il force ses pensées à se détourner d elle et saisit son épée. Il est grand temps pour lui de s exercer : il n y a que les dimanches de décembre où il dort jusque 9 heures ! ! Bientôt il ira courir dans l air glacé, il fait froid par ce matin de décembre à New-York. Une fine pellicule de neige tombée pendant la nuit recouvre les chaussées encore désertes si ce n est pour les tramways qui glissent silencieusement, emportant avec eux les âmes perdues ou matinales. Il est bientôt absorbé dans son Kata, sa concentration est totale et il en oublie Lauren qui se réveille, s étire langoureusement, très langoureusement et s installe confortablement sur le ventre, le menton dans les mains et les coudes sur le lit, pour observer son amant. Elle a replié les jambes et se frotte les pieds l un contre l autre tandis qu elle admire le jeu des muscles, la fluidité du corps, la précision des mouvements. Le regard fixe et presque vide de Connor lui fait penser qu elle le connaît bien mal. Pourtant, elle se sait en sécurité avec lui, même si cette certitude dément son impression que cet homme est dangereux. Lorsqu il a terminé, elle l interpelle rêveusement " Finalement, je t aime beaucoup avec ton épée. C était très beau " Il lui sourit, s approche et se penche sur elle pour prendre dans un baiser ses lèvres entrouvertes. Il ne croit pas qu il pourra patienter jusque Noël pour lui parler. " Je pars courir puis je vais chercher Jack. Reste telle que tu es, garde le lit au chaud, je reviens dans une heure avec les croissants " Elle rit " Tu n y penses pas, que dirait Jack ?Déjà que tu l expédies dormir chez Fred pour pouvoir profiter honteusement de moi " Il rit à son tour, lui applique une tape sur les fesses à laquelle elle proteste vigoureusement, puis il part. La porte de l appartement claque derrière lui, Lauren, avec un soupir de satisfaction, se rallonge sur l oreiller et ferme les yeux. Tant de bonheur... Connor marche dans les rues de New York au côté de son fils Jack. Celui-ci lui parle avec animation, lui racontant dans les détails le dernier jeu virtuel acquis par Fred. Ils ont joué des heures avec les personnages en trois dimensions qui ont pris possession de la chambre des garçons, la transformant en champ de bataille médiéval. " Et avec mon épée, j ai décapité le chevalier noir, c est la première fois que j y arrive ! " se vante Jack. Connor sourit sans rien dire, un peu amer... Père et fils marchent tranquillement, complices, sur les avenues larges et presque désertes. Depuis 100 ans que la circulation privée a été interdite, et que le numerus clausus a été mis en place dans le centre ville, on y respire mieux. Lorsque Connor ressent le bourdonnement qui marque l approche d un autre immortel, il s inquiète... Il s en doute, il n y a plus beaucoup d immortels qui restent, et tous les " bons " sont partis. Excepté Méthos, isolé sur son île. Enfin, si tant est qu on puisse ranger Méthos du côté des " bons "... La rencontre va donc probablement être hostile, et Jack est avec lui ! Il hésite, devrait-il envoyer Jack rejoindre Lauren à l appartement, seul ? Mais si l immortel s en prenait d abord à l enfant, pour mieux piéger Connor ensuite ? Il a toujours vécu à New York au vu et au su de tous, il est là pour tous les immortels qui le cherchent. D ailleurs, ils le cherchent tous, s il en croit le nombre de ceux qui sont venus le trouver... et ont perdu la tête dans la foulée. " Qu ils y viennent " avait-il dit à Methos il y a, quoi, 12, 13 ans. Et ils sont venus... parfois un par mois, parfois, trois la même semaine. Depuis dix- huit mois, le flot s est tari, pas un défi. A tel point qu il s est demandé s ils n étaient pas les derniers, Méthos et lui. Enfin...presque. Pour l heure, son opposant apparaît devant lui et le salue. Connor n est toujours pas sûr de ce qu il devra faire de Jack. L autre immortel parle, emportant sa décision. " Connor Mac Leod, content de te rencontrer enfin. Et avec ton fils. T en fais pas, je m occuperai de lui après, et de ta jolie petite amie. Ils ne te pleureront pas longtemps. " Connor, qui a durant des nuits sans sommeil retourné toutes les situations dans sa tête, examiné tous les angles possibles, sait ce qu il reste à faire. " Reste avec moi, Jack. Tu n interviens pas, tu restes en retrait, mais si je perds, tu fais ce dont on a discuté, d accord ? " Jack, les yeux agrandis par la peur, acquiesce sans un mot. " Ha, le tendron assiste au spectacle ? Tu verras fiston, les effets spéciaux sont encore mieux que dans tes jeux virtuels " Connor a le coeur au bord des lèvres, jamais il n aurait voulu mêler Jack à tout ça. Mais voilà 13 ans que c est trop tard. Pendant un instant, il maudit Cassandra. Puis il se concentre, chasse de son esprit toute pensée qui n est pas son adversaire, la façon dont il bouge, sa prise sur l épée qu il vient de dégager de son manteau. Cette caricature de méchant ne peut pas être une menace bien sérieuse. Quoique... Il a appris à ne pas juger par les apparences. Et ce type est l un des derniers. Sans un regard en arrière pour Jack, il emboîte le pas à l autre immortel, le suit dans l allée toute proche. Il est raisonnablement confiant qu il va gagner. ****************** Le guetteur interrompt son récit pour prendre une nouvelle gorgée de bière. La nuit est noire désormais, on n entend que le bruit de la pluie qui frappe aux carreaux avec toujours plus de violence et le tic-tac incongru d une horloge. Dawson, qui n en a jamais vu que dans les livres d image, se demande furtivement combien elle peut valoir avant de se reprendre. Comment peut-il se poser des questions si triviales dans un moment pareil ! Le vent s est levé dehors et souffle par les interstices de la fenêtre en un feulement inquiétant, il lui semble entendre gémir l âme des morts. Le visage de Méthos a maintenant complètement disparu dans la pénombre, sa silhouette est parfaitement immobile, Dawson pourrait presque se croire seul dans la pièce. Presque, si ce n était pour cette présence qui semble d une manière inexplicable peser sur lui. Le silence s étire quelques minutes, Dawson rassemble ses esprits, réfléchit aux meilleurs mots pour témoigner de ce qu il a vu. L immortel attend, sans impatience, les bras croisés. Il semble indifférent et le guetteur en est presque choqué. C est quand même d un ami dont il s agit. Et la perspective du prix ne l émeut pas plus que ça ? Puis il se dit que le temps n a sans doute plus de valeur pour un homme qui a plus de cinq mille ans, ce ne sont pas quelques minutes qui changeront quelque chose à une situation d ailleurs irréversible. Dawson s éclaircit la gorge plusieurs fois, puis, d une voix qui s affermit au fil des mots, il entreprend de relater les événements qui marquent sa dernière surveillance de Connor Mac Leod du Clan Mac Leod, cousin de Duncan Mac Leod, élève de Ramirez, négociant en antiquité, guerrier valeureux, maître du Jeu. Amant de Lauren, père de Jack. Immortel. Mort. ******************** Les péchés de nos pères (2/4) New-York trois jours plus tôt Les deux hommes se font face dans l allée bordée d immeubles en état de délabrement avancé. Jack se tient à quelques mètres de là, sous un porche. L enfant a les lèvres bleuies par le froid, les traits tirés et pales. Connor se tient debout face à son adversaire. Il a sorti son épée qu il tient pour l instant le long de son corps, la pointe tournée vers le sol. Ses yeux ne reflètent que le vide tandis qu il étudie son adversaire. Il ne parle pas. Il attend. L autre a le physique d un guerrier Hun, les lèvres sensuelles et cruelles, les cheveux noirs et luisants attachés en queue de cheval au sommet de sa tête, les yeux bridés et plissés au coin. Il a surtout l air d une brute sortie tout droit de la suite d Attila. Il n est pas très grand et Connor se dit que c est à son avantage, il aura moins de portée avec son sabre. Les deux hommes s observent et ne bougent pas. Connor est bon à ce jeu, certains disent même qu il est le meilleur. Il conserve sa concentration intacte, son bras semble détendu et pourtant il est prêt à réagir à l instant même où le regard de son adversaire trahira son intention d attaquer. Mais l autre semble lui aussi tout aussi doué à la guerre des nerfs. Si Connor pensait, ça ne l étonnerait probablement pas. Ce type est tout de même l un des derniers, il est fini le temps des affrontements de cour d école et des agneaux au sacrifice. Mais Connor ne pense pas, il se projette vers l autre, entre en symbiose avec lui, avec sa respiration, les battements de son coeur. Il veut connaître avant l immortel sans nom le moment où celui-ci va se décider. Les minutes s écoulent, très longues. Jack n ose pas regarder sa montre de peur de rater l instant crucial, mais il est transi de froid et a l impression d être là depuis des heures. Il se mord les lèvres dans son effort pour ne pas se ruer vers son père en pleurant, à tel point qu une goutte de sang perce sur sa lèvre. Le goût métallique qui filtre à l intérieur de sa bouche, combinée à l envie pressante qu il ressent et qui le font craindre de se mouiller sous lui le font gémir de manière presque imperceptible. Le sbire d Attila n a probablement rien entendu. Mais c est ce qui décide Connor à attaquer le premier. Jack. Pour lui, il veut en finir. Au moment où il attaque, il sait qu il a fait une erreur. Il a mis l autre en position de supériorité. L inconnu pare aisément et le combat s engage. Au bout de quelques échanges, Connor a rétabli l équilibre. Mais il a laissé passer sa chance de dominer d emblée. Les deux hommes sont de force égale et le combat est brutal. Leurs bras ne tremblent pas sous la violence des coups mais tout autre qu eux verrait son épaule démise aussitôt. Ils attaquent, ils contrent, ils feintent, ils parent. Ils avancent, ils reculent. Leur haleine forme de la buée dans cette froide matinée de décembre, la transpiration commence à perler sur leur front, à la commissure de leurs lèvres. Jack a enfoncé son poing dans sa bouche pour ne pas hurler. Il lui semble assister à un combat de titans. Les deux immortels sont soudain éloignés l un de l autre de deux ou trois mètres, hors de portée d épée. ils reprennent leur souffle. Le Hun sourit. " Pas mal... Vous permettez que je me présente, histoire que vous sachiez qui vous expédie en enfer ? " " Pourquoi pas, ça me permettra de commander une plaque pour votre tombe " rétorque Connor sur le même ton. Il est maintenant complètement pris dans le plaisir du jeu, l envie de tuer le taraude. L adrénaline est d autant plus forte qu il sait qu il pourrait ne pas gagner. Et perdu dans l instant, dans la bataille, il oublie Jack, et Lauren, le danger l excite. " On m appelle Attila. Même si voilà quelque temps que j ai abandonné à regret mon patronyme. Trop populaire... " Bluff ou pas, Connor l ignore. Il plaisante froidement au moment où il attaque. " Et bien, en selle... " Les quelques minutes de pause ont redoublé son énergie. Il porte avec ardeur une succession rapide de coups croisés à l épaule et au flanc de son adversaire. Celui-ci pare à reculons, l expression intense de son visage trahit la mobilisation de toutes ses ressources alors qu il intercepte chaque coup d épée. Il glisse soudain sur la neige et perd pied, il part à la renverse, prêt à tomber dans une flaque de neige fondue. Connor s avance vers lui pour porter le coup fatal. Jack retient son souffle. Et pourtant... En plein déséquilibre, Attila, ou celui qui prétend s appeler ainsi, par en dessous et d un geste si rapide que ni Jack ni le guetteur ne le distingueront, étripe de son sabre Connor Mac Leod. Le coup porté tant de fois par tant d ennemis au cours des siècles a enfin atteint son but. Connor tombe au ralenti la face dans la neige, Attila roule sur le côté et se relève d un bond souple, le sabre levé, prêt à terminer cette bataille. Au moment où le sabre décrit son arc parfait dans l air bleuté, Connor pousse un râle étouffé " Jack ! " Attila prend ça pour le cri de détresse d un père, mais Jack sait lui, que Connor vient de le rappeler à l ordre. Il sait ce qui lui reste à faire. ******************** La porte du bureau s ouvre avec un grincement et Jack pénètre dans la pièce. Il a les cheveux fraîchement lavés et peignés sur le côté, il porte un T-shirt marqué " Jeux Olympiques de Phnom- Pehn 2240 " Ne vous interrompez pas pour moi " dit l adolescent au guetteur. Celui-ci se sent terriblement gêné et ne sait pas comment continuer. " Vous parliez bien de papa ? Je peux continuer si vous voulez, j étais là. " Sa voix a soudain une note d amertume sarcastique qui rappelle irrésistiblement Connor à Méthos et le fait s interroger sur le caractère biologique des lois de l hérédité. Jack se tourne franchement vers l immortel, il s exprime avec une note de défi " Vous voulez connaître la suite ? " Méthos acquiesce d un signe de tête. Georges Dawson lui, souhaiterait soudain se transporter à des kilomètres de là, sur Mars de préférence. Mais l enfant se tient entre lui et la sortie, il est adossé à la porte. Dawson rajuste sa position dans le fauteuil, il porte son verre à ses lèvres. Il est vide. " Il y a eu des éclairs, j en avais jamais vu autant. Bien plus que quand j ai surpris papa en train de combattre cette femme il y a deux ans. Ca n arrêtait pas, j ai cru que toute la rue allait s écrouler et que le type allait prendre feu sur place. Dès que ça a eu l air de se calmer un peu, je me suis approché. J ai fait comme on avait planifié avec papa " Jack parle d une voix ferme, mais il accroche sur la deuxième syllabe de papa. Après avoir marqué une pause, il reprend son récit d une voix plus monocorde encore. " J ai toujours un spray de gaz paralysant. Je lui en ai envoyé un jet, bien qu à mon avis, ça n aurait peut-être pas été nécessaire. Il était complètement incapable de bouger. Sur ses genoux, les mains posées sur le sol, la tête enfouie par terre. J ai ramassé l épée de papa. Je l ai levée, et puis j ai décapité le type " Jack se tait, il ne rentre pas plus dans le détail, il ne dit pas le poids de l épée, comment il a craint un instant ne pas pouvoir la soulever suffisamment à deux bras pour prendre l élan nécessaire. Comment il a fermé les yeux au moment de l impact, augmentant la pression. Curieusement, il se serait attendu à plus de résistance. Mais l adrénaline décuple ses forces, il croit presque couper du beurre. La tête retombe lourdement sur le sol, l épée tombe sur le sol dans un claquement métallique, le sang jaillit, aspergeant Jacques qui recule d un bon, incrédule et horrifié. Il se détourne alors et il se met à courir, aussi vite qu il le peut, loin de cette scène de carnage. Il court comme il n a jamais couru dans sa vie, l esprit vide de toute pensée si ce n est celle de fuir, de retrouver la chaleur et la sécurité de l appartement, de trouver refuge dans les bras de son père qui saura le protéger de tout ce qui est mauvais. Seulement il n a plus de père alors il court, des larmes dont il n a pas conscience coulant sur son visage. Il trébuche à un moment et s étale de tout son long sur la chaussée, il se relève, il a les genoux écorchés, les mains en sang, encore plus de sang. Il manque de se faire écraser par un tramway électrique qui approche silencieusement. Seul le système de freinage automatique de la machine l empêche de passer sous les roues. Il court, encore, toujours. Il atteint l enseigne familière du magasin d antiquité, il n a même par l idée d utiliser sa clé ou l interphone. Il tambourine à la porte. " Ouvrez-moi, ouvrez-moi " Lauren ouvre la porte. Jack, hagard et ensanglanté, se précipite dans ses bras en pleurant, il tient des propos inarticulés, incompréhensibles. Et Lauren sent son propre coeur se serrer progressivement, car jamais, jamais Connor n autorise Jack à marcher seul dans les rues de New-York. ********************* Célie frappe à la porte, entre en s excusant, visiblement soulagée de retrouver Jack mais coupable de l avoir laissé échapper à sa garde. " Tu viens dîner avec nous, Jack ? Je sais, après ce long voyage, tu ne dois pas avoir très faim, mais c est important de se mettre tout de suite à l heure locale, tu sais " L adolescent hoche la tête pour donner son accord et sort de la pièce sans un regard pour ceux à qui il vient de relater son acte. Il a redressé les épaules et sa colonne vertébrale est trop droite, observe Methos. Les deux hommes sont à nouveau seuls, leurs positions inchangées, Méthos debout et dans l ombre, Dawson éclairé et assis. Et l Immortel n a toujours pas parlé, ce qui rend décidément le guetteur très nerveux. " Vous êtes sur que vous ne voulez pas vous asseoir ? " Méthos se déplace alors et s affale dans le fauteuil de cuir qui fait face à celui de Dawson. Celui-ci conclut. " Bref, voilà l histoire. Vous êtes le dernier des immortels maintenant. Mais, c est une situation que nous n avions pas prévue. Nous ne savons vraiment pas si vous pouvez avoir le prix puisqu il n y a pas eu d ultime affrontement et de Quickening, grâce à Jack " Dawson a le sentiment de bavarder sans s arrêter, d autant plus que l Immortel plusieurs fois millénaires qui lui fait face n a toujours aucune réaction. " Enfin, voilà, vous savez tout " Il se racle la gorge " Je suppose que vous ne me laisserez pas m installer sur Solipo ? " Méthos ne répond toujours pas mais Dawson n a vraiment pas le sentiment que qui ne dit mot consent. Il a un drôle de petit rire " Enfin, bref. Je suppose que voilà. Me voilà en retraite. Je vais boucler la chronique de Connor. Peut-être que vous pourriez nous envoyer un rapport sur vos activités de temps en temps, pour la bonne tenue des dossiers ? " Il essaie de plaisanter pour alléger l atmosphère mais se rend compte qu il échoue lamentablement. " Hmm. Heu... Et pour Jack, vous comptez le garder près de vous comme M. Mac Leod le souhaitait ? " " Je vais y réfléchir. Peut-être " Et c est tout ce qu offre Méthos. " Vous voulez aller prendre une douche ? " Dawson comprend que son congé lui a été donné. Il prend soudainement conscience qu il est sale, que ses vêtements sont chiffonnés, que la sueur et les embruns mêlés lui collent à la peau. Il se lève et quitte la pièce, laissant celui qu il pense être le dernier des Immortels perdu dans ses pensées. ********************** Methos est allongé sur le dos, il a les yeux grands ouverts. Il fixe sans pouvoir le distinguer le plafond de la chambre. C est la nouvelle lune. Célie dort, couchée sur le côté, sa chemise de nuit emmêlée et remontée en haut de ses cuisses, le drap repoussé à ses pieds. Ils n ont pas fait l amour ce soir, Methos est trop préoccupé pour pouvoir éprouver du désir. Il réfléchit. A Connor, à Cassandra, à Jack. Mais qu est-ce qu il va bien pouvoir faire de lui. Les derniers mots de la missive de Connor dansent devant ses yeux. " Il n y a pas de meilleure place pour élever un louveteau qu avec la meute. Je te confie Jack, Methos. Prends-en soin " L immortel secoue la tête dans le noir, il se sent piégé. *********************** Le petit déjeuner du lendemain est une affaire empruntée, malgré tous les efforts de Célie pour mettre tour le monde à l aise et le décor idyllique. Comme d habitude, la table est dressée face à la mer, sur la véranda qui court tout autour de la maison. Les meubles sont en tek véritable, note Dawson avec admiration, lui qui n a jamais vu que dans les musées et dans les films d époque des meubles en bois... et chez les immortels, rajoute-t-il intérieurement. Si l interdiction du commerce de l ivoire n a pas réussi à sauver les éléphants, une espèce qui s apparente presque pour lui au dinosaure, la réglementation sur l utilisation du bois a contribué à sauver bon nombre de forêts. La pluie de la nuit précédente a rafraîchi l atmosphère et la brise a chassé les derniers nuages. Sur la nappe en batik, des victuailles colorées : salade de fruits tropicaux, confitures de mangue et de fruits de la passion, du pain maison encore chaud et croustillant... Mais seul Paul montre vraiment de l appétit. Il ne mange pas, il dévore et tente avec une persévérance louable d intéresser Jack à ses projets de la journée. Celui-ci a les yeux rouges et cernés, signe d une nuit sans sommeil. Méthos n a pas l air tellement mieux et cela surprend Dawson qui ne soupçonnait pas que le plus vieux des Immortels et le Highlander étaient aussi proches. Méthos ne regarde personne, il ne touche pas au contenu de son assiette. Il se lève soudainement, repoussant sa chaise. " Je vais pêcher " Tout le monde se regarde, étonné. C est marée basse et il risque de racler les coraux, lui qui a passé tant de temps à éduquer les insulaires au respect de leur patrimoine marin. Il s éloigne sans ajouter un mot et bientôt, chacun peut le voir bander ses muscles sous l effort de tirer le prao sur plusieurs mètres afin le mettre à flot. Georges Dawson, en observant la silhouette longiligne, se dit que les apparences sont trompeuses. " Vous reprendrez bien un peu de café, M. Dawson ?" La voix de Célie interrompt sa contemplation. Débarrassé de la présence pesante de Méthos, le guetteur parvient enfin à apprécier son petit déjeuner. ************************** La pirogue se balance doucement sur la mer d huile. Méthos penche la tête en arrière, laisse les rayons du soleil caresser son visage. Bientôt leur tiédeur se transformera en brûlure. Pour l instant c est divin. Mais il ne parvient pas à trouver l apaisement. Il tourne et retourne dans sa tête les mots de Cassandra. Il voit le visage de Jack. S il savait quel dieu prier, il le supplierait de l aider. Qu il résiste à la tentation. Et si Connor avait commis sa dernière erreur, sa plus grave erreur ? ******************** New-York été 2244 La famille qui sort en riant du restaurant s attire des regards admiratifs et indulgents. Les enfants d abord, l un aussi blond que l autre est brun, l un la peau claire parsemée de quelques taches de rousseur et l autre le teint basané, l un grave de nature en dépit du sourire qui égaie pour l instant son visage l autre exubérant et sans souci. La mère, très brune, très mate de peau, la silhouette pulpeuse à peine alourdie par les maternités. Elle a visiblement légué tous ses traits à son plus jeune fils. Le père enfin, grand et longiligne, l allure nonchalante et détendue, les yeux amusés tandis qu il suit l échange entre les deux garçons. La journée est chaude mais le ciel couvert, sans doute va-t-il pleuvoir bientôt. Ils décident de se rendre dans Central Park, où le dôme les protégera des intempéries. Les parents s assoient sur l herbe tandis que leurs enfants ne tardent pas à se joindre à un groupe d adolescents absorbé dans un jeu de ballon dont le père ne connaît pas les règles. Célie s est allongée, posant la tête sur les genoux de son mari. Elle regarde Jack et Paul jouer, courir, glisser, se relever, attraper le ballon, le perdre souvent, rire aux éclats. Elle tourne de temps en temps son regard vers Méthos pour lui faire partager son bonheur, sa joie d être là, tous ensemble. " On forme une vraie famille, tu ne trouve pas ?" Méthos coiffe les longues mèches brunes de ses doigts, il laisse courir une main caressante sur le visage, la ligne du cou, le renflement des seins de Célie. Il hoche la tête, prenant son temps pour répondre " Oui, c est vrai ". Il ne lui fait pas part de ses réticences passées, sur le point de s envoler. Ce voyage à New-York, il lui fallait le faire pour régler les affaires de Connor dont Jack est le légataire universel, avec Méthos pour tuteur jusqu à sa majorité. Mais il voulait le faire seul. C est Célie qui a insisté ; elle a toujours eu envie de connaître New-York, et puis Paul, à bientôt 10 ans, n a jamais quitté son île des Mers de Chine. Et surtout, c est important pour Jack, Jack, venu vivre avec eux il y a 18 mois, Jack que la simplicité de leur vie, le contact avec la nature ont aidé à retrouver la sérénité. Mais une sérénité trompeuse, Célie en est convaincue. Il faut qu il confronte les ombres de son passé avant qu elles ne se transforment en fantômes qui le hanteront toujours, pour se réveiller une nuit et le dévorer. Méthos a haussé les épaules, détourné le sujet cent fois. Confronter ses fantômes ? Il ne croit pas aux bienfaits de la confrontation. Qu on laisse le passé là où il est, enterré, oublié. Il a toujours évité ses propres regrets et souvenirs, et Dieu sait s il en a accumulé au fil des millénaires ; ils se bousculent dans sa tête, ils l assourdiraient s il leur laissait la parole. Mais il les fait taire justement. A son avis, Jack ferait mieux d en faire autant. Célie, avec une ténacité inhabituelle, a insisté, est revenue mille fois sur ce voyage en famille, et il a cédé, convaincu de faire une erreur. La douceur de ce moment à Central Park lui font oublier ses doutes, et lui aussi goûte l insouciance de ces instants, et l amour de ses proches. *************************** Les garçons sont restés à l hôtel tandis que Méthos et Célie vont faire des emplettes. Il l entraîne dans un boutique spécialisée qu il a parfois fréquentée, parce qu elle appartenait à une amie immortelle passionnée de lingerie, une femme fougueuse dont il fut parfois l amant, sans que cela les engage plus avant ni ne menace leur bonne entente. La boutique a survécu à sa propriétaire et de bons souvenirs envahissent Méthos alors qu il ouvre la porte et s efface pour laisser passer Célie. Celle-ci est ravie. Elle a peu de sous-vêtements, les porte rarement d ailleurs depuis que Méthos l y a incitée. Après tout, qui y a-t-il pour le savoir ? Aussi cette expédition l enchante, la débauche de dentelles et de couleurs la font glousser de plaisir, un gloussement qui n est pas sans rappeler à Méthos celui qu elle émet lorsqu il frotte sans pitié sa barbe de trois jours dans le creux de sa taille, lui mordillant les côtes tandis qu il l immobilise pour l empêcher d échapper à ses caresses. Pour l heure, il s est installé confortablement dans le fauteuil de la cabine d essayage, il la regarde parader dans des ensembles coordonnés qui mettent ses atouts en valeurs, il capte dans les miroirs qui tapissent la cabine le reflet d un sein galbé de dentelle, d une fesse révélée par un string moiré, ou au contraire sagement dissimulée par un tissu soyeux qui la moule pourtant comme une seconde peau. Il la regarde s amuser, prendre des poses mutines et provocantes, lui lancer des regards qu elle voudrait érotiques et qui se terminent par des fous rires. Elle essaie probablement tout le magasin mais le temps ne semble pas long à Méthos alors qu il contemple sa femme, sa maîtresse, la mère de son fils. Elle l enchante comme souvent, il se sent heureux et amoureux. " Prends-les tous " Elle émet un hoquet " Tous ? " Le regard de Méthos se fait appuyé. " Tous " La vendeuse est interloquée et presque rougissante, elle a l impression qu elle vient d entendre une proposition très indécente. Avec un regard envieux à Célie, elle part empaqueter la douzaine de dessous coordonnés qu ils viennent de décider d acheter, sans même consulter l étiquette. Le couple est sorti dans la rue, Célie se hisse sur la pointe des pieds et pose un baiser sur la mâchoire de Méthos. " Merci ". Puis elle se pend à son bras et tous deux s éloignent. Leur bonheur irradie et fait se retourner les passants. ********************** Lorsqu ils franchissent la porte vitrée qui mène dans le hall de l hôtel, Méthos est le premier à apercevoir Paul, assis dans un fauteuil face à l entrée, l expression de son visage tendue, son corps prêt à bondir vers les nouveaux arrivants. Deux enjambées et Méthos est auprès de lui. " Paul, qu est-ce qui se passe ? Où est Jack ? " L enfant répond " Je ne sais pas. Il est parti " L angoisse étreint Méthos, l envie le prend de ressortir dans la rue et de courir à la recherche de l adolescent. New-York est toujours la ville de tous les dangers pour un adolescent livré à lui-même. Et Jack est trop jeune encore... Mais il ne cède pas à sa première impulsion, cette course éperdue serait vaine. Doucement, il interroge son fils " Qu est-ce-qui s est passé ? Raconte... " Les deux garçons se sont rendus dans l immense salle de jeu installé au sous-sol de l hôtel. Paul, qui a grandi sur son île des Philippines loin de toutes les technologies n a jamais joué dans un espace virtuel. Jack lui décrit le réalisme du décor en 3 dimensions, des couleurs, des sons, des odeurs. Les personnages sont grandeur nature, discutent avec les joueurs et donnent l illusion d être palpables. Le jeune Philippin est enthousiasmé à l idée d être initié par son ami New-Yorkais. Les deux copains s enregistrent à la réception et indiquent au logiciel qui gère les jeux le nom par lequel ils veulent être désignés. Puis ils pénètrent dans la pièce. Un tournoi médiéval est en cours, des hommes s affrontent, lances à la main et heaumes baissés sur leurs visages. Un immense chevalier noir se place en travers du chemin de Jack. Dans sa main, il tient une épée. " Je te défie, Jack Mac Leod, à un duel jusqu à ce que mort s ensuive " Une autre épée apparaît dans l espace, semblant flotter en attendant que Jack s en saisisse, relevant ainsi le gant qui vient de lui être lancé. Paul est bouche bée, quel jeu incroyable. Mais Jack fait face aux chevalier, les yeux agrandis, comme paralysé. Soudain, avec un cri rauque, il fait demi-tour et s enfuit en courant. Paul essaiera en vain de rattraper son aîné de cinq ans, il court trop vite, beaucoup trop vite, il bouscule sans s excuser les clients de l hôtel, manque de s écraser contre la porte vitrée qui ne s ouvre pas suffisamment vite à son arrivée, puis il disparaît dans la foule de la rue. Paul hésite à le suivre, les avertissements de ses parents lui remontent à l esprit, il va s asseoir dans le hall en attendant leur retour. Méthos écoute attentivement les paroles de son fils, puis il sort à la recherche de Jack, non sans avoir recommandé à Célie et Paul de ne pas quitter la chambre, dans l hypothèse où l adolescent rentrerait de lui-même. L esprit ouvert, tous ses sens aux aguets, Méthos marche dans les rues, il s enfonce dans les ruelles puis revient sur les grandes artères, espérant qu il finira par localiser Jack. Espérant qu il le retrouvera entier et en bonne santé. Il est si jeune, trop jeune... Il marche pendant des heures, parcourt tout Manhattan. L inquiétude monte peu à peu en lui. Et s il ne retrouvait jamais Jack ? Autant chercher une aiguille dans une botte de foin tant est grouillante la foule qui se promène par cette belle journée d été. Il arrive à proximité du magasin d antiquité de feu Connor Mac Leod et, mû par une intuition, il se rend dans une allée voisine, celle-là même, lui a dit Georges Dawson, où le Highlander perdit la tête, et la vie. Alors qu il s approche de l endroit fatidique, il ressent le faible écho émit par Jack Mac Leod, fils adoptif de Connor Mac Leod, recueilli par Methos, pré-immortel. Jack est assis à même le sol, pelotonné sur lui-même, son corps tremble parfois au rythme, suppose Methos, de ses pleurs. L impression de détresse qu il dégage est si forte que l Immortel sent remuer au fond de lui des souvenirs enfouis de douleur, de tristesse, de vide à la suite d amours perdus. La compassion, ce sentiment qu il ressent rarement, l envahit. Il s accroupit près de l adolescent, cherche ses mots, n en trouve pas, alors il se tait et il attend. Il hésite à toucher le jeune garçon, esquisse le geste de poser une main réconfortante sur son épaule, s interrompt à mi-course. Sans bouger, il reste là. Jack prend peu à peu conscience de la présence d un autre qui s interpose doucement entre la douleur et lui. Il relève la tête, il a les yeux rouges, les paupières gonflées, les joues maculées de poussière et de larmes. " Methos... " L immortel ose alors le geste interrompu tout à l heure, puis, doucement, il fait basculer l enfant dans son étreinte. Jack murmure " C est là, c est ici... " sa phrase reste inachevée, se perd dans un hoquet qui se transforme en gémissements. " Chut...C est tout... " Combien de temps restent-ils ainsi, Méthos accroupi et immobile, tel l ancre qui retient le jeune Jack dont le corps se déchire en sanglots longs ? Le temps pour le soleil déjà bas dans le ciel de disparaître derrière les immeubles tandis que la pénombre envahit la ruelle. Jack se dégage doucement des bras de Méthos, il s appuie contre le mur gris et froid d un immeuble décrépi puis il se met à parler. " J avais onze ans quand j ai surpris papa engagé dans un combat. Lui ne s était pas aperçu de ma présence, il a gagné le combat, a coupé la tête de son adversaire et le Quickening a éclaté. J en croyais pas mes yeux. Sur le coup, j ai cru que ce que j avais vu ne pouvait pas être vrai, que ça faisait partie d un jeu sophistiqué. Et puis, j ai réalisé que papa s était battu pour de vrai, qu il avait tué un être humain, une femme, pour de vrai. J ai voulu m enfuir en courant, mon pied a roulé sur une pierre, papa a levé la tête et m a aperçu " Connor lui a alors tout révélé : ce qu il est, qu il est engagé dans un immense combat du bien contre le mal, qu il existe des règles d honneur qu il doit suivre. Et il a proposé de l entraîner dans les arts martiaux " pour que tu puisses te défendre, pour qu un méchant ne puisse pas t utiliser contre moi ". Et surtout, il lui apprend à manier une épée, et l entraîne à couper la tête de mannequin de paille. " Si un jour je perds et que tu es près de moi, profite de la faiblesse de l autre après le Quickening pour le décapiter. C est important, tu comprends, Jack ? Ne laisse pas l autre se relever car il risquerait ensuite de s attaquer à toi. " Jack ne comprend pas très bien mais il a foi dans la parole de son père. Alors il suit l entraînement, il coupe les têtes des mannequins sans vraiment réaliser la portée de ce geste, il est si petit. Il sait simplement que c est important pour son père qu il ne soit pas une cible facile. Il ne réalise jamais vraiment la cruauté dont il faut faire preuve pour apprendre à un enfant de 11 ans à tuer. Jusqu au jour où il a treize ans et il commet un meurtre, comme on le lui a appris. Et, en delà de l immense douleur qu il ressent à la suite de la perte de son père, il y a aussi de la rancoeur pour celui-là même qui a contribué à faire de lui un meurtrier. Tout cela, Jack l explique à Méthos qui l écoute, silencieux. " Je ne comprends pas vraiment. Je sais, papa m a parlé de cette lutte éternelle pour la victoire du Bien. Mais comment pouvait-il vivre, comment peux-tu vivre, avec ça ? Avec tout ce sang sur les mains ? " Méthos ne répond pas, et il ne lui dit pas non plus que pour lui il ne s agit pas tant du triomphe du Bien que de sa propre survie. Il lui dit encore moins qu un jour il devra rejoindre à son tour les rangs des combattants. Et qu à la connaissance de Méthos, il n y aura plus qu eux deux. L Immortel se relève et tend la main à l adolescent dont toute l innocence est à perdre. " On rentre à l hôtel ? Célie et Paul vont s inquiéter " Les deux silhouettes marchent en silence dans la nuit déjà tombée, un silence empli de non dits, de souffrance, d amertume et de regrets. ********************** Les péchés de nos pères (3/4) Philippines 3 mois plus tard " Méthos... " Méthos se tourne et se retourne dans son lit, les draps s entortillent autour de son corps plein de sueur, l emprisonnant dans ses mouvements, ajoutant à son agitation. " Méthos... " La voix est insidieuse, il ne peut la fuir " pourquoi nourris-tu un serpent en ton sein, étouffe-le tant qu il en est encore temps " Méthos remue la tête sur l oreiller, prononçant des mots incohérents. " Qu attends-tu, Méthos, tue-le, tue-le maintenant " Il remue les lèvres, murmure " non, non ..." Le rire démoniaque résonne méchamment à ses oreilles " Le dernier, le dernier.... Ah, ah, ah ! ! !" Il se réveille brutalement, le coeur battant, le souffle court, les cheveux collés par la transpiration " Cassandra ! " mais déjà le souvenir du rêve s enfuit de son esprit, il cherche en vain à en retrouver les détails. Seul subsiste un sentiment de malaise indistinct. Depuis son retour de New-York, il a parfois des cauchemars dont la substance lui échappe. Tout ce qu il sait, c est que son âme est torturée. Méthos est debout avant le chant du coq. Il sort sur véranda, pieds nus, puis descend les quelques marches qui mènent à la plage. Il s avance jusqu aux premières vagues venues mourir sur le sable dans un doux clapotis. L eau est fraîche. Les premières lueurs de l aube pointent à l horizon. Methos, parfaitement immobile, atteint de voir se lever le jour. Il ne peut même plus compter le nombre de fois où il a assisté à ce spectacle, mais chaque fois, son coeur se gonfle avec cette pensée " Je suis vivant, vivant... " Et puis, ce matin, sans qu il sache trop bien pourquoi, il pense à son épée, son Ivanhoé, qui trône maintenant le plus souvent accrochée au mur de son bureau, puisqu il est le dernier. Enfin, presque... Il regarde la couleur du ciel, il a encore le temps. Il rentre dans la maison, part décrocher son épée et revient, avec elle, contempler le retour du soleil. ************************ Les Hautes terres d Ecosse 13 ans plus tôt La pluie battante rend le sol boueux et glissant, trempe les vêtements des trois immortels, plaque leurs cheveux sur leur crâne et les aveugle presque. Methos a un sourire sarcastique : " La prochaine fois Connor, ne m invite plus à tes randonnées, vraiment, c est sans façon " Cassandra l interrompt, très clairement ses sentiments à l égard du plus vieux des immortels sont toujours loin d être amicaux. Elle ne le tolère qu en raison de la présence de Connor, et pour une autre raison dont Methos pressent l existence sans la percer. " Chut, tais-toi, écoute... " Les deux hommes tendent l oreille, ils n entendent rien. Rien d autre que la pluie qui frappe le sol avec régularité. Cassandra plisse ses traits sous la concentration " il faut qu on le trouve vite, par ce temps il ne tiendra pas longtemps " " Et moi donc ", pense Methos qui s abstient cependant de faire sa remarque à voix haute. Cassandra fronce les sourcils, ses yeux disparaissent presque derrière la barre ainsi formée " Là... Ecoutez... Vous entendez ? " Non, les deux hommes n entendent rien décidément. Mais Cassandra les devance d un air décidé " C est par-là ". Et ils le trouvent, à l abri d un rocher, une petite forme hurlante et rouge emmaillotée dans une couverture bien insuffisante pour le tenir au sec. Il a la bouche ouverte et les points fermés, il hurle à s en casser les cordes de vocales, mais ne produit qu un son ténu qui se perd dans la puissance des éléments. Cassandra se penche vers lui, le prend dans ses bras avec révérence. Elle le contemple, émerveillée. " Connor, voici ton fils " Connor Mac Leod en reste bouche bée de surprise. Il a suivi Cassandra mais sans savoir s il pouvait ajouter vraiment foi à ses élucubrations, un fils serait né, pour lui, dans les hautes terres de son enfance. Les deux immortels se contemplent au-dessus de la tête de l enfant toujours hurlant, mais ils ne sont pas vraiment conscients de ses cris, seulement de leur émotion. C est Méthos qui interrompt la scène : " Je suggère qu on rentre ou cet enfant va attraper la mort, et il est un peu jeune pour ça " ********************** Méthos, allongé, voire même avachi dans le hamac qu il a accroché il y a bien des années entre deux palmiers, sourit en contemplant les deux garçons qui jouent au ballon sur la plage. Pour une fois, Cassandra avait eu raison ; ça avait été sa dernière prophétie d ailleurs, elle avait perdu la tête peu de temps après. Mais pourquoi avait-elle insisté pour que Méthos, son plus vieil ennemi, les accompagne dans leur expédition ? Cela avait-il trait aux propos obscurs qu elle avait soudainement tenu, là-haut, sur le flanc de ce mont d Ecosse où ils avaient trouvé Jack "C est l enfant des Hautes Terres d Ecosse né au solstice d été. Il sera le dernier" Quel dernier ? Le dernier à être né sur ces terres ? Le dernier des enfants immortels à voir le jour ? Le dernier comme dans " Il ne peut en rester qu un ? Methos secoua la tête, tout ça ne veut probablement pas dire grand chose... Le ballon vient s écraser brutalement sur son ventre. " Papa, viens jouer ! " "Allez Méthos ! " Méthos sourit, s extrait du hamac avec grâce puis, le ballons sous le bras, il rejoint les garçons à petites foulées. ********************** " Méthos... " Célie s est glissé derrière la chaise de Méthos, elle lui saisit la tête et l appuie contre son ventre, lui caressant doucement les cheveux. " Methos... Tu viens ? Le dîner est prêt, on n attend plus que toi " Il remue la tête doucement, se dégage de l étreinte de sa femme, le regard tourné vers l épée posée à plat sur le bureau et qui luit faiblement dans la lumière tamisée. " J arrive, je vous rejoins tout de suite " Célie se détourne et s éloigne, non sans jeter un regard soucieux à l homme de sa vie. Il a l air préoccupé, peut-être même tourmenté... Sans bruit, elle referme la porte et laisse Methos plongé dans la contemplation du katana de Duncan Mac Leod. Methos reste assis, le corps légèrement penché en avant, les mains jointes entre ses genoux. Il fixe avec intensité l arme qui repose en face de lui. La lettre de Connor, qu il connaît par coeur, est dépliée devant lui. " Duncan aurait aimé que son épée revienne à l héritier de la lignée des Mac Leod. Le temps venu, offre cette épée à Jack, entraîne-le avec elle. Soit son maître " Methos réfléchit. L heure n est pas encore venu, Jack n a pas 15 ans. Mais il est indéniable qu il a grandi et Méthos se voit forcer de confronter une réalité qu il avait espéré pouvoir d oublier. Un jour, l enfant qu il a recueilli à la demande d un ami deviendra semblable à lui. Il pourra être faible et ignorant, ou fort et averti ; il pourra être son ami, ou il pourra bien être son ennemi. Et c est à Méthos qu il appartient de faire des choix. Peut-il, doit-il risquer la transmission de tout son savoir à celui qui un jour pourrait très bien se retourner contre lui ? Il plonge la tête dans ses mains. Il n a toujours pas la réponse mais il pressent qu il faudra la trouver bientôt. ********************** Ce soir-là, après avoir fait longuement l amour à Célie, Methos s endort, apaisé, détendu. Il a attiré à lui le corps de son amante et dort collé derrière elle, le nez dans ses cheveux, une main posé sur sa hanche. Il sourit dans son sommeil et Célie, qui ne dort pas encore tandis qu elle contemple la nuit les yeux grands ouverts, sent sur sa nuque le souffle de Methos, sent la chaleur de sa main qui irradie jusque sa cuisse, sa taille, son ventre. Elle étreint cette main et ferme les yeux en attendant que le sommeil l emporte. Quelques heures plus tard, Methos se redresse brutalement, il est en nage, son pouls bat follement, il entend à nouveau résonner le rire fou " Veux-tu être le dernier ? Le dernier ? " Il sent bien qu il ne pourra pas retrouver le sommeil alors il se lève, quitte la chambre, sort dans la nuit et va s installer dans le bureau face à l épée de Duncan Mac Leod. Un bon ami que cet immortel, un type valeureux. Trop sans doute puisqu il accepta un jour le combat de trop. Il parlait souvent de Mac avec Connor, les rares fois où ils se rencontraient. Connor disait qu il pouvait le sentir en lui parfois. Il n avait pas perdu de temps à récupérer le Quickening de son cousin, et tous les autres que contenait l immortel chanceux qui avait défait l un des deux highlanders en combat singulier. Il contemple l épée de son ami et se demande s il aura vraiment le courage de le remettre à Jack. Il n est pas certain que sa confiance dans la nature humaine aille jusque là. Pourtant Connor l en a cru capable ? Il se lève et sort dans la nuit encore noire, il écoute le bruit sourd et régulier du sac et du ressac, il sent la fraîcheur de la nuit créer des picotement sur ses avant-bras, il respire les embruns salés. Mais il ne trouve toujours pas de réponse. ********************* Le petit groupe pique-nique sur la plage de la petite île voisine. L île n est qu un masse rocheuse à laquelle s accroche une épaisse végétation, seule la bande de sable d une vingtaine de mètres séparant les toutes premières vagues de la paroi abrupte de la falaise forme un enclave hospitalière à l homme. Mais dans quel écrin : la verdure dense et touffue d un côté, et l immensité bleu turquoise de l autre cernent ce coin de paradis. Le sable est blanc et brûlant, et les pique-niqueurs se sont réfugiés sur des serviettes à l ombre d un parasol. Les garçons se disputent la dernière part de poisson délicieusement grillé, Célie mord avec appétit dans une mangue dont le jus lui coule sur le menton, Méthos essuie la trace humide de son pouce puis le porte à sa bouche, une lueur malicieuse dans les yeux qui fait presque rougir Célie. Le prao se balance doucement avec les vagues, ancré à quelques mètres de là. Paul se lève d un bond, renversant son verre dans sa précipitation. " Viens Jack, on va observer les poissons " Les deux garçons, avec une énergie qui étonne les deux adultes gagnés par le sommeil, courent vers la mer. Ils ne freinent pas leur course avec les premières vagues et s aspergent en riant. L éclat de leurs voix résonne dans la crique presque déserte. Methos s allonge en arrière, s appuyant sur un coude et attirant Célie à lui de son bras resté libre. Ils restent ainsi sans parler et sans bouger, repus, heureux, sereins. Enfin, pas tout à fait car Methos a toujours l âme troublée. C est ce qui le pousse à dire les choses qu il tait parfois. " Je t aime... " " Je sais " répond Célie comme pour le rassurer. Ils sont interrompus par l arrivée de Paul qui projette sur eux des gouttelettes. Le garçon se jette à genoux au côté de Methos, lui tirant le bras et le déséquilibrant " Viens vite voir papa ! " " Tu permets, je parle à ta mère " " Mais non, viens voir, vite, il y a une tortue ! " Méthos avec un soupir mi-comique mi-résigné se relève, volant un baiser dans les cheveux de Célie. Son fils lui saisit la main et l entraîne. " Allez viens, de quoi vous parliez d abord ? " Et Methos, avec une douceur qui ne lui est pas caractéristique mais qui lui vient souvent quand il se laisse aller à aimer répond " D amour. Je lui disais que je l aime, et que je t aime toi aussi " ajoute-t-il sans y penser. Paul hausse les épaules " Evidemment, t es mon père, bien sur que tu m aimes ! " Et Methos s attendrit devant sa naïveté et s émeut de l acceptation totale de Paul qui l a toujours considéré comme son vrai père. Paul lui lâche la main et court en avant " Dépêche-toi à la fin ! Elle va partir. Jack ! Jack ! Elle est toujours là ? Tu la vois ? " Methos songe que si la tortue est toujours là, c est très certainement qu elle est sourde... ***************** La journée a été bonne, harmonieuse, et pourtant, Methos se réveille une nouvelle fois, et, lui semble- t-il, inévitablement, au milieu de la nuit. Ce cauchemar qui le hante depuis des mois, il commence à en soupçonner la teneur. Eveillé, il maîtrise, refoule ses pulsions les plus basses. Mais la nuit elles se libèrent et avec elles la tentation. La tentation d en finir une bonne fois pour toute avec le jeu, d être le seul, le dernier. Après plus de cinq millénaires, il se pense assez civilisé pour résister. Mais le seul fait de savoir que la tentation existe dans son inconscient l effraie. La bête sommeille en lui. **************** Il se surprend parfois à emmener l épée là où il avait pour habitude de la laisser dans la maison. Il se surprend parfois à regarder le cou de Jack, si long, si fragile. Il se surprend parfois à penser que l adolescent a déjà tué, décapité. Il se surprend et se reprend, mais il s inquiète. ***************** " Finis-en, finis-en " La voix de Cassandra murmure, haineuse, à son oreille. " Ne le laisse pas être le dernier" Méthos se retourne et gémit, il s agite sur l oreiller, réveillant Célie qui le regarde sans savoir quoi faire. " Ce sera si simple, un agneau au sacrifice, un simple coup d épée, allez " Methos pleure dans son sommeil, les larmes coulent sur ses joues, mouillent ses cheveux, les draps, la main apaisante que Célie a voulu poser sur lui. " Tu seras tranquille après, tu seras bien, tu seras sain. Et sauf " Methos s assoit brusquement, prend conscience de ce qui l entoure. Sans un mot pour Célie, il se lève, va chercher son épée, avance dans le couloir jusqu à la chambre de Jack. Il pose la main droite sur la clenche de la porte et, doucement, il appuie sans exercer de pression sur le battant. Il immobilise son geste, il est au bord de l abîme. S il laisse remonter sa main, la porte se referme, la raison reprend possession de lui. S il appuie un tant soit peu vers l avant, la porte s ouvrira. Derrière elle, Jack, la folie. Le meurtre ? Nul observateur extérieur ne saurait dire quelle va être sa décision. Le sait-il lui-même ? La porte s ouvre imperceptiblement. Est-ce vraiment le fait de sa volonté ? Il pénètre dans la pièce, s approche du lit et de la forme endormie nettement dessinée par cette nuit de pleine lune. La respiration de l enfant soulève le drap avec régularité, son souffle résonne étrangement dans l air. Seule la tête et les cheveux dépassent, et Méthos sait qu il lui suffit d un geste pour les détacher définitivement du corps dissimulé par les motifs de dauphins de la parure de lit. Il a son épée bien en main quand il lève le bras. " Methos ? " La voix de Célie le fait sursauter, se retourner. Il baisse le bras et passe en trombe devant elle, la bousculant presque. Elle le suit tandis qu il retourne dans leur chambre, sort une valise, y jette quelques affaires. " Qu est-ce que tu fais ? " " Je pars à Manille " ************************ Les péchés de nos pères (4/4) Paul se lève ce matin là juste à temps pour voir le prao s éloigner. " Oh non ! Papa ! ! " Sa voix est presque plaintive... " Maman, pourquoi est-ce que papa est parti pêcher sans moi ? " Célie ébouriffe les cheveux de son fils. " Il n est pas parti pêcher mon chaton, Juan l emmène jusqu à l aéroport, il a du partir en voyage à Manille " Paul esquisse une moue boudeuse, ce départ ne lui plaît pas du tout, il voue une véritable adoration à son père dont il n a pratiquement jamais été séparé. Célie lui sourit et l entraîne dans la maison " Allez viens, on va prendre le petit déjeuner " Elle a confiance en Méthos, quelle que soit la raison qui le pousse à se comporter de manière si étrange, elle est convaincue qu il agira dans leur intérêt. Elle n a jamais regretté une seule minute d avoir cédé à la cour insistante qu il lui a fait après son veuvage, et il s est toujours montré un excellent père pour Paul. Parfois, elle se demande quelle a été la part de son état de mère d un bambin haut comme trois pommes dans l attirance que Méthos a éprouvée pour elle. Non, elle n a jamais regretté la décision prise il y a huit ans d emménager avec lui. Il leur a donné son nom, à elle et à son enfant et depuis, il les protège, il les chérit et il les aime. Elle sait qu il est très vieux, plus vieux qu il n a jamais voulu le lui dire et que sa vie comporte des aspects qu elle ne comprend pas, qui lui sont interdits. Comme la scène troublante qu elle a surpris ce matin. Mais que croyait-il donc bien faire ? Et parce qu elle ne veut jamais douter de l homme qu elle aime, elle chasse ces questions dérangeantes de son esprit. ******************** Méthos avance à travers la foule dans les rues de Manille. Il a décidément trop chaud avec son imperméable totalement inutile par 35 degrés celsius et 98% d humidité. Mais durant toutes ces années, il n a jamais trouvé mieux pour dissimuler une épée. Il regrette furtivement le temps où il était possible et même recommandé de s afficher avec une arme blanche. Il aurait peut-être pu et même probablement laisser son épée accrochée au mur de son bureau. Mais les vieilles habitudes ont la vie dure, et même si un coup de fil à Georges Dawson a confirmé qu aucun autre immortel n a été signalé depuis le décès de Connor et de Attila Attila, vraiment... Methos a une grimace moqueuse.... Il a rencontré Attila et il était bien mortel Methos préfère ne courir aucun risque. " Je vous confirme que vous êtes le dernier " lui avait dit Georges Dawson " Aucun signe du prix ? " Le dernier... Methos ramène ses pensées vers le problème qui l obsède. Il a honte, tellement honte de ces pulsions meurtrières, mais il a aussi peur, vraiment peur de ce que l avenir lui réservera. Penser qu il s est réfugié sur son île des Philippines pour éviter les derniers combats, et qu il a été rattrapé par l arrivée de Jack qu il a recueilli sur cette même île... Le plus vieux des immortels, et le dernier des pré-immortels, sur quelques kilomètres carrés, quelle ironie... Pendant quelques heures, il caresse réellement l idée de disparaître, de changer son identité, d abandonner sa famille. Il l a fait tant de fois. Mais il est las de ces changements, de ces fuites. C est vrai, comme l avait dit Connor, il s est construit un royaume sur cette île de Mer de Chine qu il a acheté il y a une centaine d années, venant y vivre pour une décade, puis repartant. Lorsqu il s y est réinstallé il y a treize ans, après cette expédition presque rocambolesque avec Connor et Cassandra dans les hautes-terres d Ecosse pour recueillir un bébé pré-immortel, il était bien décidé à rester longtemps. A abandonner une mascarade qu il ne croit plus utile ni même possible de chercher à maintenir. D abord, les villageois ont fini par se douter de quelque chose, après avoir vu apparaître et réapparaître le grand-père, le père, le neveu, le cousin, toujours si semblables dans le souvenir des anciens. De curieuses légendes ont commencé à circuler. Surtout, Methos a rencontré Célie. Et avec elle, il a retrouvé comme neuve sa capacité à aimer. Méthos marche longtemps dans les rues étouffantes de Manille puis il rentre à l hôtel. Il prend une douche, l eau ruisselle sur son corps, lavant la transpiration et, lui semble-t-il, ses soucis. Il retourne dans la chambre, s allonge sur le lit les yeux fermés. Il rêve et ce sont des rêves heureux. Des images de Paul, lorsqu il avait trois, quatre ans défilent devant ses yeux, il sourit dans son sommeil au son de la voix enfantine, il voit Célie qui se penche sur lui, au-dessus de lui, la bouche arrondie dans un ô de plaisir et de surprise alors qu il lui fait l amour, et puis il revoit Connor avec qui il partage une bière dans son loft New-Yorkais, et puis Mac qui lui tape sur l épaule, et Joe qui arrive en boitant sur sa canne. Amanda qui se hausse sur la pointe des pieds pour lui plaquer un baiser sur la bouche. Et Alexia qui l approche pour la première fois dans le bar de Joe pour prendre sa commande. Et puis d autres visages encore plus lointain, Byron au tant de leur complicité, Yonnais, la jeune coréenne qui s abandonna à ses étreintes, et tant d autres encore. Et puis il voit Jack qui sourit sur la plage aux Philippines, et il entend la prédiction de Cassandra, "C est l enfant des Highlands né au solstice d été. Il est le dernier" Mais il n a plus peur. Le matin le trouve reposé et détendu. Méthos n est pas dupe. Sans doute doit-il à l éloignement de Jack cette nuit sans rêves. Mais il est décidé désormais à affronter ses démons, à les maîtriser, à les repousser. Il y a deux cent ans qu il a dit à Duncan qu il a changé. Il est temps d en faire la démonstration éclatante. Il se promet de guider et d entraîner Jack le moment venu. Il appelle Célie et lui annonce son retour pour la fin de l après-midi. Il n a rien à faire ici et l existence lui a trop souvent prouvé qu il faut profiter de chaque instant éphémère avec les mortels qu il aime. ************************ L heure du départ approche. Méthos s apprête à prendre le métro qui relie le centre de Manille à l aéroport. Le trajet ne durera que quinze minutes. Il tient à la main son sac de voyage dans lequel il a glissé de petits présents pour Célie, Paul et Jack. Il emprunte l escalier roulant qui l entraîne au coeur de la ville souterraine. L air y est frais par comparaison avec la moiteur étouffante qui règne à l extérieur, l air y est embaumé et fleure bon l orchidée, grâce à tous ses spécialistes du troisième millénaire qui ont convaincu leurs contemporains du bienfait des stimulations olfactives sur les comportements humains. Le quai en ce milieu de matinée est quasiment désert. Il s assoie, étire les jambes avec satisfaction. Non loin de lui, il y une jolie jeune femme qui croise et décroise les jambes. Il l observe paresseusement sous ses paupières baissées. Elle lui rappelle un peu Célie et il sourit intérieurement de penser que sa femme lui manque déjà en 24 heures d absence. Il anticipe sa réaction et celle de Paul quand il leur remettra leurs cadeaux . Il se montre toujours généreux avec ceux qu il aime. Rien n est trop beau pour eux , leur vie est si courte. Il pense aussi à Jack avec affection, le garçon est si attachant, et si " Mac Leodien " par moment que c en est troublant... Le 23ème siècle est celui des nuisances sonores maîtrisées et seul un glissement de l air avertit Methos de l arrivée du train. Les portes coulissantes s ouvrent. Il sourit en pensant que quelques heures seulement le séparent des bras de Célie. L explosion se produit avec une telle violence que Méthos en est aussitôt aveuglé et assourdi. Il se sent projeté par l onde de choc, la tôle se déchiquette dans un crissement et la rame est instantanément pulvérisée. Il ne voit plus ni n entend mais il sent, il sent la brûlure de l air chaud sur son corps, l odeur de chair grillé qui l accompagne, il ressent la vibration de ses cordes vocales alors qu il hurle sans fin. L onde de choc le projette en arrière et il se demande en un millième de seconde comment son métabolisme d immortel va pouvoir gérer l agression qui lui est faite. Pourvu qu il ne perde pas un membre. Alors qu il est soulevé dans les airs, des dizaines de morceaux de tôles et de verres volent autour de lui. Son corps retombe sur la paroi métallique acérée qui a été déchirée en deux sous la puissance de la déflagration. Il n aura pas le temps d enregistrer la sensation du métal qui entame la chair de son cou. La douleur est aiguë mais brève, elle cesse dès qu est sectionnée la moelle épinière. Cinq mille ans de stratégies de survie ont pris fin. Le front pour l autonomie de l Asie du Sud-Est revendiquera cette attentat, le premier d une longue série. ************************ Célie est assise sur le sable, face à l horizon. Elle plisse les yeux dans l espoir d apercevoir le prao qui ramènera Méthos. Les derniers rayons du soleil caressent son front, ses épaules, tout son corps, l enveloppant dans une chape tiède de bien-être. Elle s amuse à faire glisser entre ses doigts le sable blanc et fin comme de la poudre. Il ne devrait plus tarder, il appelle toujours s il sait qu il va être en retard... Le soleil est de plus en plus bas dans le ciel. Elle se relève en soupirant. Peut-être aura-t-elle des nouvelles bientôt. Elle appelle Jack et Paul occupé à jouer au ballon sur la plage. " Les garçons, vous venez m aider à préparer le repas ? " ************************* La vie sans Methos... Elle le croyait éternel. " C est de la connerie cette immortalité " s énerve Jack. " C est n importe quoi. On croit qu ils seront toujours là pour nous et en fait, ils meurent aussi, je crois bien même qu ils meurent plus souvent, plus vite que nous " Célie contemple Jack sans rien dire. A quoi servirait-il de dire que Methos a vécu plus de 5000 ans, comme elle l a lu dans ses cahiers. Que Connor a combattu, aimé pendant près de 700 ans, que son cousin Duncan, ce qui en fait un peu l oncle de Jack, a vécu presque 600 ans. Qu importe le nombre des années qu ils ont passé sur cette terre. Ils sont morts pendant le temps de leur brève existence de mortels, ils sont morts avant eux. Alors évidemment c est trop tôt, alors évidemment c est trop court. Le soir, dans son lit, elle lit le journal de Méthos. Elle a demandé de l aide à Georges Dawson pour tous ces passages écrits dans une langue inconnue. Elle n a pas l impression d être indiscrète, de fouiller dans la vie de Méthos, elle apprend simplement à le connaître, de manière posthume. Elle aurait souhaité savoir certaines choses plus tôt, elle croit qu elle aurait pu mieux l aimer. Souvent, avec les garçons, elle regarde des vieux albums aux photos jaunies et passées par le temps, des photos qui montrent tous ses personnages de légende, les Mac Leod, Methos, et tous leurs amis. Il y a beaucoup de photos de la fin du vingtième siècle. Jack surtout les étudie avidement, il scrute les visages, les expressions. Elle lui raconte les histoires de tous ces gens, ou ce qu elle en sait. Elle a déjà décidé que c est à Jack que reviendra un jour les chroniques de Méthos. Cela lui semble juste. Après tout, il a été élevé par deux immortels. Et puis, il y a ce qu elle a lu. Le secret de ses origines. Elle prend bien soin de garder sous clé la chronique où ce secret est consigné. Il n est pas encore temps pour Jack de l apprendre. Paul pleure souvent en voyant les photos de son père. " Je ne veux plus de père, quand j en ai un, il meurt. C est fini. Je n aurai pas d enfant non plus " Elle lui caresse les cheveux, le serre contre elle. Elle aussi trouve que c est injuste. Jack referme l album dans un claquement. " En tout cas, moi, je suis bien content de ne pas être immortel ". *********************** Epilogue New-York 3243 L immortel erre dans les ruines fumantes. De la cité arrogante et glorieuse qui régna sur le monde pendant plus de mille ans, imposant à tous ses normes économiques, culturelles, esthétiques, il ne reste rien. Que des amas de pierres, des gravats poussiéreux, une terre craquelée par la sécheresse, déchiquetée par la guerre qui a creusé ses trous béants, semé son régime de terreur et de mort. Il n y a plus d eau ici, si ce n est les larmes des survivants qui n ont plus rien que quelques haillons, que la disparition de la technologie laisse complètement démunis. Il n y a plus d abris qu à l ombre rare des pans de mur brûlants, il n y a que la faim et la soif des humains qui partagent avec les rats les quelques flaques s égouttant de tuyauterie brisée, plus de nourriture que quelques boîtes de conserve rescapées d entrepôts éventrés, que des hommes tentent de briser à coup de pierre sans y parvenir, que de la nourriture avariée que les enfants mangent quand même, que les mères font durer. Les Etats-Unis d Amérique sont morts, drainés de leur sang par vingt années de guerre qui n ont pas vu d autre vainqueur que la misère. Le glas sonne. C est celui de la Cathédrale de la 5ème avenue restée miraculeusement debout. Il sonne pour les morts qu on ne peut même plus entasser dans le lieu sacré, les morts que nul ne peut dénombrer. Il est plus facile de compter les vivants. L immortel erre dans la ville désolée, le coeur gonflé d une telle tristesse qu il devrait s en arrêter. Mais il ne cesse jamais de battre et lui ne cesse jamais d être témoin de la folie des hommes. Ils n apprendront jamais. Il erre et il pleure. Ces deux décennies ont été les pires de toute son existence, il se demande quel crime il a commis pour être condamné à errer éternellement sur terre. Et si c était le prix dont parlait Méthos et Connor ? Le dernier resterait pour expier les péchés commis par tous ceux de sa race. Jack Mac Leod attend la fin du monde. Fin