MIRA

Première partie

Paris décembre 2000

Il s'avance sur le quai en direction de la péniche, les mains au fonds des poches de son long manteau noir. Il se demande si Duncan sera là pour lui offrir un verre ce soir. Il en a bien besoin, voir mourir des gens que l'on aime ce n'est pas si facile, même si cela arrive inévitablement en plus de 5000 ans d'existence. On ne s'habitue jamais, on se jure que l'on ne s'attachera plus à personne et on retombe dans le piège des sentiments.

Il lève les yeux des pavés inégaux et regarde le bateau. Un coup d'œil suffit pour qu'il s'aperçoive que le banc de bois installé sur le pont est occupé. Il est encore trop loin pour savoir qui s'y trouve, mais c'est indéniable, il y a bien quelqu'un, il en est sûr malgré le peu de lumière que diffuse les lampadaires parisiens. Il continue son chemin, la forme devient plus distincte, il lui semble qu'il s'agit d'une femme assise sur le dossier du banc, la tête sur ses genoux enveloppée de ses bras. Plus que quelques mètres et il voit qu'elle n'est pas chaudement vêtue et que son corps tremble.

Il monte la passerelle d’un pas vif, pressé d’en savoir plus. Est-ce encore une des conquêtes de Duncan qui attend le retour de son chevalier servant ? La silhouette lève la tête. C’est bien une femme, une très jeune femme même, ses yeux sont pleins de larmes. Elle ne semble nullement effrayée, simplement désespérée. Elle le surprend :

- Vous êtes Méthos, n’est-ce ? L’ami de Duncan.

Très peu de gens savent qui il est, il se cache sous l’apparence du mortel Adam Pierson depuis si longtemps. Et pour tous Méthos est une légende, un être dont on doute encore de l’existence. Il est étonné. Elle le regarde maintenant avec intérêt comme s’il s’agissait d’un objet rare et fascinant.

- Comment connaissez-vous mon nom ?

- Disons que je sais beaucoup de choses ?

Elle esquisse un drôle de sourire, un peu amer. Les larmes se sont taries pour le moment. Elle sort un mouchoir de sa poche pour essuyer son visage. Méthos s’aperçoit qu’il s’agit d’une très belle jeune fille, ses cheveux châtains clairs sont très longs et un peu emmêlés, ses yeux semblent noirs et profonds, son petit nez se fronce de temps en temps et lui donne un air mutin. Mais c’est sa bouche qui retient l’attention de l’immortel, des lèvres pleines, douces et charnues. Il détourne les yeux un peu troublé et revient à sa préoccupation.

- Vous attendez Duncan ?

- Oui !

Bref et énigmatique.

- Il ne devrait pas tarder.

Il se sent embarrassé comme un adolescent, cela ne lui est pas arrivé depuis qu’il a abordé Alexia, il lui semble que cela fait des siècles et pourtant ce n’est pas si vieux.

- Je peux m’asseoir ?

Elle se pousse pour lui faire de la place et il s’installe près d’elle. Le silence se fait plus profond. Il tente :

- Je peux savoir votre nom, puisque vous connaissez le mien ?

- Mira !

Décidément elle est avare de mots.

- Comment savez-vous qui je suis ?

Elle émet un bref soupir, comme s’il lui en coûtait de parler.

- Ma mère m’a parlé de « vous », pas seulement vous Méthos, mais de tout les immortels.

Il a un choc, peu de mortels connaissent leur existence. Elle continue.

- Ma mère et Duncan se sont connus, il y a quelques siècles. Sa voix tremble un peu sur les premiers mots, elle reprend son souffle et poursuit avec plus de fermeté. Ils n’ont pas eu d’aventure amoureuse si c’est ce à quoi vous pensez. Elle m’a adoptée lorsque j’étais encore un bébé et elle m’a élevée. Dès que j’ai été en âge de comprendre, elle m’a tout raconté. Elle voulait que je sache tout pour mieux pouvoir affronter les événements. Elle écrivait un journal avant d’être une immortelle et elle a continué même après. J’ai tout lu de bout en bout et j’ai compris...

Elle laisse sa phrase en suspens comme pour dire « voilà, c’est tout ». Elle semble si triste. Il se demande pourquoi elle vient voir Duncan. Il va lui poser la question lorsque son ami arrive. Il les regarde tous les deux sur le banc et hausse un sourcil interrogatif.

- Duncan, te voilà ! Cette jeune personne t’attendait, alors je lui ai tenu compagnie.

Duncan dévisage Mira perplexe. Il ne la connaît pas et se demande bien qui elle peut être. Il se dit que malgré ses yeux bouffis, c’est un bien joli petit bout de femme.

- Et bien puisque vous êtes là tous les deux et qu’il ne fait pas si chaud que ça dehors, je vous invite à rentrer. Je vais faire un bon café. Cela vous tente ?

Duncan, leur laisse le passage après avoir ouvert la porte. Il fait bien meilleur chez lui c’est sûr. D’un pas décidé, il va vers la petite cuisine en jetant son manteau sur l’un des canapés au passage. Mira suit le mouvement et s’arrête au milieu du salon indécise. Duncan lui montre un des sofas de la main et elle s’assoit. Méthos s’installe en face sur l’autre. Il contemple la jeune fille, elle semble si jeune, 18 peut-être 19 ans. En tout cas, elle lui fait un drôle d’effet. Le Highlander fait vite et revient rapidement avec des tasses fumantes. Mira prend la sienne entre ses mains, mais ne boit pas. Elle laisse le liquide brulant la réchauffer juste pas contact. Duncan prend place près de Méthos.

- Alors comme ça, vous êtes venu ici pour moi. On ne se connaît pas je crois ?

Elle fait non de la tête, soudain devenu muette.

- Alors dîtes moi le sujet de votre visite ?

Elle baisse la tête, sa voix n’est qu’un murmure. Elle semble bouleverser tout d’un coup. Hésitante, ne sachant apparemment pas par où commencer. Méthos aimerait la prendre dans ses bras là, maintenant, pour la réconforter, mais ce n’est pas le moment et il a peur que cela paraisse déplacé. Et puis surtout, ce n’est pas son genre du tout, il n’est absolument pas spontané, sauf pour ce qui concerne les sarcasmes.

- C’est Sélenna qui m’envoie. Duncan se penche en avant intéressé. Pour Méthos ce prénom n’évoque rien. Elle m’a dit de venir vous voir et de vous demander votre protection.

- Pourquoi avez-vous besoin de protection ?

- A cause d’un immortel : Anton. Elle semble prononcé ce nom avec peur et dégoût. Il me poursuit et je ne peux pas le combattre, je ne suis qu’une mortelle et je ne sais pas me servir d’une épée. Peut-être pourriez-vous m’apprendre, ainsi je serai à même de me défendre.

C’est plus une supplique qu’une simple demande. Duncan semble un peu perdu, elle a parlé « d’un immortel », en fait plutôt de deux si l’on compte Sélenna.

- Mira, que savez-vous exactement des immortels et pourquoi Sélenna vous envoie à moi ?

- Comme je l’ai déjà dis à votre ami. Le Highlander jette un regard étonné à son compagnon, ce dernier lui fait signe d’écouter ce que la jeune fille a à leur dire. Sélenna m’a adoptée et élevée, elle m’a tout appris des immortels. Mais, elle n’avait pas pensé qu’il faudrait aussi m’apprendre à me défendre, elle pensait être toujours près de moi pour me protéger.

Les deux hommes commencent à comprendre à cette dernière phrase qu’il est arrivé quelque chose de grave et que c’est pour ça que Mira est là.

- Mira, qu’est-t’il arrivé à Sélenna ?

La jeune fille tressaille, ses épaules se voûtent. Elle semble vouloir se recroqueviller sur elle-même. Sa voix tremble de nouveau.

- Il y a quelques mois, nous avons rencontré Anton dans les rues de Versailles. Ma mère m’a attrapé le bras fortement, mais elle n’avait pas l’air inquiet. Il m’a beaucoup impressionné, grand, fort et beau. J’ai senti tout de suite qu’elle était attiré par lui, elle était gaie et un peu fo-folle en sa présence et lui souriait de tout ça. Je savais que c’était un immortel, elle m’avait déjà parlé de lui et je l’ai reconnu à la description qu’elle m’en avait faite. Ils se sont salués courtoisement et ont commencé à discuter. Mais quelque chose n’allait pas. Maman ne l’a pas vu tout de suite. Duncan s’émeut en entendant cette jeune fille appelé Sélenna : maman. Il a du mal à imaginer sa grande amie mère. Pour lui, elle sera toujours l’adolescente délurée qu’il a rencontrée il y a plus de 250 ans. Anton ne cessait de me dévisager. Je me sentais très gênée. Mais elle ne voyait rien du tout, ils parlaient, ils riaient de leurs souvenirs communs et moi, je me sentais de plus en plus mal sous le regard de cet homme. Nous avions des courses à faire, alors on l’a laissé. Elle lui a donné notre adresse pour qu’il puisse venir la voir et qu’ils discutent du bon vieux temps. Dès qu’on l’a quitté, je me suis sentie mieux. Mais j’étais sur mes gardes. Je ne saurais expliquer pourquoi, mais je sentais une menace venir de lui. Une fois rentrée à la maison, je me suis dis que je m’étais faite des idées. Tout c’est bien passé pendant quelques semaines. Puis, il a appelé pour savoir s’il pouvait passer nous voir. Ma mère a dit oui.

Elle s’arrète quelques secondes pour reprendre son souffle.

- J’étais dans le jardin en train de lire au soleil lorsqu’il est arrivé, il a recommencé son manège, il ne cessait de me regarder. J’étais en short et en tee-shirt, je me demandais si je n’allais pas aller me changer. Il m’a déshabillé du regard sans aucune retenue et je ne sais pas ce qui s’est passé, il a eu un comme un choc et j’ai lu de la concupiscence dans ses yeux. C’est là que j’ai commencé à avoir très peur. Il faisait semblant de rien avec Sélenna et dès qu’elle avait le dos tourné, il m’envoyait des regards qui me glaçaient le sang. Il est reparti avec une invitation à dîner chez nous prochainement. J’ai essayé de mettre ma mère en garde, mais elle m’a regardé comme si je délirais et est partie d’un grand éclat de rire. Elle m’a dit que c’était normal qu’il me regarde, puisque j’étais une belle fille. Elle était même un peu jalouse je crois. J’ai laissé tomber.

- Et que c’est-il passé ensuite, qu’est-il arrivé à Sélenna ?

Duncan semble bouillir d’impatience et ne se rend pas compte qu’il lui crit presque dessus tellement il est tendu. Méthos lui met une main sur le bras pour le faire se rasseoir. Mira reprend.

- Il est revenu plusieurs fois à la maison, et chaque fois c’était pareil. Je faisais tout pour ne pas rester seule dans la même pièce que lui, et lui faisait l’inverse. J’en ai reparlé à Sélenna et elle a finit par s’en rendre compte. Un jour, il m’a coincé dans le couloir et il essayait de m’embrasser lorsqu’elle est arrivé. Il faisait toujours semblant avec elle, mais elle l’avait vu et c’était trop tard. Elle a compris que je disais vrai rien qu’à son sourire de prédateur. Il m’a lâché et elle lui a dit calmement de ne plus revenir, qu’elle était vraiment triste qu’il ai changé à ce point et qu’elle ne voulait plus qu’il m’approche. Il a fait l’innocent pendant quelques poignées de secondes, puis il a eu un sourire cruel. J’ai eu froid dans le dos en l’entendant lui répondre, que ce n’est pas parce qu’elle le chassait qu’il ne parviendrait pas à ses fins. Et il est parti. Pendant plusieurs jours, nous avons été sur nos gardes et puis ne voyant rien venir, la vie a repris ses droits.

Elle s’arrête le temps de boire une gorgée de café et de jeter un regard plein de tristesse aux deux immortels. Duncan sentant sa détresse vient s’installer près d’elle, lui retire la tasse des mains et prend les doigts glacées de la jeune fille dans les siens. Un peu de chaleur lui fait du bien. Elle reprend un peu de force pour continuer son récit. Elle sent peser sur elle le regard du plus viel immortel recensé.

- Tout c’est bien passé jusqu’à ce matin. Ma mère était partie faire des courses et je lisais un livre dans le salon. J’ai entendu comme un bruit de verre brisé. Aussitôt j’ai su que c’était lui. Il avait réussi à rentrer dans la maison. Je suis sortie discrètement du salon et je me suis glissée jusqu’à une pièce que l’on utilise comme débarras. Je me suis cachée derrière des cartons et j’ai attendu. Il savait que j’étais dans la maison et il m’appelait, je tremblais et sa voix se rapprochait de plus en plus. Je ne sais pas comment il a su où me trouver mais il l’a fait. Il m’a attrapé par le bras et m’a fait sortir de ma cachette. Il ne cessait de dire des suites de mots incompréhensibles pour moi, il semblait un peu comme en transe. J’essayais de le faire lâcher prise, mais il était plus fort que moi. Il m’a traîné jusqu’au salon et il m’a jeté sur le canapé. J’ai su en regardant ses yeux ce qui allait arriver, j’ai crié jusqu’à ce qu’il me baillonne, après...

Il y a maintenant des sanglots dans sa voix et tout son corps tremble. Elle n’arrive plus à parler. Duncan presse doucement ses mains.

- Il... il a voulu... me prendre de force. Mais, tout d’un coup il s’est comme figé et a hurlé de douleur. J’ai vu une lame d’épée fiché dans son corps. Sélenna était de retour. Elle l’a insulté, lui a dit de venir se battre, qu’elle allait le réduire en bouillie pour ce qu’il avait fait. Et... ils se sont battus. Au début, j’ai vraiment cru que comme il était blessé, elle y arriverait. Mais, il a repris le dessus. Je savais que je n’avais pas le droit d’intervenir. Je pleurais et j’hurlais. A présent aussi les larmes roulent sur ses joues, elle ne fait rien pour les essuyer. Et puis, il... l’a... décapitté. Il y a eu des éclairs, beaucoup de bruit et il est tombé au sol. Je n’arrivais plus à réfléchir. Et puis, j’ai repris conscience et mon esprit s’est mis en route à toute vitesse. Il fallait que je parte avant qu’il soit de nouveau en état. J’ai enfilé un pull et je suis partie en courant.

Elle s’arrête et ses sanglots l’empêche presque de respirer. Duncan la prend dans ses bras et la berce. Lui aussi a quelques larmes qui roulent sur ses joues. Il vient d’apprendre la mort d’une bonne très bonne amie. Il repense à tous les bons moments qu’il a passés avec Sélenna, cette jeune espagnole devenue immortelle à 18 ans et qui n’a jamais voulu grandir. Elle a finit par devenir adulte en adoptant une enfant et elle est morte pour la défendre. Pourquoi ne lui a-t’elle jamais parlé de Mira ?

Méthos semble impassible comme toujours, personne ne sait jamais bien ce qu’il peut ressentir. Il ne montre presque jamais rien de ses sentiments. Pourtant intérieurement, à ce moment précis. Il se dit qu’il aimerait être à la place de son ami et prendre Mira dans ses bras pour la consoler. Mais, il comprend, il est de trop, d’ailleurs, ils ont oublié sa présence. Ils ressemblent maintenant à deux naufragés se raccrochant l’un à l’autre pour ne pas couler.

A travers ses sanglots, Mira répète toujours les mêmes phrases :

- Je l’ai tuée, c’est de ma faute, elle est morte à cause de moi. Si je n’avais pas été là elle serait encore en vie. Tout est de ma faute. Qu’est-ce que j’ai fais ?

Duncan la serre plus fort contre lui et lui murmure des paroles d’apaisement. Elle pleure longtemps en se reprochant la mort de Sélenna. Elle finit par s’endormir dans les bras du Highlander. Il relève la tête et regarde son ami. Méthos a un choc, Duncan semble vraiment atteint par la mort de son amie. Il se lève et pose la main sur son épaule. Il ne peut pas le prendre dans ses bras à son tour, cela ne fait pas partie de leur façon de fonctionner ensemble. Mais, il sait que Duncan lui en ai reconnaissant. Il se lève et recouvre le corps de Mira d’une couverture. Les deux amis se rejoignent dans la cuisine et s’installent devant un bon whisky cette fois. Ils n’ont pas très envie de parler et c’est normal. Pourtant Duncan entame un long monologue, il raconte sa rencontre avec Sélenna et tout ce qui a fait qu’ils étaient très attachés l’un à l’autre. Méthos écoute en silence et les heures filent. Il compatit à la douleur de son ami. Lui-même vient d’enterrer un homme qu’il a vu naître. Etre immortel n’a pas que des avantages, loin s’en faut...

*******

L'aube teinte le ciel à l'horizon, la Cathédrale Notre Dame prend une belle couleur rose fanée. Mira bouge dans son sommeil. Elle finit par se réveiller. Au début, elle sourit, puis ne reconnaissant pas les lieux, s'interroge et les souvenirs lui revenant, elle a un hocquet de douleur et de chagrin. Elle regarde autour d'elle, elle voit les deux immortels endormis la tête sur le comptoir de la cuisine, une bouteille de whisky vide à leur côté. Elle essaye de sourire devant ce spectacle, mais le cœur n'y est pas. Ils dorment profondément et elle se dit qu'elle ne va pas les réveiller. A cette distance, elle sent très fortement leur aura si étrange. Celle qui leur permet de se reconnaître entre eux. Sélenna disait qu'elle avait des dons très particuliers et qu'elle ne devait jamais en parler à personne. Alors, elle ne leur a pas tout dit hier soir. Elle doit garder ses secrets. Peut-être que plus tard...

Mais en réfléchissant elle sait qu'il n'y aura pas de plus tard avec ces deux là. A cause d'elle sa mère est morte, elle ne veut pas que quelqu'un d'autre meurt. Elle y repense longuement sous la douche. Elle n'aurait pas du venir ici. Elle a eu tord. Mais elle va remédier à ce problème. Elle se drape dans une grande serviette et elle farfouille dans l'armoire de Duncan. Elle y trouve une chemise et un pull à son goût, certes pas du tout à sa taille, mais ce n'est pas important. Il faut juste qu'elle ai bien chaud, pour entreprendre son voyage. Elle remet son pantalon et le reste de ses affaires. Elle a ses papiers sur elle, mais ils ne lui seront plus d'aucun utilité. Il la retrouvera où qu'elle aille, il faut qu'elle change d'identité.

Elle se dit que c'est bien dommage. Elle aurait aimé rester avec Duncan et Méthos, ils ont l'air vraiment adorable. Adorable n'est pas le mot pour décrire deux hommes en pleine force de l'âge et particulièrement séduisants. Mais, ils ont tous les deux un côté attendrissant. Elle a surtout un faible pour Méthos, sa mère lui a beaucoup parlé de la légende de cet immortel, et ce n'est que l'année passée, lorsqu'elle a rencontré par hasard Duncan dans Paris, que Sélenna a appris que Méthos n'était pas un mythe. Ils ont eu une longue discussion à son sujet. Et Sélenna a tout répété à Mira. Etrangement, lors de sa rencontre avec Duncan, elle n'a pas parlé de sa fille. Mais ce n'est pas seulement à cause de son statut du plus vieil immortel recensé qu'elle a un faible pour lui. Non, il y a autre chose. Elle n'a pas tellement le temps d'y penser maintenant, il faut qu'elle parte avant qu'ils se réveillent.

*******

Manque de chance, Méthos est déjà debout en train de faire du café lorsqu'elle ressort de la salle de bain. Il est encore dans le gaz, trop de whisky, pourtant, rien qu'un regard et il devine tout de suite qu'elles sont ses intentions. Il secoue Duncan pour le réveiller.

- Duncan, Duncan debout ! Je crois que notre petite amie voudrait nous dire au-revoir.

Le Highlander relève péniblement la tête, les paroles de Méthos atteignent lentement son cerveau. Il regarde la jeune fille sans comprendre puis le jour se fait dans son esprit.

- Mira, tu veux t'en aller. Mais pourquoi ? Reste encore avec nous, nous te protégerons. J'ai encore beaucoup de choses à te dire et à te demander.

Sous son regard si perdu, elle sent sa volonté faiblir.

- Je suis désolée Duncan, je dois m'en aller. Je ne peux pas rester ici. Vous devez comprendre que je ne peux pas risquer la vie de quelqu'un d'autre. Je dois me débrouiller toute seule. Je l'ai réalisé ce matin. Il tuera quiconque se mettra en travers de son chemin, je le sais et je le sens. Je ne veux pas qu'ils vous arrivent malheur et je dois partir maintenant pour ne pas avoir le temps de m'attacher. Dis-moi, que tu me comprends Duncan, dis-moi que c'est ce que j'ai de mieux à faire, aides-moi à partir !

Les larmes roulent à nouveau sur ses joues. Elle implore qu'il la rejette pour qu'elle puisse partir sans regret. Elle l'implore lui, parce qu'elle sait qu'elle ne peut pas regarder Méthos. Elle a peur de ce qu'elle risque de lire sur son visage, elle s'est déjà si vite attachée à eux, que cela lui fait peur. Il la regarde lui, intensément et elle sent sans le voir, qu'il se passe qu'elle chose entre elle et lui. Il faut qu'elle parte au plus vite pendant qu'il en est encore temps.

Elle ne réfléchit plus et plus vive qu'une gazelle, elle traverse le salon pour atteindre la porte d'entrée. Elle perd quelques secondes avec les verrous et se retrouve dans l'air glacial d'un mois de décembre. Elle entend un bruit de courses derrière elle, des cris étouffés. Elle descend la passerelle et file droit vers l'escalier qui va la mener au boulevard. Après le deuxième pont, il y a le métro et le RER, elle pourra se couler dans la foule des touristes et des parisiens qui se promènent à la recherche d'un cadeau pour les fêtes de fin d'année. Méthos l'appelle, il glisse sur les pavés glacés en chaussettes. Duncan le suit de près, mais lui est pieds nus, ils ne vont pas aller bien loin comme ça. Cela la fait sourire l'espace d'une seconde et puis elle se détourne et fuit. Elle pense que c'est mieux ainsi.

*******

Méthos peste intérieurement, Duncan ne se gène pour lâcher une bordée de jurons. Méthos est le plus rapide à retourner à la péniche. C'est lui qui a le plus à perdre. Il enfile ses chaussures sans les lacer, repart en sens invers, percute Duncan au passage. Il faut qu'il fasse vite, sinon elle va se perdre dans le flot de touristes. Il jette juste à son ami :

- Restes là, Duncan, tu n'es pas en état. Je vais la retrouver et je la ramènerai, je te le promets. Attents nous ici !

Ensuite, il dévale la passerelle et court plus vite qu'il ne l'a jamais fait. Il a vu ses yeux pleins de larmes, son regard désespéré, il a peur qu'elle ne fasse une bêtise. Il a surtout peur de ne plus la revoir.

Mira stoppe. Pour une raison obscure, elle n'a pas pris le chemin qu'elle voulait. Après le pont qui mène à la Cathédrale, elle a traversé la route, le petit parc est ouvert, pourtant elle longe les grilles par l'extérieur et rejoint la minuscule église qui se trouve là. Sa mère lui a parlé de Darius, le prêtre-guerrier qui a vécu et est mort dans ce lieu, tué par un mortel fanatique.

Les églises ne sont pas les lieux qu'elle préfère, alors elle n'entre pas, elle reste sur le trottoir à regarder le monument.

Méthos est inquiet, il n'arrive pas à la repérer. Où peut-elle bien être ? Il s'arrête au niveau de la librairie qu'il a tenue aux temps où il était encore Adam Pierson et ne connaissait le Highlander que de nom. Il aperçoit une silhouette, au fond de la ruelle qui mène à l'ancienne église de Darius. C'est elle ! Il en est sûr. Il s'avance lentement, il a peur qu'elle ne s'enfuit en le voyant. Mais apparemment, il n'a rien à craindre, elle semble absorbée par ses pensées.

Mira a senti une présence bien avant de voir qui se trouve près d'elle. Soudain, elle a les jambes lourdes et elle ne veut plus fuir, plus pour le moment. Elle se sent si seule. Sélenna était beaucoup plus pour elle qu'une mère, c'était aussi sa meilleure amie, sans elle, elle n'a plus personne à qui se raccrocher. Elle se sent si lasse.

Méthos s'approche, il se place derrière elle et la prend doucement dans ses bras. Elle s'appuie contre lui et ils restent là un bon moment sans parler.

Puis, elle reprend vie. Elle se tourne vers lui, lève la tête pour accrocher son regard. Il est si grand. Mira esquisse un pale sourire et murmure plus qu'elle ne dit :

- Je dois vraiment m'en aller ! Vous devez me laisser partir. Je dois me débrouiller seule. Je ne peux pas vous impliquer tous les deux. Je dois me débrouiller seule. Je me suis déjà trop attachée et j'ai besoin d'avoir les idées claires pour faire ce que j'ai à faire......

Il la regarde intensément, il écoute ce qu'elle lui dit, mais il ne l'entend pas. Il contemple ce si joli visage, qui lui fait penser à un tableau d'un peintre vénitien. Il peut voir à présent à la lumière du jour que ses yeux ne sont pas noirs, mais gris, que ses cheveux ont de doux reflets roux. A chaque seconde qui passe, le vieil immortel tombe un peu plus amoureux. Alors comment la laisser partir ?

Elle continue de parler, accumulant les arguments. Elle s'arrête, troublée par ce qu'elle lit dans les yeux de l'immortel. Il se penche et ses lèvres effleurent doucement celles de Mira, puis le baiser se fait plus profond, leurs coeurs chavirent. Elle se hausse sur la pointe des pieds et s'accroche à ses épaules. Il plonge les mains dans la lourde masse de ses cheveux et la rapproche un peu plus de lui. Le temps s'arrête.

Ils s'éloignent un peu l'un de l'autre pour reprendre leur souffle. Il remarque, et cela le fait sourire, une rougeur diffuse qui teinte les joues de sa compagne. A l'instant présent, il se sent l'homme le plus heureux du monde. Il a envie de crier sa joie, mais ce n'est pas son genre. Il lui prend la main et l'entraîne à sa suite, il connaît un endroit, ils y seront bien, juste tous les deux. Elle le suit sans prononcer un mot. Il se tourne vers elle pour voir son visage et il réalise soudain à quel point elle peut être jeune. Peut-être trop jeune ? Elle le regarde dans les yeux sans peur, aucune, et le désir qu'il lit dans son regard, fait tomber tous ses doutes.

La chambre est petite et douillette, un vrai petit nid bien chaud. Elle ne tremble plus. Elle se doutait que cela allait arriver, et elle réalise que depuis qu'elle a fait sa connaissance, elle désirait que cela se passe. Elle a un peu peur, mais il n'a rien d'un monstre ou d'un pervert, loin de là, de plus elle l'aime déjà. Mais, elle ne lui dira pas, en tout cas pas encore. Au fond d'elle-même elle sait que tout se passera bien. Et, effectivement les choses se déroulent le plus naturellement du monde, avec douceur, tendresse et passion. Juste un bref moment de surprise pour lui comme pour elle et la nature suit son cours.

Méthos lutte contre le sommeil qui l'envahit, il veut parler avec Mira, la prendre dans ses bras et lui murmurer des mots tendres. Il y a tant de choses dont ils doivent parler. Mais sa nuit trop courte et trop arrosée la rattrape. Il s'endort d'un sommeil sans rêve.

*******

Mira le regarde, allongée près de lui, appuyée sur un coude. Il est si beau et si fier même dans le repos. Elle contemple un long moment l'homme de sa vie et elle sait déjà qu'elle ne le reverra pas avant un très long moment. Une pointe de douleur transperce son cœur.

Elle se lève doucement, il faut se mettre en route. Elle va prendre une douche bien chaude. Ensuite drapée dans une minuscule serviette, elle s'approche du miroir au dessus du lavabo. Elle essuie la buée et fixe son propre visage. Quelque chose a changé, non ce n'est pas le fait qu'elle soit devenue une femme dans les bras de Méthos. Non, il y a autre chose, d'indéfinissable pour le moment, qui a changé. Elle a toujours eu des intuitions, cela fait partie de ses dons. Elle hausse les épaules, le temps n'est pas à la réflexion, mais à l'action.

Dans la chambre, Mira recherche ses vêtements éparpillés à travers la pièce et se rhabille machinalement, ne quittant pas des yeux le grand corps endormi, dans ce lit qui lui semble bien petit. Des yeux, elle cherche de quoi écrire, il y a du papier et un crayon sur une des tables de chevet. Elle s'installe au bord du lit et se met à écrire. Cela ne lui prend pas beaucoup de temps. Ensuite, elle se lève, jette un dernier regard à son premier amant et sort de la chambre, les yeux un peu embués. Elle relève la tête bravement et redresse les épaules, à partir de cet instant, elle est seule, vraiment seule et il va falloir qu'elle assure.

*******

Lorsque Méthos ouvre les yeux, il fait sombre dans la chambre. Intuitivement, il sait déjà qu'il est seul. Un regard à la pièce suffit pour voir que les affaires de Mira ont disparu. Il remarque une feuille posée au pied du lit. Il la saisit, lit les quelques phrases et froisse la page dans son poing.

"Méthos ! Je dois m'en aller pour quelques temps, je vous demande à tout deux de ne pas chercher à me retrouver. Je serai prudente et je penserais à vous. Je reviendrais, je le promets. Merci pour tout ce que tu m'as apporté, je l'emporte avec moi comme un cadeau précieux. A bientôt ! Mira."

Il se doutait bien qu'elle partirait, bien que fragile et encore très jeune, elle n'en est pas moins têtue. Il attendra. Il attendra le temps qu'il faudra qu'elle revienne, n'est-il pas immortel ? Il sait bien que cela ne servirait à rien de se lancer à sa poursuite, il sait que s'il la rejoint, elle fuira de nouveau. Il regarde le crépuscule tombé sur Paris. Elle est là quelque part et il sera là à son retour. Il attendra.

Fin de la Première partie

 


Deuxième partie

 

Paris février 2001

Il fait plutôt froid en ce mois de février. Les gelées matinales persistent, mais pas dans la capitale, micro climat oblige. Le nouveau millénaire vient enfin de débuter.

Mira marche d'un pas vif en direction de la cathédrale de Notre Dame. L'espoir que la péniche de Duncan et son propriétaire soient toujours à quai, la tenaille. Près d'un mois et demi se sont écoulés depuis son départ précipité et la mort de sa mère. Ses souvenirs sont encore très frais, trop à son goût.

Après avoir quitté le nid douillet où dormait l'homme de sa vie, Mira avait rejoint son ancienne maison. Un policier en uniforme montait la garde devant la grille. Elle avait fait le tour et était passée par le brèche dans le mur que sa mère avait maintes fois promis de boucher. La maison était en désordre, elle avait été fouillée, par Anton sûrement. Elle avait évité la salon où sa mère avait trouvé la mort et était montée directement au premier. Elle avait d'abord pénétré dans la chambre de Sélenna. Là le chantier était encore plus indescriptible, le parfum si cher à son cœur lui était parvenu aux narines et elle avait faillit à nouveau éclater en sanglot. Elle se s’était ressaisit. Avait défait les draps, les couvertures, jetant tout pêle-mêle sur le sol. Retirer le matelas avait été un peu plus dur. Ensuite, du bout des doigts, elle avait recherché une petite excroissance dans le pied du lit. Un petit clic s’était fait entendre et un panneau s'était ouvert dans le cadre du lit. Elle en avait retiré une grosse enveloppe brune, dedans : deux passeport, la clef d'un coffre et une lettre de la main de sa mère. Elle avait serré le tout sur son cœur en repensant à Sélenna qui avait tout prévu en cas d'une éventuelle fuite, mais pas sa propre mort.

Mira était sortie de la pièce pour entrer dans sa propre chambre. Tant de souvenirs aussi dans cet endroit, adolescente elle passait des heures à rêver aux immortels dont sa mère lui avait parlés. Elle avait toujours eu une grande passion pour l'histoire, mais celle qu'elle préférait le plus était celle que lui racontait sa mère, elle avait vu tant de choses et rencontré tant de personnages célèbres de l'histoire, cela faisait briller ses yeux de petite fille.

Elle avait prit son sac de sport sous le lit et mit quelques vêtements, des photos et l'enveloppe. Elle avait quitté la pièce sans un regard en arrière. Elle était reparti par le même chemin, la brèche dans le mur. Elle avait filé ensuite dans une banque suisse près de l'Arc de Triomphe. Tout ce dont elle avait besoin se trouvait dans un coffre ici : les contacts avec le notaire et l'avocat pour la vente de la maison et la succession, qui irait à une lointaine cousine, qui s'avérait être elle-même, une carte de sécurité sociale, un extrait d'acte de naissance, un chéquier et une carte bleue à son nouveau nom et par dessus tout les journaux intimes de sa mère. Il y en avait peu sur papier, parce qu'avec l'ère de l'ordinateur, Sélenna avait tout retranscrit sur PC, puis transféré sur disquettes, puis Cd-rom. Les seuls documents qui restaient, Mira devait elle-même les rentrer dans la machine pendant les vacances de noël et cela ne se ferait pas.

Tout cela récupéré, elle était parti un peu chargée pour l'aéroport de Roissy, direction la baie de Calvi en Corse. C'est là qu'elle avait passé les dernières semaines, à mettre en place sa nouvelle identité et à comprendre ce qui s'était passé.

Et puis, un fait nouveau était apparu et elle avait pris la décision de revenir à Paris. Il fallait qu'elle voit Méthos au plus vite. Et elle était là sur un pont en ce jour de février, à chercher du regard une péniche noire. Elle pousse un soupir de soulagement, le bateau est bien là. Elle descend les marches lentement sans le quitter des yeux. De là où elle se trouve, elle sent déjà la présence d'un immortel. Elle monte la passerelle et sa main tremble lorsqu'elle frappe à la porte. Elle entend du bruit et le battant s'ouvre, ses yeux s'arrondissent de stupeur, ce n'est pas le Highlander qui se trouve en face d'elle, mais celui qu'elle est venue retrouver.

Méthos a un choc, il ne s'attendait pas à la voir maintenant, d'autant plus qu'ils étaient en train de parler d'elle à l'instant. Elle est toujours aussi belle, elle semble avoir pris de la maturité.

Elle esquisse un sourire, il le lui rend mais c'est un peu froid. Il lui cède la place sans un mot et elle franchit la porte. Duncan est dans un des canapés, il se lève et vient à sa rencontre.

- Mira, enfin tu es là ! Je me suis fais beaucoup de soucis à ton sujet, je suis très heureux de te revoir. Nous avons temps de choses à nous dire.

Il la prend dans ses bras et c'est bon d'être de retour, elle a l'impression qu'elle l'a toujours connu. Elle lui rend son étreinte. Puis se tourne vers Méthos qui la regarde fixement, énigmatique.

- Moi aussi je suis contente de te revoir Duncan, je suis désolée de mon départ précipité, mais sur le coup c'est ce qui m'a semblé le plus logique. Comment vas-tu Méthos ?

Mal apparemment, il doit lui en vouloir. Il s'avance et prend place dans un canapé. Il ne sourit toujours pas. Ca lui serre le cœur.

Duncan va dans la cuisine et lui fait signe de s'asseoir. Il revient assez vite avec du café.

- Alors qu'as-tu fait pendant ces dernières semaines ? Tu as l'air en forme. Des nouvelles d'Anton ?

Duncan est si gentil, il ne s'aperçoit même pas de la tension qui règne dans la pièce. Mira pense qu'il n'est même pas au courant de ce qui c'est passé entre le vieil immortel et elle.

- Je n'ai pas revu Anton et c'est mieux comme ça. J'espère ne plus jamais croiser sa route. Et en ce qui concerne ce que j'ai fais, j'ai juste reconstruis une autre vie avec un nouveau nom et tout ce qui va avec. J'ai aussi beaucoup lu et j'aurais plein de choses à te raconter sur Sélenna si tu veux, mais plus tard. Pour l'instant, je dois t'avouer, que si je suis ici, c'est parce que je voulais retrouver Méthos et comme il est chez toi, cela va être plus simple et en même temps plus compliqué.

Ce dernier hausse un sourcil, mais toujours aucun sourire ni aucun mot. Mira se sent bien triste, mais comme Duncan est près d'elle, elle se sent aussi plus forte. Malheureusement l'odeur du café lui parvient aux narines et elle sent venir un haut le cœur. Non, pas maintenant, se dit-elle ! Elle se lève précipitamment et court dans la salle de bain.

Les deux immortels se regardent sans comprendre. Méthos s'approche de la porte et les bruits qui lui parviennent ne laissent planer aucun doute, Mira a l'estomac dérangé. La porte s'ouvre et ils se retrouvent face à face. Mira rougit et tient à peine debout. Il l'a prend par le bras et la ramène au canapé près de Duncan. Et s'installe en face d'elle. Son ton est sarcastique.

- Qu'est-ce qui t'arrives, Mira. Ton petit déjeuner passe mal ?

La crise est passée, elle respire lentement.

- Non, en fait cela m'arrive tous les jours depuis quelques temps et je pense que cela devrait durer encore un mois et demi environ.

Un ange passe. Mira voit presque les rouages de leur cerveau se mettrent en route et la petite ampoule s’allumer dans leur esprit. Duncan lui prend les mains.

- Mon dieu, Mira, tu es enceinte ! Mais qui ....

- Ne t'inquiètes pas Duncan, tout va bien. C'est pour ça que je suis ici. Je voulais voir Méthos pour lui dire que nous allons avoir un enfant. Je ne pouvais pas garder ça pour moi.

Duncan reste interdit, les yeux ronds. Méthos pousse un soupir excédé.

- Arrête de raconter des histoires Mira, tu es enceinte d'accord, mais sûrement pas de moi et tu le sais très bien. Ne ments pas !

Elle s'attendait à cette réaction, mais cela ne l'empêche pas d'en souffrir. Et puis, le ton sur lequel, il lui dit ça, c'est insoutenable.

Méthos la regarde, il sait qu'il lui a parlé un peu sèchement, mais comment peut-elle espérer qu'il soit gentil avec elle. Elle le quitte, ne donne pas de nouvelle, et la voilà qui revient comme si de rien avec en plus un enfant à venir, qu'il s'est bien n'être pas de lui puisque les immortels sont stériles. A quel jeu joue t'elle ?

- Je savais que tu ne me croirais pas. J'ai été la première étonnée, crois-moi ! Mais c'est la vérité. Il n'y a eu que toi dans ma vie, je le jure sur tout ce que j'ai de plus cher !

Duncan prend la parole doucement.

- Mira, nous aimerions te croire, mais il y a longtemps que l'on a fait une croix sur une descendance. Dans toute l'histoire des immortels, on n’a jamais entendu parlé d'un des notre qui aurait eu un enfant de son sang. On ne sait pas pourquoi mais c'est impossible.

Elle lui serre fortement les mains.

- Et bien non Duncan, non ce n'est pas impossible et c'est déjà arrivé, et même souvent. Comment veut-tu que les immortels se renouvellent. Il y a des combats et à chaque fois, il y en a un qui meurt. D'où viennent ceux qui le remplacent ? A force de vous battre, il ne devrait plus en rester un seul. Et pourtant, même si votre mot d'ordre c'est "il ne peut en rester qu'un", il en vient toujours d'autres, des nouveaux.

Duncan penche la tête pensif, il a déjà réfléchit à tout ça, mais il n'a pas de réponse. Il interroge son ami du regard. Méthos hausse les épaules, lui non plus ne sait pas. Pourtant, il a plus de 5000 ans d'existence derrière lui.

- Moi, j'ai une explication ! Vous vous rappelez, lorsque je vous ai parlé de Anton, lorsqu'il est venu chez nous et que je me trouvais dans le jardin. Je me suis demandé ce qu'il avait bien pu voir pour changer d'attitude comme cela et bien je le sais à présent. Je l'ai découvert dans le journal de Sélenna. Je devais avoir à peine un an lorsqu'elle s'est aperçue que je sentais sa présence. Comme si j'étais une immortelle, ce qui n'est pas le cas, vous le sentez tous les deux. Elle avait remarqué aussi une drôle de tâche de naissance que j'ai à l'intérieur d'un de mes genoux, cela ressemble à un petit tétard, sans en être un d’ailleur. Moi, je n'y ai jamais prêté beaucoup d'attention, elle me disait en riant que c'était la marque des fées. Au temps de l'inquisition, on m'aurait brûlée vive comme sorcière avec ce genre de marque. Sélenna a commencé à se poser des questions et elle a fait des recherches très poussées, cela lui a pris plusieurs années, mais elle ne m'en a jamais parlé. Elle a découvert qu'il y avait des documents qui parlaient des immortel. Nous savions qu'il en existait déjà car les guetteurs écrivent des chroniques, mais il ne s'agissait pas de documents leur appartenant et ne concernant pas que les immortels. Non, il s'agit d'une confrérie, je n'en connais pas le nom. Lleur but est de surveiller non pas les immortels, mais des mortelles, des femmes qui sont les seules à pouvoir porter l'enfant d'un immortel. Elles ont toutes la même marque de naissance et le don de sentir les immortels, c'est peut-être comme ça qu'elles les rencontrent d'ailleurs et s'attachent à eux. Chaque homme de la confrérie se fixe au pas d'une de ces mortelles. Il épie ses moindres mouvements, lorsqu'elle rencontre un immortel et qu'elle est fécondée, il le sait automatiquement, toujours avant elle. Alors il l'enlève et la ramène en lieu sûr, où elle attendra le terme de sa grossesse. Ensuite, il lui prend son enfant et il l'abandonne. C'est pour cela que tous les immortels ne connaissent pas leurs vrais parents. Bien sûr tous les bébés ne sont pas de futurs immortels, certains deviendront des membres de la confrérie et d'autres des reproductrices. On ne sait pas ce qu'il advient de la mère après l'accouchement.

Elle s'arrête un instant, le temps de reprendre son souffle et de regarder les deux hommes pour voir leur réaction. Elle lit l'incrédulité sur leur visage, le doute et l'interrogation.

- Qu'est-ce que tu essayes de nous dire ? Que tu es un de ces femmes ? Que tu attends vraiment un enfant de moi ? Si tu es une de ces mortelles, où est l'homme de la confrérie qui doit t'enlever pour prendre ton enfant ?

Méthos a du mal à respirer. Tout s'embrouille dans sa tête. Il a envie de croire à toute cette histoire. Il a envie que cet enfant qu'elle porte soit le sien. Tout cela a réveillé un besoin trop longtemps refoulé au cours des millénaires. Mais, il faut qu'il en sache plus. Il veut qu'elle approfondisse le sujet, pour qu'il n'y ai plus aucun doute.

- Je peux répondre à toutes tes questions, en tout cas je peux essayer. Sélenna a coupé le cycle infernal lorsqu'elle m'a adoptée. Ou plutôt lorsqu'elle m'a enlevée ? C'était donc il y a plus de 20 ans. Elle travaillait au service social d'un hôpital, elle a toujours aimé aider les autres, tu le savais n'est-ce pas Duncan, c'est comme ça que vous vous êtes rencontrés, il y a 250 ans. Le Highlander hoche la tête. On l'a contacté parce que l'on venait de ramener une jeune fille sur le point d'accoucher, on l'avait trouvé seule errant dans les rues. On ne l'a laissa la voir qu'après l'accouchement. La jeune fille refusait de parler. Lorsque Sélenna lui demanda si elle avait de la famille, elle lui fit signe que non. Elle décida de la laisser reprendre un peu son souffle. Elle alla voir le bébé qui était en pleine forme. L'infirmière vint la chercher parce qu'il y avait eu des complications et que la jeune femme était morte. Sélenna était bien triste. Elle s'occupa de rechercher la famille de la jeune fille. Mais elle échoua. Deux hommes vinrent à l'hôpital pour reconnaître le corps. Elle les entendit discuter. Ils parlaient de prendre le bébé et de l'abandonner dans un autre pays. C'est le mot abandon qui l'a fait réagir, elle a décidé de prendre l'enfant. Elle avait toujours rêvé d'en avoir un, c'était l'occasion. Elle changerait d'identité ce ne serait pas la première fois. L'enfant n'était pas encore prêt d'après les médecins à sortir, les messieurs devaient attendre un peu. Sélenna en profita pour enlever le bébé. Elle se cacha le temps d'avoir de nouveaux papiers pour elle et pour lui et parti quelques années en Italie. Ce n'est que lorsqu'elle a commencé à se poser des questions qu'elle a entrepris ses recherches. Elle avait glané quelques maigres informations sur la jeune fille avant de s'enfuir. Cela lui pris du temps, mais elle a retrouvé celui qui devait être son surveillant à l'origine. C'est une histoire bien triste en fait. La jeune fille s'appelait Emmelyne, son garde invisible Marco. Ce dernier est tombé amoureux d'elle. Lorsqu'elle a rencontré un immortel du nom de Petross, il a continué sa mission mais la mort dans l'âme. Petross a été tué par un autre immortel et Emmelyne s'est retrouvée seule, elle a découverte en même temps que Marcos qu'elle était enceinte. Marcos a vu là une chance de se faire aimer et il lui a révélé qui il était et quelle était sa mission. Il lui a dit qu'il ne pouvait pas faire ce que demandait ses supérieurs et qu'il la protègerai. Et c'est ce qu'il a fait, l'amour est venu petit à petit entre eux. Malheureusement, les autres membres de la confrérie se sont rendu compte de la situation et ils les ont pourchassés. Ils ont été séparés. Lui a été emprisonné pendant quelques mois puis bannis de la confrérie. C'est Sélenna qui lui a appris la triste fin d'Emmelyne. Il était déjà bien malade et il a voulu voir l'enfant. Je me souviens de lui, je devais avoir 7 ans lorsque Sélenna m'a emmené voir un ami souffrant. Je ne comprenais pas à l'époque pourquoi il me dévorait des yeux et pourquoi il pleurait. J'étais le portrait d'Emmelyne. Lorsque j'en ai reparlé à ma mère un peu plus tard, elle m'a dit qu'il avait rejoint les anges et celle qui aimait. Voilà l'histoire de mes origines.

- Mira, pourquoi Emmelyne n'a pas parlé de Marco à Sélenna ? Demande Duncan.

- Parce que leurs poursuivants avaient tiré sur Marco et qu'elle croyait qu'il était mort.

Il secoue la tête attristé. Mira regarde Méthos, il semble absorbé dans ses pensées. Elle espère tant qu'il va la croire et lui pardonner. Quant à lui, il ne sait plus ou il en est, cette histoire semble si vrai et cela apporte une certaine lumière sur leurs origines. Duncan aussi réfléchit, son visage s'éclaire.

- Mira, si ce que tu dis es vrai. Est-ce qu'il est possible que nous ayons l'un ou l'autre déjà rencontré une de ses femmes et que sans le savoir nous ayons un enfant quelque part ?

- Oui, c'est parfaitement possible. Il y a plus de probabilité pour que Méthos est déjà eu des enfants que pour toi, vu son ancienneté. Mais, c'est possible.

Elle les laisse réfléchir un peu tous les deux et sort prendre l'air sur le quai. Elle est surprise lorsque Méthos la rejoint. Il se place derrière elle, comme ce fameux jour devant l'église de Darius et lui murmure à l'oreille.

- Alors comme ça, nous allons être parents !

Il n'y a plus aucun agressivité dans son ton et Mira soupire de soulagement.

- Oui, nous aurons un fils ou une fille pour début - mi septembre. Et se tournant vers lui pour le regarder. Est-ce que tu me crois maintenant ?

Il lui sourit tendrement, ses yeux pétillent. Elle penche la tête en arrière, il est toujours aussi grand. Il dépose un baiser léger comme une aile de papillon sur ses lèvres et referme ses bras sur elle. Il enfouie son visage dans son cou. Il a vu temps de choses au cours de sa longue existence. Des choses parfois pour lesquelles, il n'avait aucune explication rationnelle. Mais, il croit en elle, parce qu'il sent qu'elle est sincère. Et puis, il est temps de poser un peu ses valises et créer quelque chose.

- Oui, je te crois ! Mais, je me pose encore beaucoup de questions sur tout ça, il faudra que tu m'aides à éclaircir certains points.

- D'accord !

Et ils scellent leur accord par un baiser plus que fougueux.

 

******

Le mois de mars se termine. Duncan se souvient d'une jeune mortelle qu'il a aimé et qui avait une drôle de petite tâche de naissance à l'intérieur du genou. Elle a du mourir il y a longtemps puisque cela remonte à environ 175 ans. Mais cela veut dire aussi pour lui, que quelque part, il y a peut-être un immortel qui est son enfant, où une mortelle qui est sa descendance. Cela remet beaucoup de choses en question. Lorsqu'il affrontera un immortel à présent, il se posera toujours la question avant. Il se demande s'il n'a pas déjà tué un des siens. Mais Mira semble être sûr que ce n'est pas le cas. Elle lui a dit que s'il devait rencontrer sa chair et son sang, il le saurait.

Méthos lui n'a pas le souvenir d'avoir rencontré avant Mira, une de ces jeunes femmes. Lui et Mira vont aujourd'hui faire une échographie. C'est la première des 3 pratiquées au cours de la grossesse. Duncan a bien du mal à reconnaître son ami. Lui qui était toujours un peu sombre et pince sans rire, semble s'être complètement épanoui avec cet enfant à venir. Mais heureusement, il a toujours son côté mystérieux et sarcastique. Il se sent un peu jaloux de leur bonheur, mais il sait maintenant qu’un jour peut-être, il pourra élevé un enfant à son tour.

Duncan les entend revenir, ils semblent tous les deux très joyeux. Méthos tient un magnum de champagne à la main. Mira a les joues rouges. Méthos lui annonce la grande nouvelle. Ce sont des jumeaux, filles ou garçons on ne sait pas, mais ce qui est sûr c'est qu'ils sont deux.

Mira s'installe sur un des canapés et sourit en regardant les deux hommes se congratuler. En dehors des enfants qu'elle attend, ils sont devenus les deux êtres qu'elle aime le plus au monde. L'ami d'un côté, fiable et dévoué, et l'amant de l'autre tendre et un peu fou. Elle se demande si elle doit leur dire ce qu'elle a gardé pour elle à propos de toute cette histoire. Et puis non ! Ils le découvriront bien assez tôt. Elle caresse son ventre déjà bien gros, de toute façon elle sera là...

 

Fin de la Deuxième partie



Auteur : AstoriaduneAaol.com