Psyberspace

Frédéric Jeorge
zarkass@gmail.com
Novembre 1997




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Chapitre 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8





- 1 -



- Décale de quelques degrés sur la gauche... encore un peu... stop, touche plus à rien, elle est là. Regarde.
Je me mis de côté pour permettre à Thomas de regarder dans l'oculaire du télescope. Petit cercle au centre de l'image, Jupiter était là, nette au point de voir la grande tache, du moins pour des yeux exercés.
- Impec'. Monte l'appareil, j'enlève la visée, et on shoote.
Soudain, attirant mon regard par sa luminosité intense, un objet venait vers nous du sud, à grande vitesse. Un météorite ? Vivement, je saisis les jumelles, mais l'objet était déjà trop près. Il allait s'écraser sur nous ! Thomas, plus conscient du danger, plongea en avant et me prit par la taille en tombant pour me protéger.



Nous étions tous deux à plat ventre dans la terre humide, les mains sur les oreilles, les yeux aussi serrés que possible, tandis que la mort passait au-dessus de nous. Après une lumière si vive qu'elle nous éblouit à travers nos paupières crispées, une vague de chaleur et un vacarme tel que je crus en perdre l'audition, tout se calma. Le silence et l'obscurité retombèrent sur la montagne déserte. Je me relevai, imité par Thomas. La tête me faisait mal, et je crois que mon dos était un peu roussi, mais je voulais comprendre ce qui venait de se passer.



Le souffle avait renversé le télescope qui s'était brisé, et éparpillé notre matériel photo. La tente et nos sacs, un peu en contrebas, devaient avoir été épargnés, mais ce qui était tombé avait rebondi plusieurs fois avant de se stabiliser. L'un de ces rebonds avait renversé et écrasé notre voiture. Sur le toit, aplatie contre un rocher, elle achevait sa lente combustion.



Mais l'objet en question, où était-il ? Nous le découvrîmes en escaladant la crête. Entraîné par son élan, l'engin, car ce n'était pas un météorite, avait remonté la pente assez abrupte et sauté de l'autre côté, où la dénivellation était beaucoup plus douce.
- C'est un avion, affirma Thomas.
- Je ne pense pas.
Cet appareil avait une forme surprenante, mais elle ne m'était pas inconnue. Quelqu'un, aussi aberrant que cela paraisse, avait reconstitué un engin spatial, issu d'une trilogie culte que ne vous ferai pas l'affront de citer. Un B-Wing gisait sous mes yeux, précis dans les moindres détails de la coque. Mais la technologie actuelle ne sait pas faire voler un appareil aussi peu aérodynamique, aussi s'était-il écrasé sur un sommet isolé des Alpes, difficilement accessible en Jeep, sans aucun moyen de venir en aide au pilote.



Toutefois, malgré sa terrible chute, la grande maquette ne semblait pas trop endommagée. Sa coque, noircie, un peu cabossée, avait résisté de façon surprenante. Nous nous trouvions derrière, face aux réacteurs éteints. Nous avions commencé d'en faire le tour quand, devant Thomas et moi stupéfaits, la bulle du cockpit se souleva. Encore quelques jets de vapeur, une gerbe d'étincelles, et la vitre se stabilisa en position haute.



Une silhouette s'agita dans la cabine, difficile à discerner sous l'éclairage des étoiles. Nous n'avions pas pensé à prendre nos lampes de poche et notre matériel photo avait été détruit. Soudain, trouant la nuit, trois projecteurs s'allumèrent sur le flan de l'appareil, illuminant le sol boueux. C'était extraordinaire, la batterie et les lampes de ce grand jouet fonctionnaient encore. Un homme se leva, et prenant appui sur des échelons qui venaient de sortir le long de l'habitacle, descendit doucement. Il vérifia la consistance du sol avant d'y poser le pied. Il ôta son casque, réplique exacte de ceux des pilotes de l'Alliance, et son masque à oxygène. Surpris de nous voir, il s'adressa à nous en une langue que ne comprîmes pas. Pourtant, Thomas préparait un diplôme de tourisme et moi de linguistique et nous parlions à nous deux plusieurs langues parmi les plus courantes. Celle-ci n'en faisait pas partie. Le pilote, assez sombre de peau, mais aux yeux très clairs et aux cheveux blonds, ne comprit ni l'anglais, ni l'espagnol, pas plus que l'italien, l'allemand, le russe… De notre côté, impossible de déterminer son groupe linguistique.



Finalement, il nous fit un signe universellement compris comme "ne bougez pas, j'arrive". Il remonta dans la cabine et parla à un second passager, qui se leva à son tour et descendit l'échelle avec maladresse. Thomas laissa échapper un juron et je restai bouche bée. Si c'était un coup monté, il était vraiment parfait. Le deuxième passager était une unité protocolaire, du style ZC-6PO, mais peinte en blanc et non en doré comme dans les films. A son tour il s'exclama et se mit à parler très vite avec le pilote. Impatient et fou d'espoir, même si ce n'était qu'un rêve ou un canular, je l'interrompis.
- Pardon, mais seriez-vous un droïde de la série 6PO, chargée du protocole et des relations humano-cyborgs ?
Il hésita avant de me répondre dans une sorte de grec mêlé de latin et d'hébreu que j'arrivai à peu près à démêler.
- Ravi de constater que malgré votre manque d'infrastructures, vous connaissez des droïdes de ma qualité. Permettez-moi de vous présenter le général Topeg, des forces armées de la Nouvelle République. Je suis une variante 3.26 de la série 6PO pour être exact, mais il est tout fait extraordinaire, alors que vous êtes sans nul doute un humain, que je vous comprenne si mal. C'est à peine si mon module d'adaptation a pu saisir le sens de vos paroles. Or, le langage que j'emploie est celui qui me semble le plus proche, bien qu'il soit très ancien. Le comprenez-vous ?
Je répondis en latin.
- Mal. Connaissez-vous le latin ?
- Ah c'est déjà mieux, mais pour répondre à votre question, je n'ai pas le "latin" en mémoire. Est-ce une variante régionale ?
- Pas vraiment, il n'est plus utilisé depuis deux mille ans.
Comme le droïde programmé pour se faire comprendre partout, détachait chaque mot, je suivais à peu près ce qu'il voulait dire, mais la conversation n'était pas aisée. Thomas était perdu, et je savais que le pilote ne saisissait pas un mot de la conversation.
3.26 reprit de sa voix un peu métallique
- Comment se fait-il que vous ne parliez pas le basic ? Et où se trouve le plus proche spatioport, s'il vous plaît, le calculateur de l'hyperdrive est faussé, nous sommes perdus...
- Il n'y a pas de spatioport, du moins pas encore... Et personne ne connaît le basic ici. Moi je sais que ceci est un B-Wing, et ce qu'est l'Alliance et tout, mais pour cette planète, c'est de la fiction... des hommes ont imaginé, écrit ou filmé votre histoire, mais ce n'est que pure spéculation... Je vous explique. Nous commençons juste à maîtriser le voyage spatial, et encore. Nous avons tout récemment atteint la plus proche planète, et nos sondes dépassent à peine notre système.
- N'en dites pas plus, je comprends. Votre cas n'est pas exceptionnel. Il y a une vingtaine de millénaires, à l'aube du voyage hyperspatial, de nombreux vaisseaux se sont perdus aux confins des galaxies et ont débarqué leurs colons sur des planètes pas toujours habitables avant de disparaître. On en retrouve encore lorsque les conditions ont été favorables. Ces humains ont parfois créé des civilisations suffisamment avancées pour nous rejoindre d'elles-mêmes, d'autres ont tout perdu pour repartir à la base, comme vous, et d'autres enfin, sont redevenues animales, comme les hommes des sables. Nous sommes ici très loin des routes commerciales ou des systèmes habités, quelque part dans la frange, ce qui explique qu'on ne vous ait pas encore trouvé.
3.26 s'interrompit pour parler au pilote qui l'écouta d'un air grave et posa une question qu'il nous traduisit.
- Combien de temps dure une année ici ?
- 365 jours un quart, 24 heures par jour. Et nous sommes en 1997.
Après un rapide calcul, le pilote nous demanda :
- Un de mes amis et son copilote non-humain se sont perdus dans cette région il y a cinquante de vos années. C'était donc en 1947. Son communicateur a fonctionné jusqu'à une date récente et nous l'avons tenu au courant des événements, mais n'avons pu le localiser. Il s'appelait Gueorg Lukka. Vous le connaissez donc, puisque vous savez qui nous sommes...
Georges Lucas ! Je faillis tomber à la renverse. Thomas, ne parlant pas latin, me demanda des explications. Je les lui donnais, du mieux que je le pus.



 

Réunis autour d'un feu, partageant notre dîner, nous discutâmes jusqu'à une heure avancée, par droïde interposé. Tous mes rêves étaient cristallisés dans cet homme et cette machine, c'était vraiment un instant magique. Si le "chaînon manquant" de notre évolution n'avait jamais été trouvé, c'est parce qu'il n'existait pas... Les créationnistes avaient raison en fin de compte, l'homme est apparu dans sa forme actuelle, il y a vingt mille ans environ, mais sans l'aide d'un dieu. Une race d'hominidés avait bien vécu sur cette planète, mais les colons les avaient exterminés, puis s'étaient installés, redécouvrant le travail du métal et l'agriculture sans le secours de leur technologie. Leur science perdue, ils avaient fondé un nouveau monde. Le nôtre. Mais quelle était alors l'origine des hommes ? D'après les données de 3.26, elle était si ancienne qu'elle se perdait dans la nuit des temps. Leur planète d'origine présumée n'existait plus, mais l'être humain constituait sans aucun doute l'une des plus anciennes races de l'univers.



Tandis que Thomas s'écroulait de sommeil, le pilote et le droïde s'attelèrent à la réparation de leur vaisseau. Le crash ne l'avait pratiquement pas affecté, mais ils devaient régler le calculateur eux-mêmes en l'absence de structures adaptées. Je finis par m'endormir à mon tour, bercé par la voix régulière du traducteur qui me racontait son monde.



Je m'éveillai en sursaut, alors que l'aube se levait. La rosée couvrait la terre fraîche, les vallées disparaissaient dans le brouillard. Le B-Wing, redressé, reposait fièrement sur ses patins d'atterrissage. Le droïde et M. Topeg discutaient à voix basse. Remarquant que je ne dormais plus, ils vinrent vers moi. 3.26 traduisit au fur et à mesure les paroles du pilote.
- Nous n'avons pas le temps en ce moment de nous occuper de votre planète, mais soyez assuré que dès que nous le pourrons, nous vous enverrons une ambassade. Il existe des commissions spéciales pour ce genre de cas, qui assurent une transition en douceur entre les mondes primitifs et ceux de l'univers connu et développé. Nous, nous devons partir, j'en suis navré. Peut-être nous reverrons-nous lorsque votre monde aura rattrapé son retard...



Je me jetai à leurs pieds, les implorant de me laisser venir avec eux. Le pilote fit mine de résister mais je pense qu'il s'attendait à ma supplique. Je lui fis remarquer que le B-Wing standard avait trois places et qu'il n'aurait qu'à me déposer sur une planète développée, comme il disait, où je tâcherai de me débrouiller... Bien sûr, sans parler la langue universelle, sans argent ni connaissances utiles... mais bon !



Son sourire me rendit fou de joie. Il était d'accord ! Autre geste compris de tous, il me tapa sur l'épaule, et le droïde traduisit un mot que je ne compris pas, mais qui devait être "fiston" ou quelque chose dans ce genre là. Tandis qu'il préparait le départ, je récupérais mon sac à dos et laissai une lettre à Thomas, lui demandant de garder le secret et de rassurer mes parents. Puis j'embarquai pour les étoiles, entre un droïde et un pilote de l'Alliance !



C'est lorsque je fis, quelques instants après, mon premier saut hyperspatial qu'une crainte terrible s'empara de moi, crainte qui ne m'a jamais quitté depuis. Et si tout à coup une sonnerie ou une musique, issue de mon réveil, venait me tirer de ce paradis ? Si ce n'était qu'un rêve, si, après mes aventures, je me retrouvais comme un imbécile endormi au pied de mon télescope ? J'essayai de ne pas trop y penser, mais cela m'a tourmenté longtemps.



 

- 2 -
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L'ordinateur de bord ayant trouvé sa route, nous voyagions à une vitesse de plusieurs parsecs vers une autre galaxie. 3.26 avait commencé à m'apprendre les rudiments du basic. C'est une langue très simple, puisqu'elle est conçue pour être comprise et prononcée par un maximum d'espèces, mais comme elle ne ressemble à rien de connu, ce n'était pas facile. Il me fallait aussi apprendre à lire et écrire, à vivre tout simplement, car je ne connaissais rien aux objets quotidiens. Je n'aurais pas même su me faire à manger ! Et quant à conduire un vaisseau, s'il était exact que j'étais déjà un pilote hors pair - sur ordinateur - je devais apprendre à calculer de véritables coordonnées de vol et à me servir des instruments du cockpit au lieu du clavier et du joystick.



Quant aux coutumes et aux modes de vies, je n'en connaissais que ce que M. Lucas avait bien voulu dévoiler dans ses premiers livres et dans ceux qu'il écrivit par la suite sous des noms d'emprunt. Beaucoup à apprendre, mais j'avais le temps. J'imaginais la réaction de cette vieille humanité terrienne, si égocentriste et sûre de sa domination, lorsqu'elle apprendrait qu'elle n'était due qu'à un navigateur défectueux, pièce oubliée d'un puzzle géant ayant continué sa route sans elle. J'imaginais les grands aéroports reconvertis en spatioports et le renouveau complet que cela impliquerait dans nos mentalités. Tout serait changé... Nous, si fiers de nos ordinateurs et de nos avions de chasse, comment réagirions-nous en apprenant que nous n'en étions qu'aux balbutiements de l'informatique et du vol, entre autres...



Topeg fit basculer un levier et les étoiles reprirent leur place dans le ciel. Devant nous, une grosse planète gazeuse ressemblant à Jupiter, mais mauve, orbitait tranquillement, accompagnée d'une myriade de lunes. Notre B-Wing, slalomant entre les petits satellites et les débris spatiaux dont l'une d'elle était entourée, pénétra bientôt dans une atmosphère assez dense et se posa sur une plate-forme, au-dessus d'un océan si vaste que notre Pacifique faisait allure de mare. Lorsque la verrière s'ouvrit, la tête me tourna. C'était la première fois que je respirais un autre air que celui de la Terre et je n'étais pas accoutumé à de tels changements. La gravité plus forte et la teneur en oxygène faible me faisaient vaciller. Je ne pus que me tenir, tremblant, à un aileron replié du chasseur tandis que Topeg et le droïde parlaient de moi à un homme venu les accueillir. Ce n'était pas un homme, d'ailleurs, mais un Twi'lek aux tentacules crâniens rangés dans son dos. Il me regarda étrangement et fit un sourire découvrant ses dents pointues, tout en me fixant de ses yeux d'albinos. Un frisson me parcourut. Le premier non-humain que je voyais n'était ni beau ni rassurant... Il refusa de me laisser descendre dans la base sous-marine, réservée aux seuls militaires de la république, sans compter que je n'étais pas encore immunisé contre les principaux maux de l'univers. C'est à peine si mon organisme se défendait contre les quelques germes terriens, alors face à ceux du reste du cosmos, je ne pesais pas grand chose !



Topeg ne resta que quelques heures sur la lune océane et je l'attendis à côté de son chasseur en compagnie de 3.26 qui continuait les leçons de basic. En même temps, il me renseignait sur l'histoire contemporaine, car je n'en connaissais qu'une version expurgée et romancée, du seul point de vue de la famille plus ou moins imaginaire de Skywalker et de Solo.



Topeg revint, après avoir délivré avec un jour de retard ses informations et comme il n'avait rien d'autre d'urgent à faire, il m'emmena droit sur Coruscant pour me faire passer un contrôle médical et m'obtenir des papiers en règles. Je ne raconterai pas mon émerveillement en arrivant sur le site de la capitale galactique. Je n'y parviendrais pas. Je manque de points de comparaisons, et de mots. Une planète recouverte à plus de 90% d'une seule et tentaculaire cité, haute d'un kilomètre, parfois plus, illuminant tellement sa face nocturne qu'on y voyait comme de l'autre côté, fourmillant de millions de vaisseaux de tous calibres et de tous tonnages, aux origines aussi variées que les étoiles elles-mêmes, qui montaient, piquaient, chargeaient, transportaient des milliards d'êtres et de quintaux de marchandises, de et vers le reste de l'univers connu, et peut-être bientôt la Terre...



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Certains faisaient la navette entre la surface totalement urbanisée et les centaines de croiseurs en orbite. D'anciens impériaux, des calamaris, des nébulons, des correlliens et bien d'autres que je ne savais pas identifier... Spectacle grandiose et merveilleux. Collé aux hublots, je n'entendais même pas la conversation du droïde ni ne prenais garde aux manoeuvres d'atterrissage. Topeg dut me secouer par l'épaule pour qu'enfin je quitte ma place et le suive, encore étourdi, mon sac sur l'épaule.



Nous étions posés en hauteur, sur l'un des bâtiments de l'armée. Déjà des techniciens mon-calamari entouraient le B-Wing tandis qu'un petit groupe d'humains et quelques autres venaient à notre rencontre.



Avant tout, quelques considérations sur les humains qui peuplent l'univers. Il y en a bien sûr des variétés infinies. Déjà, sur une seule planète comme la terre, on ne se ressemble pas d'un pays à l'autre, alors imaginez à l'échelle de la galaxie ! Mais, en général, j'ai trouvé nos cousins plutôt menus. Un mètre quatre-vingt est considéré comme exceptionnellement grand. J'ai vu un passer un Wookie. C'est vrai qu'il était impressionnant, mais il ne dépassait pas deux mètres. Pour en revenir aux humains, la couleur de leur peau est curieusement neutre, ni vraiment blanche, ni café au lait, plutôt olivâtre, mais là encore, toutes les variantes existent bien que je n'aie encore vu personne aux traits asiatiques. C'est peut-être une caractéristique terrienne. Les femmes sont de la même taille que les hommes et souvent un peu épaisses par rapport à nos canons de beauté - mais j'ai aperçu dans les rues coruscanes quelques ravissantes personnes. Bref, c'est bien la même espèce, et mon teint clair, ma haute stature ne me font pas trop remarquer ; cependant on sent que notre évolution à légèrement divergé pendant tous ces millénaires. Les gens sont plus uniformes, sans l'habituel melting-pot terrien, peut-être parce qu'ici les disparités sont déjà aplanies. Ils vivent plus longtemps, atteindre l'âge de cent trente ans n'est pas rare.



Du point de vue social, s'il y a des riches, la misère est rare et le chômage inconnu. L'expansion et les guerres galactiques continuelles fournissent assez de débouchés comme colons ou soldats pour tout le monde. Et l'offre est équilibrée, puisqu'il n'est de tâche pénible ou dégradante qu'on ne puisse confier à un droïde, en y mettant le prix. Dans de nombreux systèmes, l'esclavagisme propose une alternative. J'aurais encore beaucoup à dire, notamment sur les rapports entre les différentes races, la technique, mais j'y reviendrai si j'en ai le temps.



 

Le verdict du contrôle médical fut assez mitigé. On me trouvait plein de toxines, de carences ou d'excès en vitamines, en protéines ou molécules dont j'ignorais tout, mais rien qu'une alimentation standard équilibrée et un séjour en cuve bacta ne puissent arranger. Pourtant, ma forme physique les étonnait et ma vigueur leur paraissait extraordinaire. Je m'acquittai donc des formalités et reçus l'équivalent de nos vaccinations contre un nombre fabuleux de dangers viraux ou organiques sévissant dans l'univers humain, après quoi on me remit mes papiers (façon de parler puisque c'est une puce) et ma fiche d'état-civil fut intégrée au système. J'étais à présent citoyen officiel de la Nouvelle République. Grâce à des techniques pédagogiques héritées de milliers de générations et à la patience surhumaine, par définition, de 3.26, je faisais de grands progrès en basic et pouvais déjà suivre à peu près une conversation, m'exprimer et commencer à lire les idéogrammes phonétiques. Par ailleurs, je fis aussi des progrès en grec classique et en latin, pour dialoguer avec le droïde. Heureusement, mon sac à dos contenait un dictionnaire français/latin dont je me servais sur terre pour réviser, qui m'aida à palier mes manques de vocabulaire. Ce n'était pas parfait, le latin ayant lui-même évolué, mais du moins nous nous comprenions. En revanche, impossible de me débarrasser de mon accent exotique en regard de la platitude absolue du basic !



Une semaine standard passa. Je logeais dans un petit hôtel payé par le gouvernement, en tant qu' "ambassadeur" de seconde classe. C'était provisoire, une pirouette administrative prévue pour aider l'intégration des gens dans mon cas. Un petit droïde m'accompagnait partout, chargé de m'apprendre tout ce que devais savoir, des règles de courtoisie à l'utilisation des toilettes ou les lois économiques. Je voyais parfois Topeg qui m'apprenait à piloter et je brûlais d'envie de découvrir le reste de la galaxie... Mais c'était cher et je ne pouvais pas encore m'offrir un vaisseau personnel, loin de là.



D'autre part, je ne pouvais continuer à vivre ainsi au frais de l'Etat sans rien faire. Or, devant mon incompétence pour quelque métier que ce fut, même barman, il était difficile de trouver quelque chose. Mon accent étrange et mon allure n'inspiraient pas confiance. Un homme presque aussi grand et fort qu'un Wookie, aussi ignorant qu'un Ewok sur bien des aspects, aux origines douteuses, détonnait dans ce monde aseptisé, surtout depuis que la contrebande était étroitement surveillée et l'Empire achevé. J'étais arrivé en plein essor économique, dans l'après-guerre galactique, sans pouvoir en profiter.



Finalement, sur un conseil de Topeg, je fis les démarches nécessaires pour obtenir un "poste d'ambassadeur prévisionnel" sur une planète perdue que je connaissais bien, la Terre. Il s'agissait de préparer ces chers humains de chez moi à oublier un peu leur fanatisme et leurs tracas régionaux, voir nationaux, pour s'ouvrir en douceur vers l'univers, ambitieux programme !



 

Un mois passa, sans réponse officielle. J'avais assimilé le basic et pilotais un vrai chasseur presque aussi bien que devant mon PC. A force de travail et grâce à des méthodes hypnotiques, je connaissais les systèmes de fonctionnement et de pilotage des principaux engins spatiaux, et mon vocabulaire basic égalait celui de ma langue maternelle, encore que celle-ci fût plus riche.



J'avais loué, grâce à un emploi précaire de spatio-docker, un "studio" en orbite et ma vie s'organisait, mais il était encore trop tôt pour songer à voyager vers les nébuleuses. J'avais presque oublié ma requête lorsqu'un matin, en décompressant mon "courrier", je découvris une convocation au Ministère des Cultures. Je pris la première navette pour la surface et m'y rendis aussi vite que possible.



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Mais une fois posé à la station, en tournant deux fois à gauche, puis à droite, puis en prenant la rue du dessous (les plans d'urbanisme étaient en 3D, pour bien desservir chaque zone, mais cela rendait la circulation infernale), je me rendis compte que malgré les indications de mon ordikit, j'étais perdu. Bien sûr, il suffisait de demander à quelqu'un pour retrouver ma route, mais ici comme ailleurs on me regardait bizarrement et la première passante à qui je m'adressai me jeta un regard effarouché et pressa le pas. Décidément, malgré leur technologie, les gens d'ici n'étaient pas très... futés.



Je réessayai auprès d'un minuscule Tadriz écailleux qui me répondit avec force détails, mais dans sa langue sifflante et incompréhensible. Cette situation devenait ridicule, mais au lieu d'en rire, je me sentais oppressé, mal à l'aise. J'avais l'impression... L'impression d'être observé. Je me suis retourné brusquement, juste à temps pour entendre un blaster s'activer et voir un trait de lumière fuser vers moi. Pas sportif, peu nerveux, j'avais pour avantages une grande force musculaire et de bons réflexes. J'esquivai le coup et plongeai vers la zone d'ombre d'où venait le tir; mais mon assaillant avait prévu la feinte et me fit trébucher. Je tombai et avant de me relever, une lourde botte s'abattit sur ma poitrine, suivie d'une deuxième, me clouant au sol. Je remarquai qu'une autre paire de jambes soutenait l'arrière de la créature. Impossible de distinguer un visage, si visage il y avait, mais je vis nettement trois bras fluets pointer vers mon visage le canon encore chaud et sentant l'ozone de l'arme.



Quelques doigts émergèrent et appuyèrent sur le bouton de tir. Je fermai les yeux, les poings crispés. Le bruit caractéristique du blaster qui se décharge résonna à mes oreilles et je m'étonnai d'être encore en vie. Une masse tomba à mes côtés, le poids sur mon torse s'allégea et on m'aida à me relever et à fuir dans le dédale des rues souterraines.



En courant dans les ruelles sombres, derrière un inconnu, vers un endroit inconnu, j'eus la sensation exaltante d'être vraiment arrivé dans l'univers de Star Wars. Je venais de subir mes premiers tirs de blaster, pourtant pas plus courants ici que des coups de feu chez nous. Même s'ils m'étaient destinés, ce qui n'était pas rassurant d'autant que je ne voyais pas qui pouvait en avoir après moi à ce point, la poussée d'adrénaline que je venais de ressentir me changeait spectaculairement de la routine dans laquelle je commençais à m'enliser.



 

Après un ultime tournant, mon sauveur s'arrêta si brusquement que je faillis le heurter. Tout en reprenant mon souffle, je l'observais à la dérobée, alors qu'il, ou plutôt elle ne se gênait pas pour me dévisager. Vêtue d'une tunique sombre moulante, elle tenait encore à la main son pistoblaster, mais je ne distinguais pas son visage. Elle était gantée et cagoulée ; je ne voyais d'elle que les mèches de cheveux dans son cou et ses grands yeux pâles.



J'ouvrai la bouche quand elle me fit signe de me taire et de me baisser. Dissimulés dans la pénombre de la ville basse, nous attendions quelque chose, mais quoi ? La réponse vint d'en haut. Un glisseur se posa doucement. J'ignorais comment il avait accédé à ces niveaux inférieurs interdits à la circulation aérienne, mais je suivis l'inconnue à bord. Au diable les questions, on verra plus tard, me dis-je. Voilà une vraie aventure, comme dans les livres, autant en profiter.



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Toutes lumières éteintes, nous filions vers les profondeurs de la cité dantesque. Je ne voyais pas le pilote qui me tournait le dos, mais il devait être humain, d'après sa silhouette. Celle qui était assise près de moi ôta sa cagoule. Encore aujourd'hui, j'ignore si elle était ce qu'elle prétendait être, quelles étaient ses origines, son histoire, mais elle me fascinait. Elle n'était pas particulièrement belle, mais son expression toujours à mi-chemin entre amusement et ironie, ses grands yeux très pâles qui reflétaient une rare intelligence… Son rire interrompit le fil de mes pensées.
- Contrairement à ce que tu pourrais croire, il n'y a pas erreur sur la personne. Nous savons qui tu es et d'où tu viens, mais comme tu t'en es rendu compte, nous devons te protéger. Je t'expliquerai. Moi, c'est Doria Hoakensield, et le pilote, il s'appelle Spijtoïry Komùsthjhil, je vous présenterai à l'occasion. Ah ! Nous arrivons.



Je me pressai sur le hublot pour tenter de percer l'obscurité, mais le bâtiment vers lequel nous nous dirigions ne se distinguait en rien des autres immeubles des niveaux inférieurs de Coruscant.



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Le glisseur, toujours sans bruit ni lumière, se posa dans un hangar, si bas dans la cité qu'il était presqu'au niveau du sol de la planète. Doria descendit la première et je la suivis. Le pilote ne bougea pas de son siège. Elle me guida à travers de longs couloirs, passant par des portes dérobées au travers d'appartements vides ou occupés, descendant toujours. Après quelques minutes, elle s'immobilisa devant une plaque de service et actionna un système codé qui la fit basculer. Une nouvelle porte. Elle me poussa dedans en riant et s'y engouffra à son tour. Le noir était total, j'étais complètement désorienté, mais la voix de Doria, qui se voulait rassurante, me dit :
- Ne t'inquiète pas, nous descendons au plus profond, car c'est censé être le plus sûr. Tu vas rencontrer des gens importants.
C'était un peu maigre comme information, mais je dus m'en contenter.



Je l'entendis actionner une manette, et ce qui devait être un ascenseur s'ébranla vers le bas, en diagonale.



Je sentis qu'elle me tapotait le bras, et elle glissa dans ma main une lampe torche. J'allumais. A la lueur concentrée du faisceau, je découvris que nous filions sur une plate-forme d'à peine deux mètres carrés au milieu de gigantesques colonnes dont je ne voyais ni les pieds ni le haut. Des millions de câbles, de tuyaux traversaient aussi cet espace vertical.



- Nous sommes sous le siège du gouvernement. Sous la cité.
Lorsque le monte-charge stoppa, j'en descendis, les jambes un peu flageolantes. Il y eut encore un trajet en monorail, puis quelques dizaines de mètres à pied avant d'atteindre enfin une salle voûtée dont l'ameublement et la décoration me semblaient plus familier que tout ce que j'avais pu voir jusqu'à présent sur Coruscant.



 

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La pièce était en forme de pentagone régulier et au bout d'une grande table, trois humains et un calamarien se levèrent à mon arrivée. Il saluèrent et se rassirent, me faisant signe d'en faire autant. Doria prit place un peu plus loin. En face de moi, un homme d'une cinquantaine d'année avait une expression douce qui contrastait avec son allure et ses cheveux ras. Il m'observa quelques instants, dans un silence qui devenait pesant, puis il parla, doucement, clairement. En anglais.
J'écoutais, stupéfait, ce qui suit.



- Bonjour, jeune terrien. Je suis Graham Campbell, Conseiller d'Etat à la Maison Blanche, Washington D.C., États-Unis. Sur Terre. Il y a des choses que vous savez, d'autres pas, certaines que vous apprendrez, d'autres probablement jamais. Mais venant de Terre et vous retrouvant ici, vous êtes dans une situation peu enviable, croyez-moi. La Terre, malgré son évolution indépendante, a depuis quelque temps fait des progrès fabuleux et les Terriens sont beaucoup plus évolués génétiquement que le reste de la race. Nous sommes plus forts, plus intelligents, même si nous vivons moins longtemps. Depuis un siècle, la tendance s'est accélérée et nous avons rattrapé en 150 ans la science vieille de plusieurs millénaires ici. Bien sûr, ni voyage hyperspatial ni droïdes intelligents, mais nous sommes sur la bonne voie. Les spécialistes estiment qu'il ne faudra plus qu'un siècle ou deux pour atteindre le niveau technologique du reste de l'humanité. Nous n'avons pas de flotte, pas de croiseur, et serions incapables de résister à une attaque militaire, pour l'instant, mais nous faisons peur. Nous faisons peur car nous pouvons les "contaminer" insidieusement si nous nous mélangeons. Notre pouvoir reproducteur est nettement supérieur, notre cerveau plus vif. Notre apparence souvent plus harmonieuse. Nos partisans, dont vous voyez ici quelques représentants, soulignent l'aspect positif que cela aurait pour l'humanité en général. Elle cumulerait ainsi, à long terme, la sagesse relative et les techniques acquises en quinze mille ans avec la vigueur saine d'une évolution parallèle, "au grand air" en quelque sorte, qui a favorisé le physique et du même coup les réflexes et le mental. Ici, cancers et virus sont éradiqués "automatiquement" dès leur apparition, ce n'est plus un problème. L'humanité peut s'en trouver grandie et augmenter encore son aval sur le reste de l'univers. Mais bien sûr, nombre d'autres races s'opposent formellement à ce principe et de nombreux humains aussi. Ils ont l'impression qu'ils vont perdre leur identité. Ne trouvez-vous pas extraordinaire qu'à peine six milliards de Terriens puissent effrayer à ce point des centaines de milliards d'êtres pensants ?
Jusque là, les autres peuples perdus ont plutôt dégénéré : Hommes des sables, des forêts, Tagriens ou Swouelmars ; ou bien ils ont conservé suffisamment de technologie pour repartir sur des bases récentes et rejoindre la civilisation galactique. Mais nous, Terriens, sommes les seuls à avoir perdu nos connaissances et néanmoins évolué. Cela fait peur, et c'est la raison pour laquelle "on" veut, sinon nous détruire pendant qu'il en est temps, du moins nous empêcher de prospérer sans contrôle. Dans ce but, "on" hésite pas à tuer les ambassadeurs terriens comme vous et peut-être qu'un jour, une étoile noire ou un broyeur de soleil arrivera chez nous pour nous rayer des spatio-cartes avant qu'il ne soit trop tard... pour eux.



 

L'Américain se tut et prit une gorgée du liquide lumineux posé devant lui. Je connaissais, c'était du nectar de souili, une boisson fabuleusement rafraîchissante mais hors de prix, signe que cette organisation avait suffisamment de moyens pour gâter ses membres. Ils me laissèrent quelques minutes pour analyser ce que je venais d'apprendre, puis le mon-calamari poursuivit d'une belle voix grave et "humide" les explications.



- De leur côté, les Terriens, du moins les rares qui sont au courant, ne sont pas tous favorables à une expansion hyperspatiale prématurée. Nous connaissons votre planète depuis environ un demi de vos siècles, et nous sommes en relation directe avec le gouvernement de votre Etat le plus puissant, qui est ouvertement opposé à une révélation de tout ce qui nous concerne. Les dirigeants terriens craignent à juste titre de perdre leur pouvoir sur Terre ou d'être réduits à de simples gouverneurs locaux dans un système administratif global. Ils tentent de nous mettre des bâtons dans les répulseurs avec des organisations comme les "Men in black", qui traquent nos représentants. Il y a pourtant chez vous quelques citoyens de Coruscant ou d'ailleurs. Georges Lucas, qui s'est fait connaître en avouant tout sous une forme romanesque pour contourner les décrets officiels mais vous préparer quand même (il travaille pour notre organisation, au fait), et d'autres qui ne se différencient pas de la population mais qui nous servent de relais. Certains sont célèbres, d'autre restent anonymes, mais leur existence en tant qu'agent de liaison est ultra-secrète. L'un d'eux était très efficace, il se servait de message subliminaux dans des chansons pour vous ouvrir en douceur à la réalité. Il est rentré, il n'y a pas si longtemps. Mais M. Presley, comme les autres ne...



 

Brusquement il s'interrompit. La porte pourtant blindée explosa, se vaporisa serait plus juste, et des troupes armées, qui devaient nous avoir suivis malgré les précautions de Doria, firent irruption. Peu d'humains parmi eux, alors que leur sens de la guerre en faisait les soldats les plus courants. Sans sommation, il tirèrent à feu nourri. D'instinct je me jetai sous la table de plastacier et la renversai pour nous fournir un abri. Le calamarien, l'autre terrien et Doria eurent le temps de s'y réfugier avec moi, mais les deux autres personnes furent touchées de plein fouet et s'écroulèrent dans une atroce puanteur d'ozone et de chair brûlée. Doria avait dégainé et ripostait pour les empêcher d'avancer. Les tirs ennemis ricochaient sur la surface polie mais pour combien de temps encore ? Par endroit, le métal était déjà chauffé à blanc !



Pris par l'action, je ne m'aperçus pas tout de suite que les dirigeants de l'organisation me faisaient de grands signes pour que je les rejoigne dans une trappe dissimulée. Je courus m'y engouffrer, Doria derrière moi, alors que la table de réunion achevait de fondre sous les coups répétés des blasters de la milice.



Nous courûmes le long de couloirs secrets, tandis que tous les cinq mètres une lourde porte blindée se fermait derrière nous. Nos assaillants, au moins, ne pourraient pas nous suivre par ici. Nous utilisâmes un turbo-lift qui nous propulsa à la surface et nous retrouvâmes, essoufflés et couverts de sueur, dans les cuisines d'une cantine militaire où les quelques droïdes présents ne prêtèrent aucune attention à notre présence incongrue. Nous nous séparâmes et je partis avec Doria.



 

Nous prîmes un aérotaxi pour les zones-dortoirs des spatiodocks orbitaux. Je l'invitai chez moi prendre un verre, et je dus insister car elle craignait qu'on y soit attendu ; or, étant donné la grande fréquentation des lieux, une intervention des anti-évolutionnistes était peu probable. Je préparai un vrai café terrien dont j'avais des sachets dans mon sac.



Nous avions à peine commencé à boire que la lumière s'éteignit brutalement, sans que les systèmes de secours prennent le relais. Doria m'appuya sur l'épaule pour me faire allonger sur le sol et dégaina son blaster. Le chuintement caractéristique de la porte qui s'ouvre se fit entendre, aussitôt suivi par celui indiquant la fermeture. Puis un autre bruit que je connaissais aussi, bien que n'ayant pas eu l'occasion de l'entendre ailleurs qu'au cinéma, accompagna l'émergence d'un double trait de lumière violacée. Un sabrolaser à double lame. Dans la faible lueur, je reconnus l'horrible Twi'Lek qui attendait Topeg, lors de notre arrivée sur la lune océane.



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Doria tira mais il dévia le coup, ainsi que les suivants. A ce régime, la cellule énergétique du petit blaster fut vite à plat, d'autant que ses réserves n'avaient pas eut le temps de se reconstituer depuis l'assaut dans la salle souterraine. Elle n'eut pas le temps d'en changer. Probablement grâce à la Force, la lourde armoire de régulation se détacha du mur et s'écroula sur elle.



Un mauvais sourire sur ses lèvres pâles, le Jedi, n'appartenant pas forcément au côté obscur car tout dépendait du point de vue de leur ordre sur ma situation, se retourna vers moi et m'ordonna de me lever. Comme je refusais, il fit un geste de la main et sans savoir comment, je me retrouvai bel et bien debout. Il se retourna et sortit, et je constatais avec horreur que je le suivais docilement. Je ne me souviens plus de la suite immédiate.



 

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Lorsque je m'éveillai, j'étais attaché par des liens magnétiques dans une cellule obscure et dénudée. Des capteurs avaient dû prévenir mes ravisseurs de mon éveil car trois gardes non-humains entrèrent et m'emmenèrent, toujours ligoté, jusqu'à ce qui semblait un poste de commandement de croiseur. Ils me jetèrent au sol et mes liens s'éteignirent. Péniblement, un peu étourdi, je relevai la tête pour voir trois personnes qui m'observaient.



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Il y avait là le Jedi Twi'Lek qui m'avait capturé, une femme plutôt belle, mais d'une raideur glaciale et un humain au crâne dégarni affichant à la fois une moue supérieure et dégoûtée à mon égard.



Sans qu'on me le demande, je me relevai. Ce n'était pas parce que je n'étais qu'un pion évoluant sans comprendre, à la merci des événements, que cela me forçait à me traîner aux pieds de qui que ce soit. Je notai chez eux un léger mouvement de recul. Presque tous les humains ici avaient cette réaction, je les dépassais facilement d'une tête, ils n'avaient pas l'habitude.



L'homme qui semblait diriger prit la parole.
- Alors c'est donc cela qui prétend prendre avec sa planète ridicule et rétrograde le contrôle de l'univers ?
- Pardon, vous devez faire erreur. Vous vous trompez de personne ou de planète mais en tout cas je ne vois pas de quoi vous voulez parler...
- Moi, je fais erreur ?



La jeune femme à ses côtés leva un cylindre métallique, d'une trentaine de centimètres de long, et l'activa.



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Un sabrolaser. Encore une Jedi !
- Laissez-moi le corriger, Derk, il le mérite ! Quel affront...
- Non ma chère, pas tout de suite.



Il revint à moi tandis qu'à regret la lame de lumière disparaissait.
- Tu ne sais pas qui je suis, c'est évident.
- Non, nous n'avons pas été présentés, désolé.
Il y eut un moment de flottement. Apparemment ce Derk avait l'habitude que sa seule présence fasse défaillir, et, comme j'ignorais encore ce qu'il était, je contrôlais ma peur... Sachant ce qu'il représentait, je n'aurais sûrement pas agi comme je l'ai fait. Mon ignorance m'a probablement sauvé la vie.
- Nous en parlerons plus tard. Je laisserai à certaines personnes le soin de t'expliquer. Il y a plus urgent.



Il frappa dans ses mains et les gardes revinrent portant cette fois Doria. Il la jetèrent au sol de la même façon qu'ils avaient fait pour moi.



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Elle, contrairement à moi, resta à genoux levant un regard craintif que je ne lui connaissais pas vers Derk. Le Twi'Lek s'accroupit à son côté et lui prit la main, toujours sans qu'elle réagisse. La Jedi réactiva son sabrolaser et en approcha la lame si près de la peau qu'on ne savait où s'arrêtait la lumière et où commençait le derme. Cette fois Doria se débattait, mais la poigne de fer du non-humain la maintenait.



- Qu'est-ce que vous voulez, enfin ! criai-je.
- Les réponses.
- Mais à quelles questions ? Je ne sais rien et même si c'était le cas, dites-moi à quoi je dois répondre...



Je jurai en français, ce qui décontenança un peu Derk, mais sans faire réagir les Jedis dont j'étais sûr à présent qu'ils étaient sombres. La torture appartient au côté obscur, et ils s'en délectaient.



Soudain, ils se retournèrent, mûs par leur instinct, mais trop tard. Un tir de fusil blaster atteint le Twi'Lek en pleine face. Concentré sur son rôle de tortionnaire, il n'avait pas pris conscience du danger. La mort lui fit lâcher Doria, qui rampait vers un coin en se tenant la main, grimaçant de douleur. Un second tir fut dévié par l'autre Jedi et le sniper sortit de l'ombre. A son tour, il activa une lame, jaune cette fois. Le combat s'engagea.



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Fasciné, incapable d'intervenir, je les observais. Elle avait le dessus, et pourtant l'homme semblait plus adroit, plus rapide. Je m'aperçus vite que Derk agissait de son côté. Il maîtrisait aussi la Force et frappait le Jedi de traits de Force pure, invisible mais dont on percevait, même sans les subir, les coups douloureux qui le déstabilisaient.



Sans réfléchir, je me jetai sur Derk, profitant de ma masse et de ma force. Ce n'était certes pas très élégant comparé à un duel de sabrolaser, mais la bonne vieille méthode terrienne consistant à se servir de ses poings restait très efficace contre un adversaire surpris et qui, malgré son habileté avec des armes à énergie, pâtissait des revers d'une évolution épargnant la moindre contrainte physique ou le moindre effort depuis des millénaires.



Du coin de l'œil, je vis que la Jedi avait commis l'erreur de se laisser troubler par notre lutte et l'attaquant à la lame jaune la transperça de part en part. Bien que ses muscles fussent atrophiés et son corps dévoré par le côté obscur, Derk concentra suffisamment de Force mentale pour me soulever et me repousser au loin. Je m'écroulai contre un panneau de commandes.



 

Lorsque je pus reprendre mes esprits, ce fut pour voir Derk, debout, le visage en sang, faisant face au Jedi et l'attaquant avec une telle puissance mentale que cela prenait la forme de boules d'énergie que l'autre tentait de dévier de son sabrolaser.



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Malgré ma douleur à l'épaule, j'arrachai au panneau contre lequel je venais de m'écraser une barre de métal et, contournant les combattants, m'approchai de Derk, craignant qu'il ne "sente" mon attaque. Mais il avait besoin de toute sa puissance pour contrer l'autre qui se battait comme un bantha enragé, et de plus, il ne pensait pas que je me relèverais. Du moins pas si vite. Cependant, sur Terre, il n'y a pas si longtemps nous disputions encore notre nourriture aux bêtes ou mes ancêtres vikings traversaient les océans à la rame… Mes os sont solides, en tout cas plus que ceux de la moyenne des humains de la galaxie. La levant haut au-dessus de ma tête, j'abattit mon arme primaire mais efficace sur sa tête. Jedi ou pas, il s'effondra, le crâne fracassé.



Rengainant son arme, haletant, l'homme vint vers moi.
- Spijtoïry Komùsthjhil. Je suis arrivé un peu tard, mais il était bien protégé. Ma responsabilité est lourde, j'en supporterai les conséquences. Il fallait bien que l'on se décide à supprimer cette ordure. Inutile de dire que c'est toi qui l'as tué, ce serait encore pire.



Doria s'était relevé et se jeta dans ses bras. Ils s'embrassèrent fougueusement. J'étais un peu déçu, j'avais espéré... n'y pensons plus.
- Il faut fuir, venez vite.



 

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Nous le suivîmes vers les hangars secondaires où nous nous entassâmes tous les trois dans un Tie Bomber prévu pour deux, après s'être assuré qu'il disposait d'une unité d'hyperdrive, ce qui n'est pas systématique sur ce type d'appareil. J'avais demandé à piloter, tandis que Doria, sur les genoux de Spijtoïry, appelait sur une fréquence réservée l'organisation basée à Coruscant. Avant de partir, je fis un tour pour admirer le croiseur nébulon-B à bord duquel nous étions.



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Je m'imaginais revenir un jour sur Terre à bord d'un tel engin, accompagné d'une ambassade, pour ouvrir à mes frères terriens les chemins mystérieux de l'univers. Peut-être ne le méritaient-ils pas, mais, après tout, pas moins que les autres humains.



 

Nous n'étions pas très loin de Coruscant, mais il fallait tout de même faire un saut hyperluminique pour y retourner. J'allais me placer dans ce but lorsqu'en face de nous, une pleine escadrille de Tie nous barra la route !



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Nous ne nous attendions pas à ce genre de résistance, et il était trop tard pour rendre le siège de pilotage à Spijtoïry ! J'allais devoir me débrouiller... En simulateur, ce n'était pas un problème, j'avais combattu pire, mais là, pas question de mettre en pause pour souffler un peu ou de s'octroyer des munitions illimitées !



 

Plus le temps de réfléchir ; il fallait laisser faire les réflexes acquis au long de centaines d'heures de pilotage virtuel. Avant tout, dévier un maximum de puissance vers la propulsion et les boucliers, quitte à tirer moins fort. Ensuite, repérer l'engin leader, le détruire à coup de missile à concussion... Quand il y en a. Mes soutes étaient vides.



Rapidement, j'en fus réduit à la défensive, sans pouvoir attaquer frontalement. J'évitai leurs tirs les plus meurtriers, mais ce jeu du chat et de la souris ne pouvait durer, ils se rapprochaient de plus en plus, et mes systèmes déflecteurs commençaient à être saturés... Par un système de vrilles successives, je les entraînai à ma suite droit vers le croiseur que je survolai en rase-mottes. Mais il leur en fallait plus pour lâcher prise.



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Les coordonnées du saut hyperspatial étaient calculées à présent, mais encore fallait-il rejoindre le point d'où les mesures avaient été faites ! Je m'en approchai au plus près et montai en chandelle, pour redescendre droit vers le point de départ. Coupant tous les systèmes de tir et réduisant la propulsion standard au profit des boucliers arrière, il fallait que ceux-ci tiennent le temps que l'hyperdrive s'enclenche. Toute l'escadre à nos trousses tirait à pleine puissance et je voyais l'indicateur d'état des défenses passer de l'orange pâle à un rouge de plus en soutenu, puis approcher dangereusement du blanc. Le démarrage des motivateurs d'hyperpropulsion était beaucoup plus lent que lors de mes entraînements virtuels !



Je nous voyais déjà vaporisé parmi les poussières cosmiques de la nébuleuse lorsqu'une brusque accélération nous plaqua à nos sièges. Les étoiles se changèrent en longs traits lumineux et disparurent dans le chaos de l'espace sub-luminique. Nous avions réussi !



 

Je me retournai. Encore pâles, mais pas autant que moi, Spijtoïry et Doria me félicitèrent pour l'audace de mon pilotage. Moi, je trouvais que c'était de l'inconscience et une bonne dose de chance, mais... j'étais assez fier de moi.



Le Jedi me conseilla de revenir dans l'espace normal avant le système de Coruscant et de le contourner pour prendre un vecteur d'approche différent que celui que nos poursuivants auraient calculer. Pendant les manoeuvres, il me raconta la mort "accidentelle" du lieutenant Topeg lors d'un exercice et le crash dû à une "défaillance technique" de l'appareil avec lequel il m'avait ramené. C'était le seul, en dehors des organisations secrètes, qui avait les coordonnées de la Terre. Et 3.26 avait été virusé en travaillant aux ateliers centraux, et comme par hasard, il avait fallu le réinitialiser.



Les opposants à la venue de la Terre au sein de la confédération planétaire possédaient le pouvoir, des moyens et peu de scrupules. Une chose encore, mon rendez-vous au Ministère des Cultures était un leurre, destiné à m'attirer dans un piège. Le gouvernement ne voulait pas se compromettre sur un sujet aussi sensible que l'intégration de la Terre dans la communauté galactique.



 

Nous approchâmes de Coruscant "par derrière", à l'opposé d'où nous attendait un éventuel comité d'accueil. Grâce un code piraté, on nous laissa nous poser sans identification poussée ni problèmes administratifs qui auraient attiré l'attention sur nous.



Nous retrouvâmes les quelques chefs de l'organisation, sans l'Américain qui avait été traqué et abattu par les troupes de Derk. Avoir éliminé celui-ci devait arranger nos affaires, mais mieux valait se faire aussi discrets que possible. Il fut décidé que je devais rentrer et attendre des instructions sur Terre, tandis qu'ils allaient renforcer la pression sur le gouvernement de la Nouvelle République, avec moins de difficulté maintenant que le lobby de Derk ne ferai plus opposition.



 

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On me fournit un X-Wing avec un astromécano dépersonnalisé, qui travaillait sans état d'âme et donc plus efficacement, mais qui n'était doué que pour ça et faisait un piètre compagnon de voyage. Qu'importe, j'allais enfin revenir chez moi, investi d'un espoir plus précis qu'auparavant et d'un message pour l'humanité, qu'il serait sans doute ardu de faire accepter. Et grâce à mon vaisseau, je pourrais, pour les vacances, aller visiter les mondes de Bételgeuse, les plaines de Seorpha où les temples Galadréen, faire du ski sur Hoth ou des randonnées sur Endor !



Je mis deux jours pour rallier la Terre à vitesse maximum et ce fut assez éprouvant, car même avec un appareillage évitant les crampes et facilitant le sommeil, c'était long dans un cockpit guère plus grand qu'un poste de conduite de berline. Le B-Wing de Topeg, bien que plus lent, était plus spacieux. Lorsque l'hyperdrive s'arrêta, je me trouvais au large de Pluton. C'était volontaire, je voulais voir notre système en me promenant. Dans l'espace normal, il me fallut un bon quart d'heure, en slalomant entre Jupiter et Saturne, pour atteindre la banlieue terrestre. Le spectacle était magnifique, mais je commençais à en avoir assez de mon immobilité et il faut dire aussi que j'étais dorénavant habitué à admirer des planètes depuis leur orbite, y ayant vécu près d'un mois.



 

J'entamai ma descente et survolai le Canada à vitesse très réduite, à peine plus de 900 km/h, pour ne pas passer le mur du son et me faire entendre au-dessus des villes. Je commençai à accélérer en vue de l'Atlantique lorsque mon radar me signala que j'étais suivi. Un contrôle visuel le confirma, une patrouille d'interception de quatre F-16 de l'US Air Force me pistait. Sans sommation, l'un d'eux tira un missile air-air.





Je l'évitai facilement et sans mettre mes ailerons en position d'attaque, fis un looping qui me plaça derrière eux pour tirer très légèrement sur la voilure de l'un d'eux. Sans être en danger, il ne pouvait plus combattre et dû abandonner la poursuite. C'était comme une course de voitures où ils conduiraient des petites citadines et moi une formule-1 ! Par précaution, j'activai quand même mes boucliers et m'apprêtai à regagner l'orbite pour les semer lorsque ma radio grésilla.
- Ici le lieutenant Bill Rosen, chef d'escadrille, au pilote du X-Wing Red 4. Nous vous sommons de vous rendre. Vous violez la convention galactique CS602 en vertu de laquelle tout vaisseau non terrien ne doit pas entrer dans le sanctuaire terrestre, à des fins de préservation et sous peine de destruction par nos services de sécurité.



Je crois que rien ne pouvait plus m'étonner. Sans chercher à répondre, je me contentai d'incliner encore un peu plus ma trajectoire vers le haut. Ils me suivirent ; ce ne fut qu'en orbite que je m'inquiétais. Ces F-16 étaient de véritables starfighters camouflés ! Du coup je poussais mes boucliers à fond et me préparai à engager la lutte pour ma survie. Je les appelai.
- Escadrille de l'US Air Force, je suis Terrien, bien que pilotant un engin coruscannais, je ne fais que rentrer chez moi !
- Désolé, les instructions sont claires. Tout vaisseau non humain... Certains nous échappent, mais pas vous. Tentative de fuite, nous devons vous détruire.



Chandelle, piqué, tir nourri, en position d'attaque cette fois, rien n'y fit. J'en détruisis un, en endommageai gravement un second. Plusieurs satellites de communication ou météo subirent des coups perdus. Mais je n'avais pratiquement plus de boucliers lorsque le dernier assaillant largua une torpille à proton. Incapable de résister à un tel choc, mon chasseur explosa, entraînant plusieurs autres satellites avec.



Copyright Lucas Art



Je m'étais éjecté à temps et ma capsule tomba vers la surface à grande vitesse. Le faux F-16 survivant avait traversé, non sans dommages, la carcasse du X-Wing et, privé de direction, percuta violemment la station orbitale Mir avant de retomber et de brûler, privé de protection, dans la stratosphère.



Ma capsule finit sa course du côté nocturne de la Terre, quelque part au large de l'Italie, où elle sombra. Un bateau de pêche me récupéra, le lendemain matin, flottant, inconscient dans ma bouée de sauvetage, avec mon sac à dos dans les bras. Rien de là-haut, pas un témoignage, pas une preuve.



 

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Moi, je m'en suis sorti. Mais qui pourrait me croire à présent que je n'ai rien à montrer... Il me reste à attendre, sachant qu'un jour ou l'autre, la Terre sortira de son oubli. Mais sera-ce pour être détruite ou invitée à participer à l'aventure de l'univers ?



 

En attendant, je cherche un moyen de prévenir mes concitoyens de ce qui se passe là-haut… A défaut de trouver mieux, j'ai raconté mon histoire dans cette nouvelle, mais qui me croira ? Et même en vous disant cela, vous allez penser que c'est pour trouver une fin originale… Comment faire ?



Si vous me croyez, si vous avez des contacts avec l'organisation sur Terre, je vous en prie, prévenez-moi !
Mon mail : zarkass@gmail.com



 

 

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Vous pouvez aussi la télécharger ici au format Word 95.
Je vous demande simplement de ne pas la rediffuser
sans mon autorisation.

Les illustrations sont pour la plupart tirée des vidéos de présentation de jeux Lucas Art. Merci à eux pour leur jeux si inspirants !